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Finale au Stade de France : un trophée pour Macron
L'invasion russe en Ukraine commence à produire ses premières conséquences dans le football. L'UEFA a en effet décidé de transférer la finale de la Ligue des champions, son épreuve phare, de Saint-Pétersbourg au Stade de France. Si cette décision pèsera certainement peu dans la grande histoire, il s'agit, en tout cas pour l'instant, de la seule victoire diplomatique d'Emmanuel Macron depuis le début de la crise.
Prévue originellement le 28 mai à la Gazprom (tiens tiens) Arena de Saint-Pétersbourg, une ville qui symbolise le projet impérial russe, la finale de la Ligue des champions se déroulera finalement le 28 mai au Stade de France, à Saint-Denis et aux portes de Paris. De quoi redonner de l’appétit au Paris Saint-Germain, qui pourrait soulever quasiment à domicile ce trophée si convoité et devant son public. Le choix de l’UEFA de retirer l’événement à l’antre du Zénith était dans les cartons depuis quelques jours, alors que le bruit des chenilles des chars de Vladimir Poutine se faisait entendre en fond sonore. C’est peu dire que cette nouvelle n’a pas vraiment chagriné le Kremlin. « C’est dommage qu’une telle décision ait été prise, s’est contenté de déclarer le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov. Saint-Pétersbourg aurait pu fournir les conditions idéales à la tenue d’un tel festival de football. »
Dans un premier temps, le nom de Wembley avait circulé. Apparemment, Emmanuel Macron, président de la République française et qui préside par ailleurs l’Union européenne jusqu’en juin, a su convaincre Aleksander Čeferin, big boss de l’UEFA, de l’intérêt de venir se « réfugier » en France. On sait que Jupiter peut-être conciliant et donc écouté auprès des instances internationale du football. Après tout, la FIFA a ouvert des bureaux à Paris dans le prestigieux hôtel de la Marine, mais en bénéficiant d’une extraordinaire défiscalisation de ses affaires commerciales et avec le prêt de magnifiques pièces du mobilier national. Bref, dans la suite logique, le Stade de France vibrera fin mai, juste après une (ré)élection présidentielle pour ce point d’orgue de la saison européenne. Un beau succès dont s’est déjà réjoui Jean-Michel Blanquer sur Twitter, d’un fort déplacé « Bienvenue à la Ligue des champions » vite supprimé…
Ce tweet, désormais supprimé, de Blanquer alors que les troupes russes sont aux portes de Kiev? (via @NassiraELM) pic.twitter.com/AA0yPPYEpb
— Mickaël Correia (@MickaCorreia) February 25, 2022
Les atouts charmes du Stade de France
Sur le papier, la prestigieuse enceinte basée à Saint-Denis, qui a au passage bien besoin de remplir son calendrier et son carnet de commande, possède de nombreux avantages. Paris est central à tout point de vue, transport en premier, pour les éventuels finalistes, dont les Anglais et les Espagnols. Elle a déjà accueilli nombre d’événements comparables, dont la finale de la Ligue des champions 2006 entre Arsenal et Barcelone, et a été d’abord construite dans ce but, pour ces grand-messes. Cet ajustement ne soulèvera donc aucun problème logistique et facilitera peut-être même la vie et les dépenses des fans qui désireraient venir soutenir leur équipe.
Quoi qu’il en soit, cette annonce s’inscrit dans une série de mesures de rétorsion qui vont tomber sur le football russe et plus largement sur les acteurs économiques russes dans le football. Les crédules semblent en effet découvrir à l’occasion de cette guerre que le Qatar ou les pays du Golfe ne s’avèrent pas les seuls à utiliser ce sport pour élargir leur influence géostratégique. En ligne de mire par exemple, le rôle de « sponsor » de Gazprom, un des principaux leviers du Kremlin à l’étranger, ou encore les clubs sous pavillon des oligarques tels que Chelsea ou Monaco. De son côté, l’UEFA prend en pleine face – le dernier casse-tête remonte à l’éclatement de la Yougoslavie au début des années 1990 – le poids de l’histoire. Dans les bureaux de Nyon, on a effectivement dû plus souvent parcourir des manuels de marketing que les classiques de Hegel ou de Sun Tzu. Cette fois, il va falloir rattraper son retard et potasser un peu les pages Wikipédia à la rubrique histoire. Avec pour objectif, sans l’avouer, de ne pas se fâcher avec un grand pays qui a si bien organisé la Coupe du monde 2018.
À l’image de la communauté internationale – enfin occidentale -, le football du Vieux Continent s’est positionné dans le schéma de la réponse graduée, sans oser la rupture ni le clash. Contrairement aux demandes ukrainiennes, pas d’exclusion de la fédération russe ni de ses clubs. En revanche, les formations russes, y compris la sélection nationale, évolueront désormais sur « terrain neutre » . Vexatoire, mais rien d’humiliant. Les équipes ukrainiennes, tant qu’elles pourront exister encore, sont contraintes à un exil loin d’être provisoire. Difficile certes de taper le ballon sous les tirs des orgues du nouveau Staline.
Par Nicolas Kssis-Martov