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Hardouin : un licenciement et des hypocrisies
Le comex s’est réuni ce vendredi afin de traiter du cas de Florence Hardouin, avant de se pencher sur celui de Noël Le Graët. Derrière cet ordre du jour, la tentation de proposer un bouc émissaire à l’opinion publique pour calmer la tempête. Malheureusement, ce scénario a déjà du plomb dans l'aile.
Parmi les rares véritables décisions prises le 11 janvier par le comex, afin de répondre à la crise que traverse la FFF, et à la suite des révélations de l’audit, la plus lourde de sens résidait dans la mise à pied à titre conservatoire de la directrice générale Florence Hardouin. Cette dernière se trouvait déjà depuis quelques années sous le feu des critiques, notamment pour son management jugé brutal et un plan de licenciement sans pitié en plein Covid. L’IGESR (l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche) estime de la sorte que ses « méthodes brutales et le comportement jugé erratique (…) ne lui permettent plus d’exercer une autorité reconnue ». La surprise fut telle que Florence Hardouin avait subi un infarctus en apprenant la sanction qui la frappait. Une des raisons pour lesquelles elle n’avait donc pu se présenter, le mardi 21 février, pour son entretien préalable au licenciement. En visioconférence (ce qui semble faciliter apparemment le courage de certains pour trancher), le comex a néanmoins acté l’envoi de sa lettre de licenciement. Il reste à savoir si l’affaire, notamment en matière de gros sous, se réglera devant les prud’hommes ou à l’amiable…
Florence et la machine
Entre-temps les langues se sont déliées, notamment concernant les « dérapages » de Noël Le Graët, son supérieur, avec les femmes. Florence Hardouin n’a pas manqué donc de rappeler lors de son audition pour l’audit et dans ses réponses au rapport, via ses avocats Me Margaux Mathieu et Me Hervé Temime, qu’elle était d’abord une victime. Ses représentants ont également affirmé qu’elle s’en était déjà ouverte lors de l’audit réalisé, en 2020, par le cabinet de conseil Plein Sens, dont l’actuel président par « intérim » Philippe Diallo avait reçu copie à l’époque. En cause, des « propos rabaissants, humiliants et sexistes de M. Le Graët, ses insultes à caractère sexiste ou sexuel, ses réflexions répétées sur son physique, mais aussi son comportement inapproprié et intimidant, souvent en lien avec une alcoolisation excessive (…), mais aussi de multiples invitations à dîner plus que déplacées et des questions récurrentes sur sa vie intime et privée ».
C’est d’ailleurs en s’appuyant sur cet aspect que les avocats ont saisi parallèlement le Défenseur des droits, comme le note Le Monde : « En substance, Mme Hardouin étant salariée de la FFF, le fait qu’elle ait signalé des agissements de harcèlement, répréhensibles pénalement, dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail lui confère le statut de donneur d’alerte, conformément aux articles L.1152-2 et L.1153-2 du Code du travail. La procédure disciplinaire initiée par son employeur, à la suite de cette dénonciation, et en représailles, est illégale. » Cette situation juridique, sans parler de la bataille médiatique, rend pour le moins fragile la position de la FFF employeur et la stratégie accélérée, paraît-il suggérée par Noël Le Graët lui-même, de licencier l’ex-DG. Pour le moment, il s’agit surtout de faire reposer sur ses épaules les errements et problèmes de gouvernance pointés par l’audit. Or les déclarations de Florence Hardouin, au cœur de toutes les décisions fédérales depuis plus de dix ans, souligne en retour aussi la faiblesse, sûrement volontaire, d’un comex, qui, en la clouant au pilori, confesse bien malgré lui, par effet pervers, son incompétence et sa faillite sur la durée.
La bataille de succession se prépare
Une faille donc dans laquelle s’est engouffré Jamel Sandjak, membre du comex, qui a été le premier à en démissionner : « Élu pour participer à un projet collectif, je ne peux, aujourd’hui, que faire le constat de notre impuissance à nous projeter vers les défis de demain. » Le président de la Ligue Paris-Île-de-France, qui ne cache pas ses ambitions au niveau national, a donc décidé opportunément, et tardivement, de quitter le navire pour pouvoir endosser la posture de l’homme de principe, dans la perspective d’une éventuelle bataille pour le fauteuil potentiellement vacant. Son discours a en tout cas laissé entrevoir son storytelling, puisqu’à l’en croire il a « pu, à de nombreuses reprises, apporter une lecture contradictoire, fertile et malheureusement parfois minoritaire sur des sujets sportifs ou sociaux majeurs ». Le grand cirque continue… tant pis pour le foot du peuple.
Par Nicolas Kssis-Martov