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Fofo Langueh, l’international amateur

Propos recueillis par Émilien Hofman
6 minutes
Fofo Langueh, l’international amateur

Désormais amateur, Fofo Langueh (36 ans) a joué son premier match en D1 à 13 ans. Entre la cinquième division belge et la sélection togolaise, le solide défenseur a connu une carrière où il a été question d'Adebayor, Wenger et de joueurs sans club sélectionnés pour la CM 2006…

Quel est votre parcours footballistique au Togo ?

On avait un centre de formation au Togo qui était en collaboration avec des centres européens comme Metz, Nantes… On avait donc un entraîneur qui nous formait par rapport à des cassettes vidéos des formations d’Europe. C’est à partir de là qu’on était repérés pour être envoyés dans des centres plus huppés.

Vous avez évolué chez les jeunes jusqu’en Division 1 ?

Oui, en étant un des plus jeunes joueurs de toute la division. J’avais 13-14 ans, c’était très précoce. Mais après une seule saison en D1, je suis directement parti à Lorient. En étant un des joueurs les plus prometteurs de mon championnat, j’aurais espéré autre chose pour la suite. Je ne crache pas du tout sur mon parcours, je suis content de cette petite carrière, mais je me dis que j’aurais pu faire mieux. Le facteur chance a eu son importance dans ma carrière, vu qu’il m’a fait rater quelques gros contrats.

Pourquoi ?

Tout d’abord, du Togo, on m’annonçait chez les jeunes de Wolfsburg, mais rien ne s’est fait et j’ai dû partir à Lorient. Sur place, quelques années plus tard, le président m’a dit qu’il allait me faire signer un contrat pro. Il est parti en Angleterre avec un autre jeune, mais il m’a laissé sur le carreau, je n’ai plus eu de nouvelles et je suis resté livré à moi-même. À cette époque, j’avais tellement décroché que je ne voulais plus parler du football. Je suis donc passé par mon frère pour signer en Belgique à Verviers, en Division 3 belge. J’avais 17-18 ans, j’étais assez naïf et je me suis fait avoir dans les clauses du contrat qui m’a retenu par la suite au club…

Encore très jeune, vous avez pas mal bougé par la suite…

Oui, j’ai d’ailleurs joué à Sedan, mais ça s’est mal passé, je n’ai pas eu de contrat pro, donc je suis revenu en Belgique, en Promotion (Division 4) où j’ai terminé Soulier d’or, ce qui a intéressé Genk, un club de D1. J’y ai fait un stage de trois semaines et lors du tout dernier match avant de signer mon contrat, à cinq minutes de la fin, j’ai encore été taclé : déchirure au quadriceps, transfert loupé.

Vous vous retrouvez donc en D2, à Virton, où vous recevez votre première sélection nationale, ça a dû vous faire un choc !

J’ai reçu un coup de fil de l’ambassade et j’ai discuté avec le président de la Fédération – qui est également le fils du président de la République. Il m’a demandé d’aller chercher un laisser-passer pour revenir au pays jouer les éliminatoires de la Coupe du monde 2006.

Quand vous arrivez au Togo, quel est l’accueil des supporters ? Ils vous connaissent ?

Ils me connaissaient de nom parce qu’ils avaient été marqués par ma précocité en D1. À mon arrivée, il y a donc eu des interviews dans tous les sens, je me demandais ce qu’il se passait. Je quittais la petite ville de Virton pour retrouver des stars comme Adebayor, qui venait de signer à Arsenal…

Il était comment Manu Adebayor, en tant que grande star ?

Il l’est toujours (rires). C’était le boss, même avec le président de la République, c’était comme si on lui ouvrait toutes les portes, qu’il avait tous les feux au vert. Il était la fierté du pays. Adebayor n’était pas sélectionneur, mais ses paroles et ses décisions pesaient très lourdement dans la balance.

Et en dehors du terrain, il était cool ?

Il était gentil, il rigolait avec tout le monde, et particulièrement avec moi, parce qu’on a fait le même centre de formation au pays avant de déménager en France. On était dans la même chambre à l’hôtel, donc c’est certainement lui qui a demandé que ça soit comme ça… C’était une chance pour moi, et même si j’étais plus âgé que lui, c’est lui qui est devenu mon grand frère.

Ces histoires de sorcellerie qui l’entourent actuellement, vous y croyez ?

Je suis parti trop tôt d’Afrique pour vraiment en parler, mais en même temps, je reste un Africain. D’après les histoires qu’on me raconte, je ne vais pas dire que ça n’existe pas, mais le concernant, je ne crois pas ce qu’on dit. En plus, la personne que j’ai côtoyée en sélection n’est pas celle que l’on décrit dans les journaux. La sorcellerie et tout ça, c’est des histoires d’Afrique, je ne pourrais pas vous confirmer…

Après quelques sélections pour le Togo, vous n’êtes pas repris pour la Coupe du monde 2006…

C’est Stephen Keshi qui tenait la sélection à mon arrivée. Mais quand l’Allemand Schäfer est arrivé pour la Coupe du monde, il ne me connaissait pas. Il a repris quelques jeunes, et puis la liste a été bouclée de manière particulière : certains joueurs qui n’avaient pas de clubs ont joué de leur influence pour être repris en Allemagne. C’est aussi quelque chose qui m’a fait mal, parce que même si je ne jouais qu’en D2, moi je n’étais pas du style à demander à ce qu’on me reprenne, j’attendais qu’on le fasse pour mes qualités. Mais les sélections en Afrique, c’est parfois comme ça.

Il se passe ensuite six longues années sans rien avant de recevoir une nouvelle convocation en équipe nationale… alors que vous êtes en Division 3 belge.

C’était inattendu, c’est vrai. Ça m’a fait drôle parce que j’avais été un peu dégoûté de la situation, j’avais envie d’oublier la sélection. Je n’ai pas refusé non plus, parce que le fait d’être repris alors que j’étais en D3, c’est aussi la beauté de la sélection en Afrique : quand tu as le talent et qu’on a besoin de toi, on n’hésite pas une seconde.

Quel restera votre meilleur souvenir en sélection ?

En 2006, on a été jouer un match de gala à Londres contre le Ghana. À la fin de la rencontre, alors que tout le monde se dispersait, Adebayor m’a empêché de reprendre un taxi et m’a amené chez lui. J’ai passé toute la journée avec lui et il m’a emmené à l’entraînement à Arsenal le lendemain. Je devais parler avec Arsène Wenger pendant qu’il s’entraînait, on a pris des photos, j’ai mangé avec tous les pros, le délégué m’a offert le maillot d’Adebayor pourtant prévu pour le match du week-end… Je te promets que je n’ai pas encore mis ce maillot une seule fois ! C’était terrible de se retrouver avec Rosický, Song, Wenger que l’on voit tout le temps à la télé, mais c’était normal comme ambiance. Après, j’ai repris le train et je suis revenu sur Namur, vous imaginez ? Passer d’Arsenal à la D3 belge (sourire).

Vous travaillez désormais pour la Croix Rouge, vous avez commencé à partir de quand ?

J’ai joué mon dernier match en équipe nationale en 2011. J’ai passé mon entretien à la Croix Rouge après le match et j’ai désormais un temps plein. C’est d’ailleurs pour ça que j’ai dû faire une croix sur le monde du foot professionnel.

Vous n’avez jamais dû intervenir sur le terrain ?

Pas pour le moment, à part pour certains joueurs qui venaient donner du sang la journée et qui allaient s’entraîner le soir, alors que je le leur avais déconseillé. J’ai dû leur relever les jambes et les bras parce qu’ils faisaient un petit malaise…

Dernière chose, d’où vient votre surnom Fofo ?

C’est le petit nom que me donnait ma mère pour ne pas dire chouchou ou loulou. Ça ne figure pas sur mon acte de naissance, mais tout le monde m’appelle Fofo. J’avais beau dire aux journalistes à mes débuts que je m’appelais Senam, ils écrivaient tout le temps Fofo.
Adrien Rabiot : le Duc se sort les doigts

Propos recueillis par Émilien Hofman

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