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Fiasco anglais en Ligue des Champions
A moins d’un miracle la semaine prochaine à l’Allianz Arena (match retour Bayern-Arsenal), il n’y aura aucun club anglais en quarts de finale de la Ligue des Champions. Et si c’était un peu plus qu’une coïncidence ?
Arbitrage défavorable, carton rouge injustifié, colère compréhensible. Mardi soir, Manchester United a salué la Ligue des Champions entre mille polémiques. L’équipe de Sir Alex Ferguson avait en main sa qualification, jusqu’à ce que l’arbitre de la partie, monsieur Cakir, décide d’expulser Nani. Changement de physionomie du match, le Real qui renverse la tendance, puis Diego Lopez qui érige un mur devant ses cages. Coup de sifflet final, Old Trafford est fou de rage, Manchester United est out. On pourra discuter pendant des semaines et des semaines la manière. N’empêche que la constatation, aussi cruelle soit-elle, c’est que le leader de la Premier League est éliminé de la plus prestigieuse des compétitions dès les huitièmes de finale. Et tout ça, après que le champion d’Angleterre, Manchester City, s’est fait sortir au premier tour, au même titre que le tenant du trophée, Chelsea. Ajoutez à cela un Arsenal qui s’est fait fesser au match aller par le Bayern Munich (3-1 à domicile, autant dire que les chances de qualification sont déjà réduites à néant), et vous obtenez un football britannique qui n’aura aucun représentant en quarts de finale. Or, pour retrouver une telle situation, il faut remonter loin, très loin. A une période où Ryan Giggs avait à peine disputé 200 matches avec le maillot de Manchester United…
Chelsea en arbre qui cache la forêt
De fait, la dernière fois qu’aucun club anglais ne s’est retrouvé sur la ligne de départ des quarts de finale de la C1, c’était lors de la saison 1995/96. A l’époque, un seul club anglais était engagé dans la compétition : Blackburn. Les Rovers avaient terminé derniers de leur poule et s’étaient donc fait sortir dès le premier tour. Depuis, il y a toujours eu au moins une équipe britannique en quarts de finale. Les clubs anglais sont alors montés en puissance, atteignant leur apogée à la fin des années 2000. La statistique est d’ailleurs impressionnante : sur les huit dernières éditions de la Ligue des Champions, sept se sont ponctuées par une finale avec un club anglais : Liverpool en 2005 (vainqueur), Arsenal en 2006, Liverpool en 2007, Manchester United et Chelsea en 2008 (United vainqueur), encore Manchester United en 2009 et 2011, et Chelsea en 2012 (vainqueur). Seule l’édition 2009-10, avec la finale Inter/Bayern, a fait exception à la règle. Le fait de n’avoir cette saison aucun club anglais en quarts de finale est donc, véritablement, un événement. Si l’on y regarde de plus près, et sans vouloir accabler le football britannique, on pourrait presque dire qu’il s’agit d’une tendance.
De fait, lors des saisons 2007/08 et 2008/09, les clubs britanniques écrasent la compétition, en plaçant à chaque fois quatre clubs en quarts de finale, puis trois en demi-finales. L’époque des épiques confrontations Liverpool-Chelsea, par exemple. Mais la victoire du Barça en finale face à Manchester United, en mai 2009, porte un premier coup à l’hégémonie anglaise. Depuis, leur tenue en Ligue des Champions est loin d’être aussi prospère. L’an dernier, Chelsea a fait illusion en allant remporter la compétition. Mais c’était, déjà, l’arbre qui cachait la forêt. Car pendant que les Blues réalisent un parcours mémorable (en passant tout de même à deux doigts de l’élimination en huitièmes contre Naples), les autres clubs anglais passent à la trappe. Les deux Manchester se font sortir dès le premier tour (United éliminé par Bâle !), et Arsenal prend la leçon à San Siro (4-0) en huitièmes, malgré un match retour où les Gunners passent près de l’exploit. Bref, déjà, les clubs anglais avaient déçu. Cette saison 2012/13 n’est que la confirmation de ce que certains osent déjà baptiser « déclin » . A tort ou a juste titre ?
Chamboulement de hiérarchie
Ça, c’est le constat. Mais quid des raisons ? Les clubs anglais se portent moins bien en Ligue des Champions qu’il y a quelques années, lorsqu’ils régnaient sur l’Europe. D’accord. Mais pourquoi ? Est-ce lié à une véritable baisse de niveau du championnat anglais ? Pour Mike Summerbee, buteur historique de Manchester City dans les années 60-70, cela n’a rien à voir avec cela. « C’est quelque chose qui peut arriver, la Champions League est une compétition très relevée, nous confie-t-il. Il n’y a aucun problème dans le football anglais. La Premier League est probablement le meilleur championnat au monde, du premier au dernier du classement » . Pour l’ancien Citizen, cet échec anglais en C1 est plutôt dû au trop grand nombre de matches disputés par les équipes britanniques. « Nous jouons plus de matches que les autres, non-stop. Nous avons la FA Cup, le Community Shield, la Community Cup, et le championnat. Mais dans ce pays, nous avons vraiment des joueurs de très grande qualité. Parfois, cela ne tourne pas comme il faut, cela arrive, c’est tout » explique-t-il.
La multiplication des matches peut être une raison. Néanmoins, il y en avait tout autant il y a quelques années, quand les clubs anglais cartonnaient en C1. Il serait plus crédible d’affirmer que le chamboulement de hiérarchie, avec l’arrivée de Manchester City dans le Big Four, a eu son influence. Liverpool avait une véritable tradition en Ligue des Champions, alors que les Citizens découvrent la compétition et, clairement, ils n’y arrivent pas. Ils n’ont pas été aidés par le tirage au sort, certes. Bayern Munich, Villarreal et Naples l’an dernier, Real Madrid, Ajax et Dortmund cette saison. Compliqué, pour des « novices » . Arsenal, pour sa part, n’a plus sa splendeur d’il y a quelques saisons. Il suffit de voir ses résultats (et ses prestations) en Premier League pour le comprendre. Et Manchester United ? Le club domine de la tête et des épaules son championnat. Pourtant, en Ligue des Champions, les Red Devils galèrent. D’accord, mardi soir, sans cette expulsion de Nani, United serait peut-être (sûrement ?) passé, et on serait là en train de parler d’une toute autre histoire. Ou même de ne pas en parler du tout. Mais le football est fait de détails. Et ce sont souvent ces détails qui contribuent à écrire l’histoire. Une histoire qui ne sera pas contée en anglais, cette année.
Par Eric Maggiori et Mathias Edwards