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Floyd Ayité : « Je crois aux signes… »
S'il marche bien avec Bastia ces dernières semaines, Floyd Ayité a appris à tout relativiser depuis 6 ans. Il était en effet dans le bus de la sélection togolaise mitraillé lors de la CAN 2011 en Angola, à Cabinda.
En février, tu as gagné trois matchs avec Bastia, en claquant quatre buts. Tu es dans la forme de ta vie ou quoi ?(Rires) Forme de ma vie, non. Mais je suis dans une bonne période, c’est sûr, car je marque, je suis décisif. Je suis sur une bonne série et je m’efforce pour que cela continue. Quand tu es performant, quand tu marques, tu prépares la suite de manière idéale. On se sent mieux à l’entraînement, dans chaque geste, dans les exercices devant le but. Tout réussit. Mais pour garder le cap, il faut continuer à bosser et ne pas se contenter de ces acquis-là.
Grâce à ça, néanmoins, Bastia n’est pas encore sauvé, mais c’est en très bonne voie… Cela a dû détendre l’atmosphère alors qu’il n’y a pas si longtemps, le club s’était séparé de Ghislain Printant.Dans la victoire, les visages et le moral s’améliorent. On ressent au quotidien ce changement. C’est vrai qu’il n’y a pas si longtemps, on était mal en point et avec le changement d’entraîneur, on ne savait pas trop où on mettait les pieds. Ces victoires nous ont donné beaucoup de confiance et surtout, on est dans une position où le maintien est en bonne voie.
Le 6 février, tu as mis le 1500e but de Bastia en Ligue 1 contre Troyes. Anecdotique ou pas pour toi ? Après ce but, on m’a simplement félicité, car c’est énorme, 1500 buts pour un club en Ligue 1. Donc ce n’est pas anecdotique, non. Dans l’histoire d’un club, ce n’est pas rien, et que cela arrive sur toi, cela a beau être un coup du sort, c’est un clin d’œil qui récompense ton travail. Je suis persuadé que ce qui arrive dans la vie, on le mérite. Je le prends comme tel, cela me fait plaisir et me donne de la force pour mettre d’autres buts… Je crois aux signes, au fait que si cela m’est arrivé, cela présage de bonnes choses pour bien finir la saison, car j’ai encore de belles choses à faire.
Tu as évolué à Bordeaux, à Reims, mais Bastia, c’est très particulier, on joue plus que pour un club de football ?Bien sûr. Bastia a beaucoup plus de ferveur et d’attentes. La ville vit selon les résultats de l’équipe, on le ressent au quotidien. Dans les rues de Bastia, cela parle beaucoup du Sporting, le football, c’est le sport majeur de l’île. Ils s’identifient à l’équipe, cela nous donne d’autant plus de pression positive, l’envie de bien faire et de nous surpasser pour nos supporters.
Tu as récemment indiqué que si tu devais quitter Bastia, ce serait pour aller à l’étranger, en Angleterre de préférence…Ce n’est pas une priorité, mais un championnat qui me convenait et que j’aimais beaucoup. Si les opportunités se présentent, on verra. Mais je ne suis pas bloqué là-dessus. En revanche, c’est vrai que je me sens mature pour une expérience à l’étranger, j’ai envie de voir autre chose. On verra ce qui arrive en juin. S’il y a les opportunités… Mais pour le moment, je n’ai pas l’esprit ailleurs, je me concentre sur ce que j’ai à faire au Sporting.
En Angleterre, c’est le style de jeu ou l’atmosphère qui te tentent ?Je me vois plus dans un championnat rythmé, rapide, avec de l’intensité, c’est surtout par rapport à mes qualités.
En sélection du Togo, tout ne va pas pour le mieux apparemment. C’est quoi ta situation actuelle ?Je ne sais pas, je n’ai pas envie de parler de choses compliquées. Ma dernière sélection a été compliquée, car on n’était pas d’accord sur plusieurs points. Cela arrive dans la vie d’une sélection, on est parfois en désaccord avec le coach. Mais il n’y a pas de problème important. En Afrique, il peut y avoir des soucis dans le cadre de la préparation, de l’organisation. Je ne vais pas parler de toute l’Afrique, mais seulement de ma sélection, il y a eu par exemple un remaniement total de la Fédération, avec un comité provisoire… Tout n’était pas au clair, et pour gagner des matchs, être performant, ce n’est pas évident. Le différend tournait autour de ça. Je pense que la Fédération a écouté les joueurs cadres et va faire en sorte que ces problèmes ne se reproduisent plus à l’avenir.
Tu n’as peut-être pas envie d’en parler, mais c’est tristement d’actualité. En 2010, tu étais dans le bus de l’équipe du Togo pris dans une attaque en marge de la CAN.Je n’ai pas envie de revenir en détails dessus, car il y a eu des pertes humaines, des amis. Forcément, quand on se fait tirer dessus, on pense au pire. Ce ne sont pas des conditions qui nous permettent ensuite de jouer un match de football, le sport devient secondaire. J’espère que ce type de situations ne se reproduira plus, que la CAF prendra les bonnes mesures à l’avenir, pour la sécurité du football africain.
On met combien de temps à se remettre de ça, si jamais on s’en remet totalement ?(Il hésite) Il faudrait en discuter avec d’autres qui ont vécu ça, mais pour ma part, je l’ai mis dans un coin de ma tête, mais je ne l’ai pas oublié. Cela forge un homme, cela aide à voir la vie d’un autre côté, à relativiser. On a encore des choses à faire dans la vie, on ne va pas parler de seconde chance, mais voilà, on voit les choses autrement. Il y a des choses plus graves que le football dans la vie. On vit le moment présent, on prend du plaisir dans le football, plutôt que de se prendre la tête avec.
Les attentats du 13 novembre ont eu un écho particulier pour toi ?Je pense que ceux qui ont vécu les attentats ont été plus touchés que moi, car ils ont vu les choses différemment. Nous, on était enfermés dans un bus, on ne voyait pas les assaillants et d’où les tirs provenaient. Cela a dû être encore plus choquant pour ceux qui ont vu les tireurs. Mais c’est sûr qu’être enfermé et livré à soi-même, ne pas savoir quoi faire, c’est traumatisant. J’ai eu un flash-back, cela m’a refait penser à l’attaque du bus, c’est tragique et désolant.
Si tu avais un conseil à donner pour essayer de se reconstruire après ce genre de situations, ce serait lequel ?Franchement, je n’ai pas vraiment de conseil à donner. Je suis très religieux, musulman, je crois vraiment en Dieu. La religion m’a aidé à affronter la vie aujourd’hui. Mais je n’ai pas de conseil à donner, car tout le monde n’a pas la même foi. Mais dans mon cas, ma foi m’a aidé.
Propos recueillis par Nicolas Jucha