- France
- Olympique lyonnais
Florian Maurice, le départ du fils prodigue
Pressenti depuis quelques jours, le départ de Florian Maurice vers la direction sportive du Stade rennais ne fait plus mystère après les déclarations du président Jean-Michel Aulas. Et si le boss lyonnais ne semble pas comprendre le choix de son (ex-futur) responsable du recrutement, il lui doit surtout une belle chandelle.
Être cloîtré entre quatre murs rendrait-il certaines personnes à fleur de peau ? Jean-Michel Aulas, 71 ans au compteur, sait qu’il « fait partie des gens ciblés par le coronavirus ». Et comme un patriarche privé des visites de ses enfants, il ne peut contenir son amertume lorsqu’un de ses fils lui tourne le dos. Depuis plusieurs jours, le départ de Florian Maurice se précise : le responsable de la cellule de recrutement de l’OL depuis juillet 2009 devrait être très prochainement intronisé directeur sportif du Stade rennais. Un choix qui attriste le président de l’Olympique lyonnais. « Ça m’a beaucoup peiné. Je l’ai eu comme joueur, je l’ai fait revenir par OLTV, je l’ai mis dans le grand bain de l’OL au jour le jour, il a travaillé pour le recrutement, rappelle-t-il ce samedi dans les colonnes du Progrès. Il était au plus profond du club, au cœur de l’institution, un endroit intime. Je l’ai élevé, aimé et il nous tourne le dos le deuxième jour du confinement, alors que quinze jours avant il avait démenti l’information. Cela ne peut pas ne pas blesser. » Le couteau, le dos, tout ça, tout ça…
Bon pied, bon œil
À 46 ans, Florian Maurice a eu le temps de coller et recoller son étiquette de Gone parmi les Gones. Le natif de Sainte-Foy-lès-Lyon a été lancé dans le grand bain en 1992 lors d’un Bordeaux-OL, pour devenir progressivement un des chouchous de Gerland et un attaquant international en puissance. Malgré ça, « Tintin », comme le surnommait Pascal Olmeta, s’était déjà envolé à l’été 1997 en compagnie de Franck Gava pour goûter à la C1 sous les couleurs du PSG. Et s’il s’est fait sucrer la place d’avant-centre promise par Aimé Jacquet pour le Mondial 1998, s’il s’est relancé du côté de l’OM avant d’être lâché par son corps lors de son expérience au Celta de Vigo, Flo a fini par revenir à la maison. Les crampons rangés, il a d’abord été une voix, pour la chaîne de télé officielle du club, avant de devenir les yeux de Jean-Michel Aulas. Son rôle ? Bouffer 300 matchs par an (prenez ça les groundhoppers), être attentif à ce qu’il se passe derrière les frontières et à l’affût des ouvertures. Ainsi, aussi proche fut-il d’Aulas, il relevait de l’exploit de croiser Florian Maurice dans les travées du Parc OL, car trop occupé à ses 300 matchs annuels…
De Dejan Lovren à Jeff Reine-Adélaïde, le recruteur en chef de l’Olympique lyonnais a enchaîné les coups, à une époque où Lyon a délaissé son trône de champion de France en série pour se concentrer sur un projet à long terme. Le temps que le centre de formation se trouve un second souffle, Maurice a drainé vers la capitale des Gaules différents profils : les jeunes à fort potentiel (Ferland Mendy, Ndombele), les valeurs a priori sûres de Ligue 1 (Gourcuff, Valbuena, Thiago Mendes), les pioches à l’étranger (Darder, Mariano Diaz, Andersen) et quelques gros noms à réhabiliter (Memphis). En février 2019, Aulas ne tarissait d’ailleurs pas d’éloges sur son fournisseur, après une victoire de l’OL où Denayer, Dembélé et Dubois avaient été performants. « Quand on fait trois recrues de ce niveau-là, qui réussissent systématiquement dans les grands matchs, vous pouvez vous dire que celui qui les a recrutés et qui fait pratiquement office de directeur sportif est un super recruteur, félicitait JMA. C’est le cas de Florian Maurice et c’est bien qu’on lui rende hommage, avec les joueurs et l’entraîneur qui a conçu cette équipe. » Pendant son mandat, ce sont au total 430 millions d’euros qui ont été dépensés sur le marché des transferts. Un joli petit pécule.
Le recruteur recruté
Malgré ce bilan plutôt positif (les flops faisant évidemment partie du métier), ce qui chagrine Jean-Michel Aulas est finalement plus personnel que professionnel : « À plus de 70 ans, on vit de bonheurs et de malheurs. Et là, c’est une grande tristesse, non pas sur le plan de l’entreprise, mais sur le plan humain. Faire ça pendant une période de confinement… » Si les premiers contacts avec le Stade rennais datent de la mi-février, le nouveau président breton Nicolas Holveck préfère prendre son temps. « Dans la situation actuelle, il y a l’urgent et l’important, répétait le successeur d’Olivier Létang. Le dossier du directeur sportif est important, mais pas urgent. » De son côté, Florian Maurice a lui aussi pris le soin de réfléchir avant de lâcher son CDI lyonnais. Si l’investiture l’été dernier de Juninho, un autre fils d’Aulas, au poste de directeur sportif a pu fragiliser sa position dans l’organigramme lyonnais, les deux hommes semblaient réussir à collaborer. Pourtant, dans quelques semaines, les anciens joueurs de l’OL pourraient occuper chacun les mêmes fonctions dans deux clubs différents. Et tant pis si Jean-Michel Aulas avait pensé à un destin autrement plus pimpant pour son poulain : « Pour lui, j’avais imaginé Paris, Barcelone ou autre. C’est Rennes. Il faudra espérer pour lui que Rennes devienne un très grand club. » Pour rappel : à l’heure actuelle, ce sont bien les Bretons qui sont installés sur le podium et qui pourraient disputer la Ligue des champions l’an prochain. Avec possiblement de belles prises réalisées par leur nouveau pêcheur en chef.
Par Mathieu Rollinger