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- Feyenoord-Manchester City
Feyenoord Rotterdam, deuxième album
Champion des Pays-Bas, le Feyenoord doit confirmer les belles choses vues la saison passée – déjà le cas en Eredivisie, à dire vrai. Ça tombe bien, le club rotterdamois possède la meilleure des tribunes pour ça : la Ligue des champions, une compétition qui n'a plus retenti depuis plus de dix ans à De Kuip.
La saison dernière, Feyenoord avait pris tout le monde de court, Manchester United les premiers. Lors de la première journée du groupe A de Ligue Europa, le 15 septembre 2016, les hommes de José Mourinho, certes en rodage, s’étaient fait surprendre à De Kuip par une ébouriffante formation rotterdamoise, cristallisée par l’unique but, libérateur, de Tony Vilhena en fin de match. À l’échelle nationale, les joueurs de Giovanni van Bronckhorst roulaient déjà sur l’Eredivisie depuis un mois. Et si les espoirs européens des Trots van Zuid se sont rapidement écroulés en phase de poules, Feyenoord n’a jamais quitté la tête du championnat néerlandais malgré l’Ajax de Peter Bosz qui lui soufflait sur la nuque. Feyenoord kampioen, natuurlijk ! Un trophée que le club attendait depuis 1999. Désormais, comme un jeune groupe attendu au tournant parce qu’il aurait sorti un furieux premier album, vient la saison de la confirmation.
La Ligue des champions, un vieux souvenir pour le Feyenoord
La confirmation passe donc par un autre adversaire mancunien, Manchester City, en poules de Ligue des champions, cette chimère que le Feyenoord n’avait plus côtoyée depuis… 2003. Preuve que l’évènement remonte à loin, l’effectif possède alors dans ses rangs des joueurs comme Shinji Ono, Pierre van Hooijdonk, Paul Bosvelt, Bonaventure Kalou et un certain Robin van Persie. Pourquoi autant de temps ? Parce que le Feyenoord est revenu des enfers, d’une certaine manière. Au milieu des années 2000, le club van het folk connaît d’excellents résultats sportifs (une victoire en Coupe UEFA en 2002 face au Borussia Dortmund), mais en coulisses, le royaume de Jorien van den Herik, président depuis 1992 et un temps sauveur du club, tangue.
Inquiété – puis innocenté – par des affaires de transferts frauduleux, Van den Herik commet des erreurs de jugement (ventes de Kuyt et Kalou, achat de Charisteas) qui poussent les supporters à demander sa tête. Une chute qui forme le socle du Feyenoord nouveau, élu à plusieurs reprises meilleur centre de formation des Pays-Bas au nez et à la barbe de « l’institution » Ajax. Désormais, si le club rotterdamois doit se qualifier en C1, il le fera avec des produits du cru et non pas au travers d’une vision court-termiste destructrice. L’entreprise a pris une décennie, a causé quelques douleurs (le 10-0 infligé par le PSV en 2010), mais valait sans doute la peine.
Sexy Feyenoord la saison dernière
Aujourd’hui, le Feyenoord arrive en Ligue des champions avec une véritable cohérence, une réputation de citadelle imprenable symbolisée par sa paire de défensifs Botteghin-Van der Heijden et son gardien Brad Jones. Les deux premiers sont des joueurs aguerris d’Eredivisie, montés en gamme au fil des saisons, tandis que le troisième est un talent éclos très tardivement – 34 ans – après avoir ciré le banc en Premier League et Championship. La saison dernière, si le Feyenoord ne prend que 25 buts en 34 journées d’Eredivisie – dont 12 sur les 23 premières –, c’est grâce à eux et aux latéraux Karsdorp et Kongolo.
Surtout, cette ligne immuable a fourni une rampe de lancement à un sexy Feyenoord qui plantera 86 pions en championnat, souvent de belle manière, qui permettra à la pointe danoise Nicolai Jorgensen de terminer meilleur buteur. C’est simple : l’année dernière, le Feyenoord n’avait tout bonnement aucun maillon faible dans son onze de départ, l’efficacité de Toornstra en meneur mettant même en péril la place du capitaine Kuyt en fin d’exercice. Seule une profondeur de banc réduite et une inexpérience européenne les ont probablement empêchés d’aller plus loin en Ligue Europa.
Candidat à sa propre succession en championnat, outsider en C1
Nul doute que le Feyenoord aura retenu la leçon. D’ailleurs, si le club a perdu deux de ses pions essentiels – Karsdorp parti à la Roma, Elia à Başakşehir, Kongolo à Monaco, Kuyt chez lui pour une retraite bien méritée – il s’est employé à en préserver d’autres : Berghuis, auteur d’un doublé lors de la dernière journée contre Heracles, a été définitivement transféré ; Toornstra et Vilhena sont restés ; El Ahmadi, meilleur soldat 2016-2017, est passé capitaine. Mieux, le Feyenoord a effectué un recrutement extrêmement intelligent en faisant revenir deux pépites d’Eredivisie perdues en Europe, Kevin Diks et Jean-Paul Boëtius, qui ont déjà amorti leurs coûts, mais aussi en recrutant local – et bon ! – avec Sam Larsson et Jerry St. Juste, deux des meilleurs joueurs du SC Heerenveen, Ridgeciano Haps, transfuge de l’AZ, et Sofyan Amrabat, dernier frisson du FC Utrecht.
Avec un tel effectif, on imagine mal le second album du Feyenoord ne pas finir tout en haut du top 50 néerlandais, voire multiple disque de platine. Jusqu’ici, tout va bien : quatre victoires en quatre matchs. Les panades des clubs concurrents, organisationnelle pour l’Ajax, tactique pour le PSV, ne risquent pas d’entamer ce succès précoce. Mais cette deuxième galette du Feyenoord peut-elle conquérir le marché européen ? Avec beaucoup de courage, c’est possible. Il faudra d’abord battre le Manchester City de Pep Guardiola, ce Despacito – aussi hispanophone, plébiscité, agaçant – du football. Force est de reconnaître que ça ferait du bien à tout le monde. Surtout au Feyenoord.
Par Matthieu Rostac, à Amsterdam