Flynt, rappeur issu de Paris, est-il foncièrement fan du PSG ?
Oui, bien sûr. Je suis né à Colombes, je suis parisien, je vis ici. Pour moi, ça a toujours été une évidence de supporter le grand club local. C’est normal, c’est logique.
À quand remonte ton coup de foudre pour le club ?
J’ai découvert le football à la radio. Je me souviens que j’écoutais les multiplex quand j’étais tout petit. Avant même d’avoir vu un match à la télé, j’ai aimé le foot grâce à la radio. Ma mère écoutait tout le temps la radio quand j’étais gamin, et moi, ce que je captais, c’était quand ils donnaient les résultats du championnat pendant les infos. J’allais coller l’oreille au poste quand ils parlaient de foot. Et puis, un jour, j’ai compris qu’on pouvait écouter les matchs commentés en direct, j’avais découvert le multiplex ! C’était Europe 1 ou RTL, je crois, ou France Inter peut-être, ou les trois même, enfin j’écoutais ça. Même encore aujourd’hui, j’aime bien écouter les matchs commentés à la radio.
Et à la télé ?
Ah, des souvenirs de foot à la télé de quand j’étais môme, j’en ai plein. Je me souviens de Bordeaux qui avait une putain d’équipe dans les années 80, ma mère est originaire de Bordeaux, et moi, j’aimais bien Bordeaux, c’était mon équipe avec Paris, j’ai des souvenirs de France-Allemage 82, France-Portugal 84, France-Espagne 84, Arconada, Chalana, Lille la bête noire du PSG, d’un Sochaux-Metz en finale de Coupe de France, de la Coupe du monde 86, d’un Monaco-Bordeaux 9-0, d’Aimé Jacquet entraîneur, du Matra Racing, des barres, ce sont des vieux souvenirs. Paris, les plus lointains souvenirs, c’est Sušić, Rocheteau, Fernandez, le titre en 86. Mon coup de foudre, ça a été pour le football en général, Paris, je n’ai pas choisi, c’est mon club de fait.
Tu cites souvent le PSG, mais aussi le football en général dans tes textes, cela fait partie de ton environnement au quotidien ?
Disons que je suis les résultats et l’actualité du foot au quotidien. Le football est une source d’inspiration. À la fois dans mes textes, mais aussi dans ma façon d’aborder le rap. Je veux dire par là qu’il y a beaucoup de similitudes entre la pratique du sport et celle de la musique, je trouve. On s’entraîne, on joue devant un public, il y a le fait d’être en équipe, il y a la préparation, la technique, le mental, la condition physique, la façon d’aborder un match ou un concert et de le gérer. Bon, y a des différences aussi hein, on ne joue pas face à un adversaire, niveau oseille et contrats, je t’en parle même pas, mais disons que j’aborde la musique, les concerts, un peu comme un sport, qui nécessite de l’entraînement, où on essaie de progresser, d’être meilleur pour soi et pour l’équipe, où il faut à la fois du talent et du travail et où surtout on vient prendre du plaisir. Quand je monte sur scène, c’est pour gagner, pour être performant. Faire une setlist pour un concert, c’est-à-dire choisir quels titres on va jouer et dans quel ordre, pour moi ça s’apparente à faire une composition d’équipe. Les choix sont importants, on ne choisit pas d’aligner un joueur à la légère comme on ne choisit pas de placer un titre à tel endroit du show à la légère. De même que tous les matchs sont différents, tous les concerts sont différents, y a des morceaux titulaires et des morceaux remplaçants qui ont leur rôle à jouer à un moment. Tu n’alignes pas toujours les mêmes morceaux selon le contexte, le public, la ville où tu joues, etc. Tout comme un entraîneur va composer son 11 de départ en fonction d’un certain nombre de paramètres.
On peut dire que tu t’inspires des footballeurs ?
Des footballeurs, des entraîneurs et des sportifs en général, oui, de ce point de vue-là, pas de leur conférence de presse et discours d’après-match parce que, le plus souvent, ils ne disent rien d’intéressant. Et oui, je fais quand même pas mal de références au foot dans mes textes. Dans un de mes couplets, j’ai cité Kostadinov, les gens savent de quoi tu parles. Tu l’associes tout de suite au mec qui casse le délire. Dans un autre couplet, je dis que je « rappe depuis les Marie Curie et les premiers maillots Opel » . Dans La ballade des indépendants remix, je dis « On vient d’là où les tuniques bleu et rouge sont floquées Fly Emirates » . Je dis aussi que la politique en France « pue l’imposture comme Kachkar à la Commanderie » ou encore « Va Fan culo sur le tifo pour Nadine, Roselyne, Brice et Nico… » , bref, tout le champ lexical peut y passer, ce n’est pas spécifique au PSG, en fait. J’use de ce genre de formules, je ne voudrais pas en abuser non plus. Mais celui qui capte, ça lui parle forcément directement. Comparer, faire des métaphores, citer des noms, donner des références, c’est un grand classique dans le rap, on le fait tous. Y en a qui font des références au cinéma, à la télévision, à la boxe, aux faits divers ou autres, moi c’est plutôt le foot. Les références, les métaphores, ça donne de la dimension à un texte. Ce n’est pas du foot, mais quand je dis « défoncé comme aux fêtes de Bayonne » , si tu y as déjà mis les pieds aux fêtes de Bayonne, tu captes à quel niveau se situe la défonce. C’est parlant.
Quand Marseille a été champion y a 3 ou 4 ans, j’ai coupé radio et télé pendant 2 ou 3 jours
Paris-Marseille, ça t’évoque quoi ?
Un match avec une saveur particulière. Une rivalité sportive. Uniquement sportive, en fait. Et limitée au football même. Ça casse les couilles si on perd contre eux, même si ça n’est pas arrivé depuis un moment. Quand ils ont été champions y a 3 ou 4 ans, j’ai coupé radio et télé pendant 2 ou 3 jours. On veut sérieusement qu’ils perdent à chaque match (rires). Mais je n’ai pas de haine envers Marseille et les Marseillais. On est tous des supporters, on est pareils en vérité. C’est bien qu’il y ait cette rivalité, sinon on se ferait chier. Après, ça m’évoque le rap. Paris et Marseille sont des places fortes du rap en France. Moi, j’ai toujours aimé le rap fait par des Marseillais. Récemment, j’ai fait un morceau avec Akhenaton, et j’ai fait un morceau avec mon pote Gino aussi. J’avais aussi enregistré là-bas un titre avec le Rat Luciano il y a quelques années.
On a l’impression que l’antagonisme Paris-Marseille n’existe pas dans le rap. Comment tu l’expliques ?
À une époque si, au temps de NTM et IAM, on sentait cette rivalité qui transpirait un peu dans le rap. Mais c’est du passé. Et c’est tant mieux. Dans le rap, il y a suffisamment de rivalités à la con pour ne pas en rajouter. Des featurings entre Parisiens et Marseillais, y en a plein qui sortent, tout le temps. Les vraies rivalités dans le rap français, elles sont entre Parisiens entre eux et sûrement entre Marseillais entre eux aussi. La rivalité Paris-Marseille, pour moi, ça se limite au gazon. On a fait une scène à Marseille l’année dernière, c’était plein et ça s’est très, très bien passé.
C’est un match que tu abordes avec une certaine pression ?
Oui, toujours. T’es toujours un peu tendu, le cœur bat plus que pour un autre match, même si c’est à la 10e journée de championnat. On ne veut pas perdre, on veut les tordre. À un moment de ma vie, j’sais plus trop à quelle période, je ne regardais plus les confrontations PSG/OM à la télévision. C’était dur. J’voulais plus vivre ce stress. J’écoutais d’une oreille à la radio ou je faisais autre chose, j‘voulais juste connaître le résultat. Bizarre hein… Bon, après 1 an ou 2, c’est passé.
Ton meilleur souvenir d’un match entre les deux équipes ?
La victoire 2 à 1 avec but de Marco Simone, puis but de Bruno Rodríguez (en 1999, ndlr). Au Parc des Princes. Deux buts dans les dix dernières minutes alors que Marseille menait. J’étais en tribune Auteuil ce soir-là, c’était fou.
Dans les gens qui te suivent en concert, on retrouve beaucoup d’anciens abonnés du Parc des Princes, justement. C’est un univers qui te plaisait, les virages ?
Quand j’étais plus jeune, je n’allais pas au stade. Je n’avais pas de père ni de grand frère pour m’y emmener. Je ne vais pas souvent au Parc aujourd’hui non plus. Je n’ai pas baigné dans cet environnement. Mais il y a beaucoup de supporters parisiens qui m’écoutent. Quand on est en concert à Paris, tu vois des mecs qui ramènent des drapeaux des fois. Au New Morning et au Bataclan, quand on était sur scène, y a même eu des chants de supporters parisiens qui ont été lancés dans le public à un moment.
Ton équipe, tu l’aimes, qu’elle gagne ou qu’elle perde, qu’elle soit riche ou pauvre
L’arrivée des Qataris a-t-il changé ton amour pour le club ?
Non. Je ne suis ni plus ni moins supporter du PSG depuis l’arrivée du Qatar au club. On a des joueurs de classe mondiale dans toutes les lignes aujourd’hui, et c’est mortel, y a de quoi être content. Quand tu regardes les joueurs que l’on avait avant, pour certains tu te dis « ah d’accord, lui c’était notre attaquant numéro 1… » On a vraiment vécu des années galère, mais quelle que soit l’époque, tu veux toujours croire en ton équipe. Tu l’aimes, qu’elle gagne ou qu’elle perde, qu’elle soit riche ou pauvre.
Quel joueur te fait bander aujourd’hui dans ce PSG ?
Moi, je trouve que pratiquement tous les joueurs de l’effectif qu’on a actuellement font plaisir. Je citerais Thiago Silva en premier. Il porte bien son surnom, je le trouve monstrueux. C’est un mec qui te fait aimer le poste de défenseur central. Rassurant, serein, efficace. J’aime aussi Pastore, forcément. C’est un régal, lui. Il te fait à la fois rêver et enrager, et quand il rate un geste, tu lui en veux plus qu’à un autre. Il a vraiment la classe. Ibrahimović et Verratti aussi, évidemment, ils font super plaisir. Sirigu, il fait plaisir, David Luiz aussi, Marquinhos, il fait suuuuper plaisir, Matuidi, Cavani, j’aime ces joueurs. Même Douchez, il fait plaisir. À quelques exceptions près dans l’équipe, tous ces mecs-là, pour différentes raisons, je suis vraiment content de les voir jouer et de les avoir dans notre ville. C’est une équipe avec des individualités qui se complètent bien, je trouve. On attend beaucoup d’eux à chaque match. Là, on est encore en course sur tous les tableaux, quoi de mieux pour un supporter. On verra quel sera le dénouement dans chaque compétition maintenant.
Et un featuring avec un joueur parisien, toutes époques confondues, ça serait qui ?
« Ge-Geor » . George Weah. Et Bernard Lama. J’étais fan de lui. Je le suis toujours. J’invite les deux.
Et à l’inverse, ton style ressemble à quel joueur ?
C’est difficile de transposer ça comme ça. Moi, dans la musique, je suis à la fois joueur du dimanche et professionnel. Et puis si un joueur évoluait dans le foot comme moi dans le rap, il serait président, actionnaire, entraîneur, préparateur physique, trésorier et joueur en même temps, ça n’existe pas. Mais si le rap français était la Ligue 1, si je ne citais que les bons côtés hein, je serais un joueur dont les choix ne sont pas guidés par l’argent. Un joueur plutôt technique, altruiste, efficace dans son registre et qui essaie de pratiquer du beau jeu. Pas une star du championnat, pas constamment sous le feu des projecteurs et de la critique, mais un joueur respecté par ses confrères et apprécié des supporters, avec un petit palmarès quand même. Un mec qui mouille le maillot pour ses supporters en tout cas. Parmi les points négatifs, je dirais feignant, réfractaire à plein de trucs et pas assez opportuniste, entre autres…
Le PSG s’apprête à jouer tous les trois jours en avril, c’est un gros calendrier. Et ton calendrier, à toi, c’est quoi ?
On sort d’une tournée de 50 dates dans toute la France en Suisse et en Belgique avec mon 2e album, Itinéraire bis. Mon prochain concert à Paris, c’est le 14 mai pour un plateau Appelle moi MC. D’ailleurs, la compilation Appelle moi MC volume 2 vient de sortir, j’ai un track avec Lino d’Arsenik dessus. Sinon, mon prochain titre, c’est « La ballade des indépendants Remix » sur lequel j’ai invité L’Indis, Swift Guad, Sear Lui-même, Nasme, Dino, Kenyon et 2spee Gonzales pour une grosse combinaison sur le thème de la pratique du rap en indépendant.
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