- C3
- Östersunds FK
Fouad Bachirou : « On a joué au Uno toute la journée »
Quand on évoque Östersund, on pense généralement à un 20/20 de Martin Fourcade en biathlon. Pourtant, le club de football de cette ville suédoise a réussi l’exploit d’éliminer Galatasaray en tour préliminaire de Ligue Europa. Comme quoi, Fouad Bachirou et ses partenaires savent, eux aussi, tirer dans le mille.
Fouad, vous avez éliminé Galatasaray lors du deuxième tour préliminaire de la Ligue Europa. Au moment du tirage au sort, l’ambiance était comment ?Je n’étais pas avec l’équipe. J’étais encore en vacances, car j’avais bénéficié de quelques jours supplémentaires vu que j’étais allé en sélection (avec les Comores, ndlr). Quand j’ai vu qu’on avait tiré Galatasaray, je me suis dit tout de suite « quelle chance » (ironique), qu’on n’avait pas de cul. Les autres joueurs déjeunaient quand ils ont appris la nouvelle. Ce n’était pas diffusé à la télé, mais ils étaient tous sur leurs téléphones. Et, du point de vue des sentiments, c’était plus ou moins partagé.
Du coup, vous avez dû en parler tout le temps entre vous ? Bizarrement, quand je suis revenu de vacances, on n’y pensait pas du tout, à ce match. Ça m’a même surpris. Il y avait deux semaines à attendre et on avait deux matchs de championnat. Je n’ai même pas pensé du tout que je pouvais me blesser. En ville, en revanche, c’était une autre folie. On nous souhaitait souvent bonne chance. Mais pas pour le match de championnat du week-end. À chaque fois, c’était pour le match face à Galatasaray.
Quel sentiment prédominait, l’excitation ou le stress ? On avait zéro stress. On est plus tendu en championnat. Là, c’était que du kiff, c’était l’occasion de s’évaluer, de voir où on en était. Ça nous permettait aussi de rencontrer Wesley Sneijder ! C’était vraiment de lui dont on parlait. C’est un mec qui a fait finale de Ligue des champions, finale de Coupe du monde. Même les parents des joueurs le connaissaient (rires). Malheureusement pour nous, il a quitté le club juste avant de nous affronter.
La causerie avant le match aller, c’était comment ? Le coach a annoncé l’équipe le matin, comme d’habitude. Pendant la causerie, le maître-mot, c’était de prendre du plaisir, de montrer ce qu’on savait faire et de jouer comme d’habitude. On est connus pour déployer un beau football, donc il a insisté sur nos valeurs.
Le jour du match, tu as fait quoi ?Tout le monde avait ramené ses proches pour cette rencontre. Moi, j’avais négocié sept places. J’avais la chance d’avoir ma famille et mes meilleurs potes pour cette rencontre. J’avais donc du monde à la maison le jour de la rencontre. On a joué au Uno toute la journée, du coup. Ça m’a fait du bien et ça m’a permis de ne pas du tout penser au match, d’être détendu. J’étais vraiment décontracté.
Vous avez donc reçu au match aller. L’ambiance au stade, c’était comment ?On n’a pas pu réaliser le record d’affluence du club, car nos fans sont toujours debout derrière l’un des buts. En Ligue Europa, ce n’est pas possible d’avoir des gens debout. Du coup, la tribune est restée fermée. Mais il y avait pas mal de supporters de Galatasaray. En Suède, il y a une très grosse communauté turque. Du coup, pendant l’échauffement, il y avait un bruit énorme. Notre physio, qui est une femme, a même été choquée. Je me souviens aussi que les fans turcs avaient des chants pour chaque joueur et que ces derniers venaient les saluer un à un.
Tes coéquipiers étaient tendus au moment du match ?Dans le vestiaire, tout le monde était concentré, chacun était dans sa bulle. Moi, je m’occupais de la musique, comme d’habitude, mais je ne sais plus vraiment ce que j’ai mis ce jour-là. En tout cas, ce n’était pas genre Gladiator (rires).
Dans le camp d’en face, il y avait deux Français, Bafétimbi Gomis et Lionel Carole. Tu as pu discuter avec eux ? Je n’ai pas parlé à Lionel Carole. En revanche, avec Gomis, on a échangé un peu. On s’est donné les infos de base. Il m’a demandé depuis combien de temps j’étais là et pourquoi il faisait aussi froid. C’est censé être l’été ici et il faisait neuf degrés. J’ai vu Belhanda également, mais à la fin de la rencontre. Je l’ai croisé en sortant du stade. Il m’a dit qu’il était trop juste pour la rencontre en raison d’une béquille qu’il avait reçue quelques jours avant. C’est du haut niveau. Il m’a fait une belle impression. En revanche, au fur et à mesure du match, on le sentait frustré. Mais ça reste un joueur de grande qualité. Il était bien énervé au coup de sifflet final. Un de mes coéquipiers est allé dans le vestiaire adverse à la fin du match et lui a demandé son maillot. Mais il a dit qu’il devait le garder.
As-tu trouvé les joueurs de Galatasaray moins frais physiquement ? Je ne les ai pas trouvés en difficulté. Allez, peut-être en fin de deuxième période, mais pas plus que ça. Nous, on a très bien commencé le match, on remportait nos duels et la confiance est montée tout de suite. Les onze joueurs étaient tous au niveau. On a aussi gagné le match tactiquement. Notre coach (Graham Potter, ndlr) est connu pour ça. Les points forts et les points faibles adverses, on les connaissait bien.
Tu réalises la passe décisive sur le premier but et tu es à la récupération du ballon sur le deuxième. C’est toi l’homme du match ?Je suis effectivement sur les deux buts (gêné), je n’ai pas trop regardé les journaux le lendemain. J’ai juste vu que j’avais eu cinq étoiles dans un quotidien. C’est pas mal du tout (rires). Sinon, j’ai joué au même poste que d’habitude. On évolue généralement avec deux six, un qui est plus devant la défense et un qui se projette un peu plus. Moi, c’est plus ça. On me reproche souvent de ne pas être assez décisif. C’est un point qu’il faut que j’améliore.
#VIGEROSSALDRIG pic.twitter.com/egHrqMSwBv
— Östersunds FK (@ofk_1996) 13 juillet 2017
Une victoire 2-0 face à Galatasaray, on imagine un vestiaire en folie à la fin de la rencontre…Certains joueurs ont voulu célébrer. Le coach nous a calmés et a dit qu’il fallait penser au match suivant. Mais à l’intérieur, il devait bouillir lui aussi (rires). D’ailleurs, on a joué une équipe de Stockholm quelques jours après, Djurgården. Il y a eu neuf changements, j’étais suspendu, et on a réussi à gagner 2-1. C’était un super résultat.
Le voyage en Turquie s’est bien passé ensuite ?Oui, nickel ! On était en première classe. Mais maintenant que j’y repense, j’ai une petite anecdote. Avant le départ, je dis à tout le monde de prendre ses crampons en cabines et pas dans les valises. On va monter dans l’avion et un steward demande au coach et à son adjoint qui sont les gardiens. Notre entraîneur lui dit qui c’est et lui avoue même qui va être titulaire. Le steward commence à se marrer. Je regarde le coach et je lui dis en rigolant : « T’es naïf, ils vont l’empoisonner. » À l’arrivée en Turquie, il manquait une seule valise… celle du gardien titulaire (rires). Et d’ailleurs, je crois qu’il l’attend encore. Ils ont dû la bloquer à Istanbul, la valise. C’est le charme du football.
Une fois en Turquie, comment était l’ambiance ?Déjà, que ce soit sur Twitter ou Instagram, on a reçu des millions de messages (sic). Tous les jours, on recevait des trucs du genre : « Welcome to Hell » . Dès qu’on est arrivés pour la reconnaissance du terrain, il y a eu une grosse bronca. Il y avait déjà du monde dans les tribunes près de deux heures avant le match. Ça a beaucoup sifflé. Mais on s’est dit que ça avait l’air magnifique.
Et pendant le match ?Les vingt premières minutes ont été très dures pour nous. Les joueurs de Galatasaray étaient très agressifs sur le ballon. Nous, on était venus dans l’idée de jouer, de garder le ballon, mais c’était impossible. On s’est fait rentrer dedans. C’était différent du match aller, car là, on avait quelque chose à perdre. L’ambiance, c’était une folie. Mais on savait que le public pouvait se retourner contre eux. Et on se retrouve à mener au score grâce à un penalty… Lionel Carole sort à un moment et il se fait huer comme pas possible. C’était moche à voir. Dès qu’on avait une attaque, ils nous encourageaient. À la fin du match, le public nous a applaudis. On a reçu une ovation et on a même fait un tour d’honneur. Pendant la rencontre, j’ai vu des spectateurs brûler leur carte d’abonnement. Et j’en ai même trouvé une sur le terrain.
Là, vous pouviez enfin laisser éclater votre joie dans le vestiaire… Là, ça a fait du bruit ! On a explosé. Le coach, on ne l’a pas mis à l’eau, mais c’est parti dans tous les sens. Il s’est quand même mis à danser et à chanter.
Au prochain tour, vous affrontez Fola Esch. Attention à la décompression…Ça va être complètement différent. Là, on part avec le statut de favori. Mais c’est bien de recevoir au match aller. C’est là où ça pourrait se jouer. Mais cette équipe, pour moi, c’est l’inconnu total. J’ai même envie de faire des recherches sur internet pour voir ce que c’est.
Ces tours préliminaires de Ligue Europa, c’est l’occasion de se montrer pour toi, non ?Un match européen, c’est toujours une vitrine. C’est une chance. Je suis sous contrat jusqu’en 2018 et je reste ambitieux. J’aimerais bien avancer, même si je suis dans un club où je me sens bien. Il y a trois ans, on était en deuxième division. On a fait de belles choses. J’arrive à un âge où j’aimerais toucher un plus gros championnat pour me tester. J’ai toujours été fan de l’Italie et de l’AC Milan notamment. Même si Ronaldo le Brésilien m’a marqué, Kaká, Inzaghi, c’était la belle époque du Milan. J’ai souffert ces dernières années, mais là je sens que je vais reprendre du plaisir à suivre cette équipe.
Pour finir, tu peux nous le dire, à Östersund, c’est quand même d’abord le biathlon qui passionne les gens ? Le ski et tout, c’est pas mal, mais c’est en train de changer (rires) ! Pour mon premier match avec cette équipe, il devait y avoir moins de 1000 spectateurs. Aujourd’hui, on est à 9000…
Propos recueillis par Tanguy Le Séviller