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Forlán et Peñarol, une histoire de famille

Par Éric Carpentier
5 minutes
Forlán et Peñarol, une histoire de famille

Diego Forlán retrouve Peñarol. Un club où il n'a jamais joué en professionnel, mais qu'il connaît par cœur. Et pour cause : son père est une ancienne gloire du « champion du siècle », qu'il a mené au sommet. Une pression pour Diego, une évidence pour les Forlán.

Le foot s’embarrasse rarement des histoires de famille. Pour les exceptions Maldini, Djorkaeff ou Alonso, combien d’échecs en règle ? Diego Forlán a eu la bonne idée de se ranger dans la première catégorie en marchant dans le sillon tracé par son père Pablo. Ou, plus précisément, en suivant une voie aussi digne que celle du paternel. Cet été, pour la première fois, il met ses pas dans ceux du « vieux » avec sa signature au Club Atlético Peñarol. Il ne sera pas facile d’y laisser la même empreinte.

Du 4 au 10 en passant par 40 000

Alors que Pablo avait effectué à l’orée des années 60 ses débuts professionnels avec Peñarol, Diego est prié d’aller voir ailleurs après avoir récité ses gammes au sein des équipes de jeunes. Une tournée infructueuse en Europe plus tard, passée notamment par Nancy, et Forlán le jeune signe son premier contrat professionnel avec l’Independiente, en Argentine. La suite est connue : Manchester United, Villarreal, Atlético Madrid, Inter Milan en Europe, Internacional Porto Alegre au Brésil, Cerezo Osaka au Japon. Pour autant, Peñarol et Forlán ne s’oublient pas – c’est que les passions sont souvent familiales en Amérique du Sud, comme le rappelle Pablo : « Il a toujours été supporter de Peñarol, comme toute la famille. J’ai joué pour Peñarol tant d’années… Il y a des familles de Peñarol dans lesquelles on trouve, parfois, une personne du Nacional, ou l’inverse. Mais c’est rare. Chez nous, tout le monde est de Peñarol ! » Ainsi, le club carbonero honore Diego à la veille du match aller de sa finale de Libertadores, en 2011. Il sera le socio numéro 40 000, son père est présent à la cérémonie, le président Damiani offre à Diego un maillot aurinegro floqué du numéro 10. Une prémonition ?

Dans l’immédiat, Peñarol perd sa finale contre Santos, pas de nouvelle Libertadores pour le « champion du siècle » . Le père, lui, avait gagné la Copa en 1966, avant de mener son club sur le toit du monde en dominant le Real Madrid en Coupe intercontinentale. Là où l’oracle se plante moins, c’est sur le numéro de maillot du buteur. Car c’est bien avec le 10 sur les épaules que Diego jouera pendant 18 mois à compter de cet été. Il avait été envisagé de lui faire porter le 4 légendaire de son père. À sa présentation à la presse, le rejeton a été clair : « Le numéro 4 est un beau numéro, mais c’est d’abord le numéro de mon père, et moi aussi, j’aime avoir mon propre numéro. J’en ai parlé à mon père et il m’a dit : « Prend le 10 ». » Un nouveau numéro pour la famille Forlán, qui collectionne déjà les trophées.

Sortir du tunnel avec un maillot légendaire

« Je vais te raconter une histoire de famille. Le grand-père de mon fils, côté maternel, Juan Carlos Corazzo, a été champion d’Amérique avec la sélection en 1959 et 1967 en tant qu’entraîneur. Le père de mon fils, moi, a été champion en 1967. Diego Forlán en 2011. Ce que je veux dire, c’est qu’imagine-toi que la famille Corazzo-Forlán cumule plus de titres que certains pays d’Amérique ! On en a quatre ! » Le décor est planté, le football n’est pas qu’un passe-temps pour les Forlán. Edgar Welker, le vice-président du club avec lequel Pablo a aussi gagné quatre titres nationaux, ne dit pas autre chose : « Le père est une figure très importante de notre club. Diego a fait ses premiers pas au club et ça a toujours été notre désir de le voir revenir. Il a l’intention de faire quelque chose avec son frère et son père. Dans le futur, il pourrait avoir un rôle dans le club. Il aura toujours sa place. » Mais d’abord, le terrain. Et Pablo Forlán est convaincu que son fils a quelque chose à apporter au club : « Mon envie pour lui, c’est qu’il donne tout sur le terrain. Ensuite seulement viendront les bonnes passes, les bons dribbles, les bons buts. Tout sort du cœur. Et en général, le footballeur uruguayen met le cœur. Diego va le mettre aussi, avec son jeu, avec ce qu’il sait faire, avec ce qu’il a montré. Il se sent bien, physiquement, il n’a jamais eu de blessure importante… Je pense qu’il va être en mesure de beaucoup aider. »

« Cachavacha » est attendu. Une normalité dans la République orientale d’Uruguay. Pablo : « Le football uruguayen est fait d’exigences. De la part des supporters, des journalistes, toujours de l’exigence. C’est pour cela que l’Uruguay, avec trois millions d’habitants, est si important dans l’histoire du football mondial. L’Uruguay a été quatre fois champion du monde (en fait, deux Olympiades et deux Mondiaux, ndlr), pour cela nous avons quatre étoiles sur le maillot céleste. Nous sommes le pays à avoir remporté le plus de Copa América, avec quinze trophées. Peñarol et Nacional ont gagné la Libertadores, ont été champions du monde. Notre football est fait d’exigence, et pour Diego aussi, c’est un défi de retourner à Peñarol. Son retour fait vibrer Montevideo. Le monde du football, les entraîneurs y voient une excellente chose pour nos jeunes. » Une vision partagée par Edgar Welker : « Pour notre politique de jeunes, l’image que Forlán peut apporter par son professionnalisme est très importante. » La jeunesse, une idée lointaine pour Diego, 36 printemps. Il aura bientôt l’occasion de se la remémorer : le 8 août, pour sa présentation au public du Centenario, il jouera un amical contre son premier club d’Independiente. Le père, qui avoue volontiers sa « joie de le voir sortir du tunnel duquel je suis sorti tant de fois, avec un maillot aussi glorieux que celui de Peñarol » , risque de verser une petite larme.

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