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Football Manager, Watford dans la peau
Officiellement, Football Manager a déjà travaillé avec plusieurs clubs anglais comme Wimbledon, Arsenal, Leicester ou encore Everton. Pourtant, un club semble avoir les faveurs du jeu : Watford. Il faut dire que le créateur de Football Manager, Miles Jacobson, est probablement le plus grand supporter des Hornets. Reportage à Londres, quelque part entre les bureaux de FM et les tribunes de Vicarage Road.
Internet en est certain : il ne faut que 25 minutes pour rejoindre le Parc Olympique de Londres depuis la gare de Saint-Pancras. Sauf qu’il a dû oublier les fameux embouteillages qui caractérisent toutes les capitales européennes. Comme il a oublié qu’il pleut tout le temps à Londres au mois d’octobre quand il a annoncé que les bureaux de Sports Interactive Games, développeur du jeu Football Manager, se trouvaient au beau milieu du Parc Olympique. Avec vue sur le Stade Olympique, nouvelle résidence de West Ham. C’est ici, au troisième étage d’un bâtiment qui ressemble à tous ceux qui l’entourent, que Sports Interactive Games a posé ses centaines d’ordinateurs. Derrière eux, des développeurs, des scouts ou encore des graphistes qui préparent déjà la prochaine édition du jeu Football Manager. Le tout, au milieu, de dizaines de maillots dédicacés accrochés au mur. D’Éric Cantona à Cristiano Ronaldo en passant par Thierry Henry, Ruud van Nistelrooy ou encore John Terry. Un club est toutefois un peu plus représenté que les autres : le Watford Football Club. Il faut dire que Miles Jacobson, créateur de Football Manager, ne jure que par les Hornets.
Pikachu, M&Ms et John Barnes
L’histoire d’amour entre Watford et Miles Jacobson débute en 1977. L’Anglais, qui a grandi à Watford à environ 20 miles au nord du centre de Londres, a alors six ans et se découvre une nouvelle passion : « Mes parents n’aimaient pas le football. Et c’est en lisant des articles sur Watford dans les journaux locaux que je me suis intéressé au club et que j’ai chopé le virus. Mes parents acceptaient de m’emmener voir les matchs car c’est un club familial. Je n’ai jamais été un chasseur de gloire et je pense que c’est important de soutenir l’équipe locale » . Quand Miles parle de virus, il ne tombe pas dans l’euphémisme. Il n’y a qu’à voir son bureau, où trône un siège avec le maillot de Watford imprimé, des M&Ms exclusivement rouges et jaunes. Et un Pikachu sur le canapé. « C’est mon Pokémon préféré car il est aux couleurs de Watford » , sourit Miles qui a raté ce mardi soir (déplacement à Everton en League Cup) son premier match de Watford depuis deux ans : « J’aime regarder toutes les équipes jouer au football. Je peux regarder n’importe quel match, à la seule condition que Watford ne joue pas en même temps » .
Si le patron de FM avoue adorer l’actuel capitaine des Hornets Troy Deeney – « Il résume le club et la ville avec sa façon de se battre sur le terrain. C’est probablement ma personnalité préférée dans le football aussi bien sur le terrain qu’en dehors » -, il ne cache pas que John Barnes reste son idole absolue : « Je l’ai vu entrer en jeu à 17 ans à la place de Kenny Jackett qui s’était blessé. Et il était déjà instantanément trop bon pour nous. Il nous a aidés à monter les divisions puis il est parti à Liverpool pour atteindre le sommet de sa carrière » . Avant de livrer une anecdote qui résume, selon lui, assez bien le talent de l’ancien ailier : « Graham Taylor (ancien coach de Watford, N.D.L.R.) m’avait raconté que lors de son essai à Watford, John Barnes a tenté une frappe du milieu de terrain qui a tapé la barre avant de rebondir dans les gants du gardien. Et quand il lui a demandé pourquoi il a tenté cette frappe, Barnes lui a répondu que c’était pour montrer qu’il était capable de marquer de 50 mètres, mais qu’il ne voulait pas embarrasser le gardien donc il a visé la barre. C’était un joueur fantastique » .
Football Manager au service de Watford
Si John Barnes avait la double nationalité jamaïcaine et britannique, Miles Jacobson a lui la double-facette : celle de supporter de Watford et celle d’homme d’affaires. Un double couvre-chef qui l’oblige à travailler avec des clubs rivaux des Hornets comme Luton Town : « En tant que supporter de Watford, ça me posait problème, mais le deal commercial était bon alors je n’ai pas hésité » . En 2010 non plus Miles Jacobson n’a pas eu une once d’hésitation. Il faut dire que son partenaire commercial du jour se nommait Watford : « Nous avons commencé à sponsoriser les équipes de jeunes. Puis en 2012, le club nous a proposé d’être le sponsor des maillots des pros. Ce que nous n’avons pas pu refuser. Aujourd’hui, nos logos sont sur les sièges du stade et il y a des panneaux publicitaires autour du terrain. De mon côté, je les aide sur la stratégie marketing à mener » . Mais l’apport de celui qui porte sa veste de Watford au bureau et un costume lorsqu’il se rend à Vicarage Road ne s’arrête pas à une aide sur le plan marketing et à des pancartes publicitaires. Miles est aussi présent pour aider les Hornets sur le plan du recrutement, même s’il confesse le faire que si le club vient lui demander : « Je suis un supporter du club qui possède une immense base de données sur le football et qui compte plus de recruteurs dans le monde que n’importe quel club de football. Donc si je pense qu’il y a un joueur que le club devrait signer, je le dis. Ensuite, c’est à eux de prendre la décision » .
Les notes et les joueurs, une guerre permanente
Samedi 26 octobre 2019, 15 heures et des poussières. De nature souriante, Miles Jacobson a le visage fermé à quelques minutes du coup d’envoi entre Watford et Bournemouth, match comptant pour la 10e journée du championnat d’Angleterre. Il faut dire que les Hornets pointent à la dernière place de Premier League et n’ont toujours pas remporté la moindre rencontre de la saison en championnat. Et ce n’est pas le niveau affiché par les hommes de Quique Sánchez Flores dans la foulée (0-0) qui va remonter le moral de Miles. Heureusement pour lui, il peut toujours se rattraper en gagnant la Premier League avec Watford sur Football Manager : « Pour moi, le jeu est plus facile si je joue avec Watford car je connais très bien tous les joueurs. Mais aussi la vision du club et des supporters. » Pourtant, il l’atteste, il n’a pas gonflé les notes de ses chouchous : « Je ne touche pas aux données car sinon, je suis accusé de partialité. Je fais confiance à Matt qui s’occupe des notes de Watford depuis longtemps. Même si parfois j’aurais été plus gentil avec certains joueurs. Certains d’entre eux se plaignent d’ailleurs de leurs statistiques dans le jeu et du coup, je peux me permettre de me défausser en disant que je ne m’en occupe pas (Rires.) » Si Miles Jacobson n’a visiblement pas son mot à dire sur les notes des joueurs, il a tout de même influencé son entreprise et ses employés qui enchaînent les présentations du futur opus. Avec toujours le même exemple de club : Watford. Et bonne nouvelle pour les supporters des Hornets, le club se maintient à l’issue de la saison selon le jeu vidéo. Probablement un coup de Miles Jacobson.
Par Steven Oliveira, à Londres
Propos de Miles Jacobson recueillis par SO