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- Mort de Fidel Castro
Fidel, l’amour du survêtement
En 2006, à la suite de ses problèmes de santé, le Líder Máximo délaisse le pouvoir à son frère Raúl et la tenue militaire pour une tenue sportive. Quand la rigidité de l'uniforme vert militaire fait place au confort de la souplesse du « survêt ». Retour sur le style vestimentaire qui a marqué la dernière décennie du révolutionnaire cubain.
Tout commence il y a dix ans à la suite d’une opération intestinale. Fidel Castro apparaît alors pour la première fois sans sa fameuse tenue verte militaire et arbore un survêtement Adidas aux couleurs cubaines. Les images font le tour du monde. Nombreux sont ceux qui furent surpris par le fait que le leader communiste s’affiche avec le logo d’une marque dite « capitaliste » . D’autres préféreront y voir une référence à la défunte RDA et à ses réussites plus ou moins sportives pendant la guerre froide. Le New York Times interrogea la marque sur cette publicité inattendue : « Pour nous, ce n’est ni positif ni négatif. Nous faisons des vêtements pour des sportifs, pas pour des leaders politiques. » De son côté, Fidel Castro reviendra sur cette polémique sans pour autant l’éclaircir : « Je sais qu’on me critique par rapport à ça, mais c’est l’Inder(Instituto nacional del deporte, Institut national du sport) qui me le donne gracieusement (Adidas est alors le sponsor des équipes olympiques du pays, ndlr). (…)Moi, je ne cherche à faire aucune publicité. L’autre possibilité serait de remettre l’uniforme que j’ai toujours utilisé toute ma vie. » Mais Fidel ne reviendra pas sur son choix. Un choix pratique. Un choix de confort de vie.
Adidas, mais aussi Nike, Fila et Puma
Dès lors, Fidel sera pour toujours en survêtement. La marque aux trois bandes aura donc souvent sa préférence, mais il portera aussi à l’occasion du Nike, du Fila ou du Puma. D’ailleurs, lorsqu’il apparaît pour la première fois avec le fameux Puma sur la poitrine début 2015, concurrent historique d’Adidas, de nombreux médias se firent l’écho de ce changement, sans pour autant l’expliquer. Quelques mois plus tard, on apprendra que Puma serait le nouveau sponsor des équipes cubaines pour les jeux Panaméricains de 2015 et les JO de 2016. Fidel a souvent eu un coup d’avance.
Mais c’est donc principalement Adidas qui a profité de ce changement définitif de tenue. Certains publicitaires iront même jusqu’à comparer l’impact de l’image de Fidel en « survêt » Adidas avec celle de Lionel Messi. Car l’image du Cubain a une portée internationale incomparable. Depuis dix ans, le survêtement est devenu indissociable de l’image de Fidel. Dans ses apparitions télé, lors de ses rencontres avec le Brésilien Lula, avec le pape Francisco ou avec François Hollande, le chef de file de la révolution cubaine se montre à l’aise dans ses tenues sportives. La plus grosse folie étant évidemment la veste de l’Algérie portée lors de la cérémonie de ses quatre-vingt-dix ans, en compagnie du président vénézuélien Nicolas Maduro.
Recommandation médicale
Du coup, d’autres lui ont emboîté le pas. Il a fait des émules chez ses camarades révolutionnaires en lançant ce qui sera appelé le « chandalismo revolucionario » ( « la révolution en survêtement » ). À commencer par son acolyte vénézuélien Hugo Chávez, puis son successeur Nicolas Maduro de nos jours. Dans des contrées plus lointaines, Mahmoud Ahmadinejad en Iran participera lui aussi à ce courant de leaders politiques en mode sport. Une façon de dire au peuple que rien ne différencie le président d’un pays et ses concitoyens : « On porte les mêmes vêtements, nous sommes pareils. » Et puis le survêt donne un côté dynamique, homme d’action qui ne s’endort pas dans son costume présidentiel. Un côté populaire, ou populiste. Au choix.
À la suite de ses problèmes de santé en 2006, Fidel n’avait pas eu le choix. Le port du survêtement était une recommandation médicale qui a finalement façonné l’image du révolutionnaire sur la fin de sa vie. À la suite de son décès ce 25 novembre 2016, Cuba va vivre neuf jours de deuil national, et, conformément à ses dernières volontés, la dépouille de Fidel Castro sera incinérée dès aujourd’hui. Avant une procession des cendres de l’ex-président qui traversera le pays pendant quatre jours. Mais une question reste en suspens… S’il avait eu le choix, comment Fidel aurait aimé traverser son île pour la dernière fois avant de partir pour l’éternité : en uniforme ou en survêtement ?
Par Benjamin Laguerre