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Foot italien : le racisme dans la peau ?

Par Nicolas Kssis-Martov
Foot italien : le racisme dans la peau ?

Le racisme dans le foot a souvent squatté l’actualité en 2018, y compris en France où certains comptent encore les « Africains » chez nos Bleus. Il termine malheureusement l’année en tête d’affiche de l’autre côté des Alpes avec les scandaleux cris de singe adressés à l’ancien Messin Kalidou Koulibaly, international sénégalais du Napoli. Et une fois de plus, après la nécessaire indignation, plus personne ne semble vouloir pousser la réflexion pour cerner concrètement les coupables et les responsabilités.

Les faits se sont produits lors du déplacement du Napoli sur le terrain de l’Inter, ce mercredi 26 décembre. Une rencontre tendue et à enjeu. Cependant, Kalidou Koulibaly a d’abord subi les insultes d’une partie du public local, avant même d’avoir à stopper les assauts d’Icardi ou Perišić. Après 80 minutes, il a fini par perdre son sang-froid et a écopé de deux cartons jaunes en quelques secondes. Dans le tweet qu’il a publié ensuite en italien, le professionnel et l’homme ont pris tour à tour la parole, d’une jolie formule cassant le cou aux acharnés des identités exclusives : « Déçu de la défaite et surtout d’avoir abandonné mes frères. Mais je suis fier de la couleur de ma peau. D’être français, sénégalais, napolitain. D’être un homme. »

Distinguer les auteurs et coupables de l’ensemble du public

Bien sûr, le foot italien ne vit pas là sa première affaire de racisme, loin s’en faut malheureusement. Et souvent ce qui se passe ailleurs nous choque bien davantage que les dérives dans nos stades de Ligue 1, ou par exemple Mario Balotelli avait affronté lui aussi pareille situation à Dijon, un cas traité avec beaucoup de « précaution » dans l’Hexagone. Kalidou Koulibaly lui-même, pour revenir chez nos amis transalpins, avait reçu un accueil aussi nauséabond à Rome, lors d’un match contre la Lazio. Sauf qu’alors, dans la répartition des rôles entre méchants et gentils supporters, l’attitude d’une frange des fans biancocelesti correspondait parfaitement avec leur vilaine réputation, qu’ils se traînent – parfois à juste titre – depuis les années 1990.

Seulement, le mal ne se limite pas à quelques virages infectés par des fascistes new look et smartphone à la sauce casa Pound. Blaise Matuidi a rencontré ce type de comportements lors d’une rencontre entre la Juventus et le Hellas Vérone, qui dut verser ensuite une amende de 20 000 euros en raison des chants racistes de son public. Toutefois, Mario Balotelli, lorsqu’il évoluait sous les couleurs des Nerazzurri, se retrouva dans la même posture désagréable, cette fois devant les supporters de la Vieille Dame. Et plus tard, en compagnie de Kevin-Prince Boateng et sous les couleurs de l’AC Milan, il découvrit la face cachée des tifosi de la Roma (oui, nous sommes bien loin de l’image du « club de gauche » ). Ce petit panorama permet de comprendre, désagréablement et sans œillères, l’ampleur de cette mode des cris de singes, grand classique de l’expression du racisme dans les stades. Comme toujours, il s’impose aussi à chaque fois de distinguer les auteurs et coupables de l’ensemble du public, et même simplement du virage où ils sont installés (ce qui n’excuse pas la complaisance de voisinage).

Agressions et attaques contre les immigrés

Ce triste épisode survient à un moment où la Serie A essaie tant bien que mal de redorer son blason sur ce versant, notamment en ce qui concerne la mauvaise réputation de ses tribunes et de l’ambiance dans les stades. Les ultras ont pour leur part célébré les 50 ans de leur mouvement. Une fête a notamment été organisée par les Rossoneri à Milan en l’honneur du 50e anniversaire de la fondation de la Fossa dei Leoni. Mais, signe des temps qui finalement signifie beaucoup, était présent Matteo Salvini, ministre de l’Intérieur issu de la Ligue du Nord, parti d’extrême droite arrivé au pouvoir grâce à son alliance avec le Mouvement populiste 5 étoiles. Nous sommes bien loin des Che Guevara affichés un temps à San Siro.

Car ce qui se manifeste dans le foot s’inscrit dans un contexte bien plus large et toxique. La société italienne est traversée par une vague anti-immigrés et raciste de plus en plus décomplexée, parfois cautionnée donc dorénavant par le plus haut sommet de l’État, du moins dans les discours ( « pour les clandestins, la fête est finie » déclara Salvini). Les agressions et les attaques contre les immigrés, migrants, ou simplement noirs, se multiplient, jusqu’au meurtre, comme ce fut le cas pour le jeune syndicaliste malien Soumaïla Sacko, assassiné en Calabre de plusieurs coups de fusil. Les exemples sont trop nombreux. Et nous sommes bien loin des gradins.

Arrêter le match

Toutefois, cette toile de fond ne saurait absoudre le foot de ses responsabilités et encore moins de son devoir. Or, pour le moins, personne ne semble pressé de s’emparer vraiment du sujet. S’il arrive que des sanctions financières tombent et soient appliquées a posteriori, quels peuvent bien être leur impact et leur fonction, y compris seulement symboliques ? Apparemment, il demeure toujours compliqué de vouloir toucher au sacro-saint « bon déroulé du match » . On peut certes l’interrompre pour un jet de fumigène ou une invasion de supporters, voire à la suite de banderoles désagréables pour la direction, mais certainement pas lorsqu’un joueur doit entendre 90 minutes de mauvaises imitations animalières.

Carlo Ancelotti, l’entraîneur de Naples, s’est en tout cas montré très ferme au terme de la rencontre. « On a demandé trois fois la suspension du match et il y a eu trois annonces. Mais le match a continué.(…)La solution existe. Il faut interrompre le match. Il faut juste savoir quand, à partir de combien d’annonces. Et si on ne sait pas, alors la prochaine fois, c’est nous qui nous arrêterons. » Il est malheureusement à peu près certain que l’on aura l’opportunité de le prendre au mot…

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