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Firmino et le mythe Football Manager
Hoffenheim et Liverpool s'affrontent ce mardi soir en Allemagne en barrage aller de Ligue des champions. D'un côté, Hoffenheim, le club qui a révélé Roberto Firmino dès 2011. De l'autre, Liverpool, qui l'a acheté à prix d'or en 2015 et l'a fait un peu plus grandir. Avant tout ça, il y a une légende, qui dit que l'international brésilien a débarqué en Allemagne grâce à Football Manager.
En novembre 2016, une bombe est lâchée dans l’Internet : Firmino est un recrutement Football Manager. Très tôt pépite dans le jeu de Sports Interactive, le Brésilien aurait été repéré ainsi par un des scouts du TSG Hoffenheim pour devenir un des meilleurs joueurs à son poste au monde. Sa trajectoire a tout de la partie FM qui se déroule bien : la signature précoce dans un club ambitieux, en 2011 ; quelques années pour s’y aguerrir et devenir une valeur sûre du championnat allemand ; une belle plus-value à la revente quand les clubs puissants sont prêts à aligner les biftons. L’opération financière et sportive est excellente pour le TSG Hoffenheim, malgré un investissement conséquent au départ pour un joueur de D2 brésilienne. Hoffenheim n’était pas tombé sur un nouveau Douglão ou un Tsigalko. L’histoire est belle. Trop belle. Deux jours après, le recruteur allemand fait marche arrière. Le recrutement de Firmino est devenu un mythe, celui de la puissance de Football Manager.
La pépite FM
En cherchant dans les entrailles des forums spécialisés sur Football Manager, on trouve en 2011 un certain Raikan007, qui poste les statistiques d’une pépite dénichée dans le dernier Football Manager. Il s’agit de Firmino, mention « futur Zinho. » Dans sa version, le jeune joueur de Figueirense est parti à Santos pour une poignée de livres, avant d’embarquer pour l’Atlético de Madrid et d’être prêté au Hertha. Un scénario qui ne correspond pas tout à fait à la réalité, même si le pays final est le bon – ce que Raikan007 semble ignorer. Dans la réalité, Firmino a signé depuis quelques semaines en Allemagne grâce à un homme : Lutz Pfannenstiel. Le vadrouilleur aux six continents dans sa carrière de joueur professionnel le repère en D2 brésilienne et se laisse séduire, au point d’aller convaincre le manager général Ernst Tanner que cela vaut le coup de poser quatre millions d’euros sur la table. On est loin des 300 000 livres de Santos dans le jeu. Le coût est important. Et ses six premiers mois sont corrects, avec une place dans le onze titulaire qui se dessine petit à petit et trois buts. De toute manière, le Brésilien n’est pas là pour briller immédiatement. Il s’inscrit dans le moyen terme.
Les vraies raisons de la signature
Si Pfannenstiel motive son club à le signer, c’est avant tout pour le pari. Firmino est encore jeune. C’est une promesse pour l’avenir, même si certains signes annonciateurs de ses qualités sont là. Typiquement le profil qui plaît dans une partie de Football Manager. À la petite différence que Tanner affirme alors que la concurrence est déjà présente pour sa signature, obligeant le TSG à batailler. Et que son talent est déjà reconnu et visible dans les faits : « Il a montré qu’il était capable de jouer comme milieu offensif, avec ses huit buts en 36 apparitions. De plus, il n’a pas été élu meilleur joueur de deuxième division par hasard. » Il va falloir du temps à Firmino pour s’adapter, et c’est justement pour l’avenir qu’Hoffenheim a voulu de lui. Il correspond à la volonté du club tout entier, qui s’appuie sur la jeunesse sous l’impulsion de Ralf Rangnick, pour s’installer en Bundesliga. Ce n’est pas la lubie d’un joueur, derrière son écran, qui peut miser sur des pépites sans le moindre risque. Pourtant, la théorie du joueur FM est séduisante. Elle colle parfaitement. Alors même six ans plus tard, une émission anglaise réunissant Pfannenstiel et Miles Jacobson, le créateur de la bête, ne pouvait que mettre le feu au poudre.
L’Absurdistan
C’est donc en novembre 2016 que le retour de flamme arrive. Au cours d’une interview pour une radio anglaise, Pfannenstiel revient sur l’investissement consenti pour l’international brésilien (15 sélections, 5 buts) et la belle plus-value réalisée au passage, se vantant d’ailleurs d’avoir eu le nez fin. « J’ai alors dit que Firmino évoluait à l’époque en D2 et semble, de ce point de vue, assez cher. Et que nous étions convaincus par ses qualités. À raison. » Il n’en dit pas plus, sauf pour se vanter de la jolie plus-value encaissée avec le départ vers Liverpool, qui l’a acheté pour 40 millions d’euros (dont dix de bonus). Mais de fil en aiguille, avec la présence de Jacobson dans les studios qui évoque l’utilité de la base de données par des clubs anglais, la rumeur enfle. La première brève est lâchée, les sites sportifs du monde entier embrayent : « Firmino a été recruté grâce à Football Manager ! » Dans toutes les langues, sur tous les sites, le fantasme est là. À l’infini. Sans demi-mesure. Cela contraint Pfannenstiel à un démenti cinglant, avec une interview officielle sur le site du club de Dietmar Hopp. « Oui, c’est de la folie. J’ai joué sur chacun des six continents, mais il y en a en fait un septième que l’on appelle l’Absurdistan. Pendant l’interview, je n’ai pas prononcé une seule syllabe à propos du jeu Football Manager. Je n’y ai encore jamais joué. Et pour être tout à fait honnête, je ne le connaissais pas. » Pas de quoi faire retomber le mythe. La belle histoire du joueur informatique est là. Avec une question en suspens : pour remplacer sa pépite brésilienne, Pfannenstiel a-t-il allumé son PC ?
Par Côme Tessier