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Feyenoord 2002, un miracle sauce hollandaise

Par Adrien Candau
6 minutes
Feyenoord 2002, un miracle sauce hollandaise

Après une phase de poules de Ligue des champions 2001-2002 décevante, Feyenoord, emmené par un tout jeune Robin van Persie, est reversé en Coupe UEFA. Les hommes de Bert van Marwijk vont y réaliser un parcours ébouriffant, en tapant l’Inter en demies puis en scalpant Dortmund en finale (3-2). De quoi permettre au club de Rotterdam de remporter dans son stade ce qui constitue aujourd’hui le dernier trophée continental du football batave.

Il faut croire que le hasard fait parfois bien les choses. Ce 8 mai 2002, Feyenoord s’apprête à disputer face à Dortmund sa première finale de Coupe d’Europe depuis 28 ans, et Rotterdam est aux premières loges pour assister à l’événement. Merveilleux hasard, le sommet de la Coupe UEFA (C3) se dispute en effet au stade De Kuip, l’antre historique du Feyenoord depuis 1937. Un drôle de dénouement, qui vient conclure une saison aux contours parfois irrationnels. Pour s’en rendre compte, il faut jeter un œil dans le rétroviseur, sept mois plus tôt : initialement qualifié pour la C1, Feyenoord est reversé fin octobre en Coupe UEFA, après avoir terminé troisième d’un groupe de Ligue des champions abordable, où seul le Bayern faisait figure de gros poisson. « On se retrouvait soudainement en 16es de finale de Coupe UEFA, contre Fribourg. Bizarre. En tout cas, je peux vous dire que ça a été une sacrée aventure », raconte le milieu défensif Patrick Paauwe, qui a évolué au Feyenoord de 1998 à 2006 et disputé plus de 280 matchs avec le club rotterdamois.

Van Hooijdonk, l’arme fatale

Cette aventure débute dès les seizièmes de finale, contre Fribourg. Vainqueurs 1-0 à l’aller, les joueurs de Bert van Marwijk bafouillent leur football au retour en encaissant deux buts et sont virtuellement éliminés peu avant l’heure de jeu. Le moment choisi par l’attaquant du club, Pierre van Hooijdonk, pour envoyer un coup franc surpuissant dans la lucarne adverse. Un tir lunaire, le premier d’une implacable série, alors que Feyenoord recolle finalement à 2-2 et se qualifie pour le prochain tour. « L’habileté de Van Hooijdonk sur coup franc a été cruciale pour nous », admet Patrick Paauwe. Adroit, puissant et aérien, l’attaquant international néerlandais inscrira huit buts lors de cette campagne européenne, dont quatre sur phases arrêtées.

C’est encore dans cet exercice que le numéro 9 de Feyenoord s’illustre en huitièmes de finale retour face aux Rangers (1-1 à l’aller), en frappant deux coups francs dans les filets écossais, un match que Feyenoord remportera 3-2. Mais Van Hooijdonk n’est pas le seul gros calibre offensif du club : Feyenoord peut aussi s’appuyer sur sa doublette d’ailiers prodiges, constituée de l’encore tout jeune Robin van Persie à gauche et de Bonaventure Kalou à droite. « De plus, notre autre attaquant, Jon Dahl Tomasson, notre capitaine Paul Bosvelt ou encore mon binôme en défense centrale, Kees van Wonderen, étaient internationaux et évoluaient au club depuis plusieurs années,complète Patrick Paauwe.Avec tout ça, je crois aussi qu’on avait de grosses ressources mentales. »

Duel batave et Inter à terre

Nouvelle démonstration des capacités de résilience des Rotterdamois, ce quart de finale 100% néerlandais face au PSV. Après un match aller équilibré (1-1), c’est le club d’Eindhoven qui mène, 1-0 au retour… jusqu’à la 93e minute. La minute choisie par Van Hooijdonk, encore lui, pour égaliser de la tête. Un pion qui envoie tout le monde en prolongation, avant que Feyenoord ne remporte sur le fil la séance de tirs au but, 5-4. « Ça a peut-être été le match le plus étrange de la compétition, se rappelle Patrick Paauwe. Dans l’équipe d’en face, il y avait Mark van Bommel, qui était le beau-fils de Bert van Marwijk, notre entraîneur. C’est même lui qui a ouvert le score, à la 76e minute. Puis, sur ce qui semblait être la dernière action du match, on récupère la balle et on marque… Ensuite, je me rappelle avoir réussi mon tir au but. Le type après moi, le troisième frappeur du PSV(Giorgi Gakhokidze, NLDR), rate juste après le sien. C’était le tournant de la séance. »

Donc, à la pause, on mène 2-0, à onze contre dix. On était si près du trophée… On y pensait déjà, alors qu’il fallait sortir des vestiaires et faire la même chose qu’en première période.

Le plus dur est encore à venir, car c’est l’Inter de Ronaldo, Vieri, Zanetti, Seedorf et Toldo qui se présente en demi-finales de la compétition. Un énorme client, que les Néerlandais vont aborder en restant fidèles à leurs principes de jeu : « On avait cette volonté de construire un football propre, de derrière, avance Paauwe. D’ailleurs, à la base, je suis milieu de terrain, mais on m’avait fait redescendre d’un cran, en défense centrale, pour accentuer cet aspect-là. » Tout plane d’ailleurs pour Feyenoord, vainqueur 1-0 à l’aller à Milan, à la suite d’un but contre son camp du défenseur Iván Córdoba. « Je pense que l’Inter nous a un peu sous-estimés, poursuit Paauwe. Par exemple, Ronaldo et Seedoorf ne jouaient pas. » Ce ne sera pas le cas au retour, où le Brésilien et l’ex-ailier de l’Ajax figurent bien dans le onze interista. C’est pourtant Feyenoord qui fait sensation, alors que Van Hooijdonk, servi par un centre de Van Persie, ouvre le score, de la tête. Puis Tomasson double la mise, d’un but opportuniste. « Sauf qu’ensuite, l’Inter est revenue à 2-2. Le truc, c’est qu’on ne pouvait pas s’empêcher de penser à la finale, explique Paauwe.Je suis persuadé que si le match avait duré une ou deux minutes de plus, on aurait perdu. »

Une bien étrange finale

Feyenoord tiendra bon, pourtant, décrochant sa première finale de Coupe d’Europe depuis 1974, année où le club avait remporté son unique C3. C’est un autre gros morceau, Dortmund, qui se profile alors. Mais le scénario du match sera bouleversé dès la demi-heure de jeu, quand le capitaine du Borussia, Jürgen Kohler, est expulsé pour avoir découpé Jon Dahl Tomasson dans sa surface. Van Hooijdonk transforme la sentence. Puis marque son inévitable coup franc, d’un tir parfaitement travaillé, aux 20 mètres. « Donc, à la pause, on mène 2-0, à onze contre dix, résume Patrick Paauwe.On était si près du trophée… On y pensait déjà, alors qu’il fallait sortir des vestiaires et faire la même chose qu’en première période. » Mission impossible : Dortmund bénéficie d’un penalty transformé par Amoroso, mais Tomasson inscrit le but du 3-1 trois minutes plus tard. Tout Rotterdam souffle de soulagement. Avant de terminer la rencontre avec la trouille au ventre :« Jan Koller a marqué un but superbe, une demi-volée aux 20 mètres. On en était à 3-2, pour nous… Plein de scénarios nous venaient alors en tête, mais on a tenu. » Feyenoord remporte la seconde C3 de son histoire, dans une atmosphère étrange : « Pim Fortuyn, un homme politique néerlandais, avait été assassiné deux jours plus tôt. Donc on n’avait pas pu célébrer ce titre comme il se doit », regrette Paauwe. Qu’importe, le parcours de Feyenoord aura solidement marqué la mémoire collective batave, alors que, 20 ans plus tard, les Pays-Bas attendent toujours qu’un autre de leurs clubs remonte sur le toit de l’Europe.

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