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Florian Maurice au Stade rennais : la bonne pioche
En attendant la fin de son préavis pour quitter l'OL, Florian Maurice sait qu'il va bientôt pouvoir ajouter une nouvelle ligne à son CV : l'ancien attaquant a officiellement trouvé un accord avec le Stade rennais pour le poste de directeur technique. Et à en croire la réputation du bonhomme dans le milieu, il pourrait s'agir d'une bonne pioche pour le club breton.
C’est la fin d’un secret de polichinelle, trahi depuis bien longtemps par Jean-Michel Aulas. Comme annoncé par le président lyonnais mi-avril, Florian Maurice a décidé de couper le cordon pour enfiler le costume de directeur technique du Stade rennais. La fin amère d’une décennie passée au sein de la cellule de recrutement du club rhodanien, alors que le boss de l’OL s’attendait à voir son poulain continuer son chemin « à Paris ou au Barça », plutôt que chez un éventuel concurrent au classement. Résultat, les dirigeants rennais comme l’ancien international français ont dû faire preuve de patience avant d’ajouter officiellement son nom à l’organigramme, la faute au traditionnel préavis à respecter pour quitter un CDI et au côté procédurier de JMA. « La réaction d’Aulas montre l’importance qu’avait Maurice à Lyon et à quel point c’est une déception pour lui de le perdre », confirme un agent ayant bossé avec les Gones ces dernières années. En actant son arrivée, le SRFC pose la dernière pierre de sa restructuration post-Olivier Létang et permet à Maurice de s’offrir un nouveau défi : se montrer à la hauteur de sa réputation et aider à la construction d’un effectif capable de faire découvrir la Ligue des champions au club breton.
Passion et boulimie
Une réputation, c’est justement ce qu’a pu se construire l’ancien joueur de 46 ans ces dix dernières années. Pour Florian Maurice, la petite mort du footballeur ressemble plutôt à une nouvelle vie. Au moment de raccrocher les crampons en 2005, l’attaquant n’a pas l’intention de s’éloigner longtemps du ballon rond, mais souhaite prendre son temps pour apprendre les bases de son futur métier. D’abord consultant pour la chaîne officielle de l’OL, il observe, il écoute et il prépare déjà le terrain pour la suite. « Quand il travaillait du côté de la télé, il s’intéressait déjà à mon travail. Il posait plein de questions, on le sentait passionné par ça, se souvient Gérard Bonneau, alors responsable de la cellule de recrutement des jeunes à Lyon. Je me rappelle lui avoir demandé : « Mais tu ne veux pas devenir entraîneur, toi ? » ll m’a immédiatement répondu que ce qui lui plaisait, c’était de partir à la recherche des talents. » En 2009, il rejoint l’équipe de recrutement des Gones à la demande de Rémi Garde – qui n’a pas voulu s’exprimer sur le sujet –, bien installé au club et futur entraîneur des professionnels. Dans l’ombre, Maurice peut enfin se mettre au boulot.
Discret, mais ambitieux, il s’impose rapidement comme une valeur sûre dans dans le milieu.
Une histoire de profil et de travail, d’après Gérard Bonneau : « Il est arrivé avec son réseau d’anciens joueurs, il maîtrise très bien l’anglais et l’espagnol… C’est un gars qui s’est formé pour avoir les qualités requises pour ce métier. Il n’a pas eu de suffisance et pourtant, on a tendance à oublier que ça a été un grand joueur. » Gros bosseur, Maurice détonne dans le paysage footballistique hexagonal dans lequel « le copinage est plus important que la promotion par le travail », selon un agent français. Surtout, il ne reste pas scotché à son bureau : il se déplace beaucoup, avale des rencontres par dizaines pour dénicher les meilleures pépites et renforcer l’effectif lyonnais. « C’est un boulimique de matchs, je n’ai jamais vu quelqu’un comme ça, assure Bonneau. Le nombre de matchs qu’il allait voir chaque saison en se déplaçant à droite ou à gauche, c’est incroyable. Quand j’allais le voir dans son bureau, il était devant un match. Et quand il est dans l’avion, il en regarde un ou deux sur sa tablette, c’est continuel. Il doit connaître les joueurs intéressants de chaque club dans chaque pays. Il pouvait me parler de deux pépites du Real Valladolid sans souci. » Du pain bénit pour l’OL et sa nouvelle stratégie.
« L’arrivée de Juninho lui a fait perdre du pouvoir »
Au moment de citer les plus belles réussites de son « champion du monde » – il était son entraîneur en sport-études quand il avait 11 ans –, Gérard Bonneau pense bien sûr à Memphis Depay, Tanguy Ndombele ou Ferland Mendy. « Je me souviens qu’il m’avait envoyé deux fois voir Ndombele pour valider deux ou trois trucs, mais il était déjà sûr de lui », rembobine celui qui aura passé deux ans à ses côtés (2017-2019) avant de quitter Lyon. Son bilan, tout le monde le connaît : plusieurs jolis coups et quelques échecs. En revanche, sa méthode de travail est plus confidentielle. À quoi ressemble une cellule de recrutement dirigée par Florian Maurice ? Un peu comme Luis Campos, dont le réseau est sans doute beaucoup plus étendu, le Français aime s’entourer d’hommes de confiance et avancer en petit comité. « Il travaille avec peu de gens, explique Bonneau. À une époque, on était juste trois avec Jérôme Bonnissel. Michel Rouquette donnait parfois un coup de main, Patrice Girard était aussi là. C’est une cellule de quatre ou cinq personnes, chacun se répartissait son continent, mais Florian restait le décideur. » Un fonctionnement qu’il devrait rapidement transposer en Bretagne.
Au-delà du simple travail de recruteur, Maurice était aussi écouté par les coachs lyonnais (Garde et Genesio en tête), avait gagné la confiance de Jean-Michel Aulas et participait activement aux discussions avec les dirigeants du club rhodanien.
« Il n’avait pas la place la plus importante dans les négociations, c’est vrai, témoigne un agent préférant rester anonyme. Mais il n’hésitait pas à donner son avis, et la décision se prenait collégialement avec Vincent Ponsot, avant que le président ne valide in fine. C’était une paire qui fonctionnait très bien. Je ne sais pas si on se rend compte du boulot qu’il abattait à Lyon, le club va ressentir un grand vide. » Mais pourquoi quitter le navire ? Le principal intéressé ne s’est pas encore exprimé le sujet, mais il faut probablement se pencher sur les évènements de l’été dernier pour comprendre son raisonnement : courtisé par Tottenham, Maurice aura vu Juninho faire son retour à Lyon pour occuper le poste de directeur sportif et empiéter sur ses prérogatives. Et si les rapports entre les deux hommes étaient a priori cordiaux, la séparation semblait inéluctable. « L’arrivée de Juninho lui a fait inévitablement perdre du pouvoir », estime l’agent d’un joueur lyonnais. Gérard Bonneau, lui, s’interroge : « Je ne veux pas trop rentrer là-dedans, l’OL ça reste une famille, mais peut-être qu’on n’a pas assez bien regardé qui était Florian. »
À Rennes, un trio gagnant ?
Les dirigeants rennais ne se sont pas fait prier pour saisir l’opportunité. Après avoir sondé quelques noms, celui de Maurice s’est rapidement imposé comme une évidence, et l’affaire était déjà bouclée au mois de mars, selon nos informations. De quoi permettre au nouveau triumvirat décisionnaire composé de Nicolas Holveck (48 ans), Julien Stéphan (39 ans) et donc Florian Maurice (46 ans) de prendre ses marques et cibler les besoins de l’effectif rennais pour le prochain mercato estival. En pleine restructuration institutionnelle, le SRFC a aussi pu lui offrir ce que l’OL avait préféré proposer à Juninho : un poste de directeur technique (ou sportif, comme on dit). « Il va sûrement devoir faire le lien avec l’Académie, avoir un œil sur tout ce qui est contractuel, le coût des transferts, gérer un budget, mais il ne vient pas apprendre quelque chose, développe Bonneau. Ce n’est pas un nouveau boulot ce qu’il va faire à Rennes, il le faisait déjà à Lyon sans en avoir le titre. Pour moi, c’était le directeur sportif du club, il faisait tout. » Avant de conclure par un ultime commentaire positif : « Je suis persuadé qu’il va s’imposer comme un personnage qui compte dans le foot dans les années à venir. » Le Stade rennais n’a pas besoin de se projeter aussi loin, les prochaines semaines et le mercato à venir seront des premiers révélateurs pour juger leur nouvelle recrue. Maurice, lui, n’a pas attendu la fin de son préavis pour se mettre au boulot. Il faut dire qu’il a une réputation à tenir.
Par Clément Gavard
Tous propos recueillis par CG