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Foden, vrai prodige
Surdoué, ultrapolyvalent, Phil Foden vit une fin de saison intense, propulsé dans le onze de départ de City par le départ de Leroy Sané et la blessure d'Agüero. Adoubé par Guardiola, adopté par ses supporters, l'Anglais s'affirme déjà, à 20 ans, comme le futur de Manchester City. Lyon serait inspiré de garder un œil sur lui.
On a pu y voir de la démagogie, un corporatisme exacerbé ou une certaine forme de motivation excessive. Mais entendre Pep Guardiola, l’entraîneur qui a sublimé Leo Messi, dire de Phil Foden qu’il est « le joueur le plus talentueux [qu’il ait] jamais vu dans [sa] carrière d’entraîneur », ça marque. « Son seul problème », poursuivait Pep, taquin, « c’est que son entraîneur ne le met pas toujours dans le onze de départ, mais j’espère que cela peut s’améliorer ». Ces louanges pleuvaient sur le petit prodige anglais il y a un peu plus d’un an, fin juillet 2019. Depuis, il a réussi à se faire une véritable place dans le onze mancunien, prenant notamment part à tous les matchs de City depuis le restart, sauf un.
Contre le Real encore, lors du 8e de finale retour de la Ligue des champions face au Real Madrid, il était là, dans le onze de départ. Pas nécessairement extraordinaire, il a quand même fait son match, et s’est surtout essayé à un septième (!) poste cette saison : faux neuf, après avoir été 10, relayeur, milieu et ailier à gauche et à droite. Face à l’OL ce samedi, le milieu offensif de métier devrait être reconduit dans le trio d’attaque, à un poste moins naturel pour lui, mais où il performe. Guardiola encore, fin juin : « Les bons joueurs, ceux qui comprennent le jeu, peuvent jouer partout, et Phil est de ceux-là. » Une polyvalence sans doute bien aidée par le fait de côtoyer les playmakers cinq étoiles de City depuis ses 17 ans, en plus d’évoluer sous les ordres de Guardiola. David Silva notamment, dont il est destiné à reprendre le flambeau la saison prochaine, a été un précieux mentor pour le minot : « Je lui ai donné beaucoup de conseils, notamment sur comment se déplacer sur le terrain, glissait l’Espagnol à Goal en juin 2019. Il absorbe les informations et s’améliore de jour en jour. Il me rappelle moi quand j’étais jeune : outre ses qualités naturelles, il est très compétitif, calme. Il veut toujours gagner, et c’est une grande qualité pour un footballeur. »
Petit poisson dans une grosse mare
Encensé par Guardiola, modelé par David Silva, Foden se fait déjà appeler par les fans de Manchester City « l’Iniesta de Stockport », ville de 135 000 âmes du Grand Manchester où il a vu le jour en 2000. Une célébration à la fois de son talent, mais aussi de ses attaches, profondes, à son club et à sa ville. Celui que sa famille surnomme affectueusement « Ronnie » (même pas en référence à Ronaldinho, mais parce qu’il avait une tête particulièrement ronde étant jeune) a rejoint l’académie bleu ciel en 2009, à une époque où le club n’a pourtant pas encore les moyens de convaincre les meilleurs talents de la région de ne pas filer chez le voisin United. Son père, son grand frère et ses oncles ont beau être des Red Devils invétérés, lui choisit City, le club de sa maman.
Surdoué, il y gravit tous les échelons, et balaye d’un revers de main d’éventuels prêts, préférant jouer la carte de la patience pour percer dans SON club. À raison : depuis trois ans, Guardiola l’a petit à petit intégré dans son groupe, lui faisant jouer 74 matchs, un peu plus chaque saison (10 matchs joués en 2017-2018, 26 en 2018-2019, 38 cette saison), même si c’était presque toujours en sortie de banc. Avec le départ de David Silva, nul doute que Foden devrait prendre d’autant plus d’importance dans l’effectif mancunien. Ça tombe bien : cette saison, son numéro 47 dans le dos (en hommage à son grand-père, décédé à 47 ans), il a montré qu’il se rapprochait de plus en plus d’un produit fini, puissant, rapide, efficace (8 buts, 9 passes décisives), prêt pour le très haut niveau. Contre Lyon, dans une compétition où il a brillé cette saison (2 buts, 2 passes décisives en 5 matchs), il a déjà l’occasion de porter son club vers un dernier carré de C1 qui le fuit depuis 2016, et que lui n’a encore jamais vu. Preuve qu’il a, comme Guardiola, bien eu raison d’être patient. Il faut dire que Foden sait tout de la valeur du temps : au même titre que Gareth Bale est fan de golf, le petit Phil cultive lui une passion pour la pêche à la ligne. Une discipline qui sait laisser passer de longues heures avant de voir émerger un gros poisson.
Par Alexandre Aflalo