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Fidel Castro : la révolution, Maradona et Guy Roux

Par Nicolas Kssis-Martov
Fidel Castro : la révolution, Maradona et Guy Roux

Fidel Castro n'aura pas à serrer la main de Donald Trump. Alors que les relations avec les USA sont en voie de se normaliser, notamment par la grâce d'une mini « diplomatie » du soccer, il tire donc sa révérence devant l'histoire. Il rejoint son paradis socialiste surtout au moment où son pays prend une direction de plus en plus éloignée de sa « révolution » vert olive, et alors que ce grand amoureux du baseball observait de plus en plus la jeunesse locale basculer dans le camp du football. L'histoire a toujours le sens du contre-pied...

Le Líder Máximo a trépassé. Apparemment, la mort a aussi réussi son Black Friday. Le décès de cette dernière grande figure du XXe siècle achève de clôturer les comptes de la guerre froide, laissant la Corée du Nord conserver son statut d’épouvantail écarlate. Dictateur communiste, aux discours fleuves (sûrement sa plus grande performance athlétique) et au culte de la personnalité à l’avenant, il dirigea d’une main de fer son îlot marxiste-léniniste au large des States, que l’acharnement stupide de l’impérialisme américain finit par rendre sympathique à l’internationale et populaire à l’intérieur (pour ceux qui n’étaient pas en prison, cela s’entend). Il restera à jamais aussi le plus grand promoteur de la fashion kaki. Dernière grande caractéristique, alors qu’il fut l’un des grands acteurs du communisme international au cœur du pré carré US, en revanche il lui manqua un élément essentiel de propagande, tout comme à son christique Che Guevara, pour briller vraiment en Amérique du Sud : le football.

Cuba est unique et spéciale. Hispanique, latine, métisse au milieu de West Indies anglophones, elle ne jure que par le baseball, dont les meilleurs joueurs prirent d’ailleurs depuis les années 90 la fâcheuse habitude de s’exiler régulièrement chez l’Oncle Sam, attirés par les dollars du capitalisme sportif.

« Dans le sport, il y a la santé de notre sport »

Fidel Castro ne l’a d’ailleurs jamais caché, il n’avait que deux véritables passions sportives : la batte et les lunettes de plongée sous-marine. Pour le reste, il s’agissait juste de mettre en avant les succès sportifs des dignes représentants de la révolution dans les stades, à l’instar des exploits et les médailles du spécialiste du saut en hauteur Javier Sotomayor. Dans le grand théâtre de la guerre froide, plutôt chaude et humide là-bas (de la baie des Cochons à la crise de missiles, durant laquelle au passage le brave Fidel poussa Kroutchev à risquer une guerre nucléaire plutôt que de céder), il fallait en remontrer aux vilains Yankees. D’autant plus que le régime, converti au communisme sauce soviétique, ne ménagea pas ses efforts, convaincu par ailleurs par la doctrine socialiste en la matière qu’il « faut que la révolution s’occupe de l’éducation physique et du sport de manière fondamentale pour notre pays. Pour l’oligarchie exploitante, cela n’a jamais été une priorité, mais pour la révolution, si. Tout simplement parce que dans l’éducation physique et le sport, il y a la santé de notre peuple. » (1962, Fidel Castro) Un discours qui, comme lors des débuts de l’URSS, ne plaidait pas trop en faveur d’un foot « trop distrayant » et pas assez hygiénique.

Toutefois, le brave Fidel prit conscience progressivement du poids mondial du ballon rond et il saura faire acte de contrition marxiste pour venir honorer et essayer de profiter de la renommée des stars du foot, ces derniers partageant parfois, notamment chez les Sud-Américains, une réelle tendresse pour le petit Samson des tropiques face au redoutable Goliath de la bannière étoilée. Dans une interview, Fidel Castro avait de la sorte surmonté ses réticences prolétariennes pour confesser une émouvante indulgence envers ces « millionnaires qui divertissent des millions de personnes, et au moins ne sont pas ennemis de Cuba » . Quand on est seul, surtout après l’effondrement du bloc de l’Est, on accepte toutes les mains tendues.

Étonnement donc, son aura parmi le monde du foot dépassera toujours son intérêt personnel pour ce sport. Lorsqu’il s’affiche en survêtement de l’équipe nationale d’Algérie pour ses quatre-vingt-dix ans, les réseaux sociaux reprennent avec gourmandise l’info et l’image, avec la fierté habituelle du côté d’Alger dès que les Fennecs sont exposés de la sorte (sans oublier le vieux compagnonnage entre les deux nations rebelles).

Tatoué sur une jambe de Maradona

Parmi toutes ses rencontres footeuses, l’une d’entre elles se révèle unique. Presque un dialogue au sommet. Diego Maradona vint de la sorte régulièrement à partir de 1987 témoigner son amitié et sa solidarité auprès du peuple frère cubain et son admiration pour le Líder Máximo, en mettant parfois à l’épreuve sa résistance devant ses délires vestimentaires ou capillaires. Une longue amitié en naîtra entre ce modèle d’ascétisme révolutionnaire, survivant à toutes les tentatives d’assassinat de la CIA et le joueur fou et génial. Ce dernier va même l’interviewer en 2004 dans son émission de télé La Noche del 10. Une fascination qui poussera même le héros de Naples et de l’Argentine à se tatouer le visage de Fidel Castro sur une jambe (il avait déjà Che Guevara sur un bras). En retour, le dirigeant cubain lui rendra la politesse, entre héros du peuple, en le qualifiant de « Che du sport » , suggérant de lui construire une statue à la Havane.

Encore récemment, dans une lettre écrite lors du Mondial brésilien, Fidel Castro, s’adressant à son « inoubliable ami » , détaillait les raisons extra-sportives qui les avaient conduits l’un vers l’autre. « Comme latino-américains, nos relations n’ont alors jamais été aussi étroites. Tu as triomphé des épreuves les plus difficiles, comme athlète et comme jeune d’origine modeste.(…)Naturellement, Diego, je n’oublierai jamais l’amitié et le soutien que tu as toujours apporté à Hugo Chávez, promoteur du sport et de la révolution d’Amérique latine et des peuples opprimés du monde. »

Cela dit, Fidel ne ne s’est pas toujours tourné seulement vers ses frères du sous-continent. En vacances dans l’île avec Gérard Bourgoin, qui avait investi sur place dans le pétrole, Guy Roux eut la joie de rencontrer cette figure historique. Il lui vanta même les services de santé du pays, qu’il avait pu tester à la suite d’un petit problème d’allergie, avant, « par éducation » , d’éviter les sujets qui fâchent. Très chaleureux, Fidel lui raconta ses souvenirs de « pas très bon » joueur de foot quand ils organisaient au temps de la lutte contre la dictature de Batista des matchs improvisés dans la Sierra Maestra. Il finit même par lui proposer de s’occuper de la jeunesse cubaine qui se détachait déjà du baseball et du football américain pour le « soccer » . En récompense, il lui promit une petite île, rien que pour lui. L’entraîneur de l’AJA déclina l’offre. Il en nourrit peut-être quelques regrets désormais.

Totò Schillaci, pour une nuit éternelle

Par Nicolas Kssis-Martov

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