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- Allemagne/Algérie
Féthi Harek : « Si j’ai envie de supporter l’Algérie, je supporte l’Algérie »
Propos recueillis par Thomas Andrei
Deux sélections et sept saisons à Bastia. Féthi Harek aurait presque plus de chances de figurer en Squadra Corsa que d'avoir fait partie du voyage au Brésil. Ce qui n'empêche pas le latéral gauche de 31 ans de supporter les Fennecs de toute son âme et de croire qu'avec Vahid Halilhodžić, un tir au but de Yacine Brahimi et l'aide de Dieu, cela pourrait passer.
Alors comment tu le sens ce match ?
Ça va être un match très difficile face à cette Allemagne, très puissante, très physique. Mais un match n’est jamais gagné d’avance et on se rend compte qu’à cette Coupe du monde, il y a beaucoup de victoires dans les dernières minutes et on ne sait jamais. On espère !
Tu vas regarder le match où ?
À la maison ! Sans personne, tout seul à la maison, je regarde mes potes jouer et voilà. Sinon, c’est trop la folie. Si je commence à aller au snack du quartier, ce serait n’importe quoi… Tout seul à la maison, posé, tranquillement. Une belle victoire, après une victoire de l’équipe de France, qu’on ait un beau quart de finale.
Comment tu as vécu la phase de poules ? Tu pensais que vous alliez passer ?
On savait que la Belgique était le favori. Après on ne connaissait pas trop la Corée, et on espérait être meilleurs que la Russie. C’était le but, ces huitièmes de finale et on y croyait très fort. Je ne pense pas que ce soit une surprise.
Est-ce la plus belle sélection algérienne que tu aies connue ?
C’est une sélection très disciplinée, qui a du cœur et beaucoup de valeurs. Et certains joueurs, comme Sofiane Feghouli, ont beaucoup de talent et peuvent faire la différence sur un match. Ils veulent continuer l’aventure.
Cette discipline, c’est le fait de Vahid Halilhodžić ?
Oui, il a amené pas mal de rigueur, de concentration. À un moment, la sélection nationale s’était un peu écartée d’objectifs prioritaires comme la Coupe du monde. Là, on peut dire que c’est quand même grâce à lui. C’est la première fois de notre histoire que l’on arrive en huitièmes de finale, donc on ne peut pas le nier.
On le sent aussi un peu plus chaleureux, plus humain que lors de son passage au PSG.
C’est sûr que dans le travail, il est froid. Il a envie de bien faire. J’ai eu l’occasion de le côtoyer au mois d’août, ses séances étaient très longues, on passait beaucoup de temps sur le terrain. Ça fatigue un peu les joueurs, physiquement, mais aussi mentalement. Mais aujourd’hui, on se rend compte qu’avec l’Algérie, ça paie. C’était nécessaire d’avoir une telle rigueur de travail pour atteindre de tels objectifs.
Tu pensais pouvoir y aller au Mondial ?
Non pas trop. Je n’étais pas concerné directement, j’ai toujours été réserviste. Puis il y a beaucoup de jeunes qui arrivent et qui sont très forts, qui jouent dans de grands championnats européens et c’est l’avenir. C’est important qu’ils soient là aujourd’hui, pour qu’ils prennent de la valeur pour qu’on arrive à garder une même dynamique sur les grandes compétitions. Moi, à 31 ans, 32 ans, aller à la Coupe du monde ce n’était pas trop un objectif. Je n’ai pas trop côtoyé la sélection ces dernières années.
Tactiquement, tu le jouerais comment, ce match ?
Le problème, c’est que contre la Belgique, on a été très défensifs et ça ne nous a pas réussi sur la fin. On a perdu beaucoup de plumes en courant après le ballon. Alors que les derniers matchs, en essayant de garder le ballon, de jouer, ça nous a permis de se qualifier. Donc je pense qu’il ne faut pas avoir la peur au ventre, on n’a aucune crainte à avoir et je pense qu’aujourd’hui, il faut aller de l’avant, marquer des buts. C’est ce qu’on a envie de voir. Et si on doit en prendre, on n’aura aucun regret, parce qu’on sait qu’en face, c’est l’Allemagne.
Le titulaire à ton poste, c’est Faouzi Ghoulam. Tu trouves qu’il fait un bon tournoi ?
Pour le premier match contre la Belgique, on avait un schéma de jeu très défensif. Contrairement à lui, son jeu est très offensif. Il a joué le premier match, puis le coach a mis Mesbah. On ne va pas parler d’individualités, c’est un collectif, qui a permis de ne pas prendre beaucoup de buts, et d’en marquer énormément. On n’est pas loin d’être dans les meilleures attaques ! Ce qui est pas mal pour une équipe africaine.
Islam Slimani a débuté le Mondial sur le banc, tu penses qu’il devrait être titulaire face à l’Allemagne ?
Je pense qu’avec l’apport offensif qu’il a amené sur les derniers matchs, oui. Puis l’apport physique, parce qu’on va avoir des grands gaillards avec l’Allemagne, donc il va falloir le mettre. Il va falloir un peu de taille pour rivaliser avec la défense allemande et Slimani en est capable.
On est accompagnés de Dieu, quoi qu’il arrive pendant le ramadan
Ce huitième de finale intervient au début du ramadan. À quel point cela peut jouer ?
C’est sûr que les organismes sont un peu plus fatigués, on le voit ne serait-ce nous quand on s’entraîne à Bastia. Alors pour un match officiel, un match en Coupe du monde, ça peut jouer. On est faibles peut-être physiquement, mais ça nous donne une force mentale que les autres n’ont pas. On est accompagnés de Dieu, quoi qu’il arrive pendant le ramadan et c’est ça notre force mentale par rapport aux autres et il ne faut pas l’oublier.
Et tu as vu jouer l’Allemagne ? C’est le favori pour le titre ?
C’est un des grands prétendants à la victoire finale. On connaît l’Allemagne. Ensuite le favori, je ne sais pas. J’ai vu jouer l’équipe de France qui est belle à voir jouer, c’est agréable, j’aime bien ce qu’ils font en ce moment. Il y a une bonne ambiance aussi. Je préférerais que ce soit la France qui gagne que l’Allemagne…
Si l’Algérie rencontre la France, tu seras pour qui ?
Ah l’Algérie ! Impossible. J’ai des amis dans toute la sélection, l’inverse est impossible.
Tu as pensé quoi de cette polémique sur les Algériens qui fêtent la victoire de leur sélection dans toutes les villes de France ?
C’est vrai qu’on entend beaucoup de choses, on voit beaucoup de choses. Je pense que dans tout ce qu’il se passe, il y a des Algériens, mais il y a aussi d’autres personnes qui profitent de ce moment-là et qui font de mauvaises choses. Évidemment, ce n’est pas bien de brûler des voitures, de casser, et il faudrait rester dans le calme après le match de ce soir. Quoi qu’il arrive. Mais je pense qu’il y a des Algériens, mais aussi des groupes de casseurs, comme dans toute manifestation, qu’elle soit politique ou autre. Il y a toujours des gens qui sont là pour foutre la merde et il faut que ces gens-là arrêtent de trouver des excuses pour foutre leur merde dans ces moments-là. C’est dommage.
Puis les supporters algériens sont probablement juste plus passionnés que ceux de la France.
Ah ça, y a pas de souci ! Notre joie après un match est moins condensée, plus expressive. Mais casser des voitures ou brûler des choses, c’est inadmissible d’en arriver là. Oui, on a le droit d’exploser, d’être content, d’être heureux et de le montrer. Mais il faut rester dans le calme, ça reste du sport et du foot.
Dans ce cadre-là, Le Point a fait un sondage intitulé « Faut-il retirer aux Français d’origine algérienne leur double nationalité ? » Qu’en penses-tu ?
Mais on n’a plus aucune liberté d’expression ? On n’a plus le droit de rien faire ? Je pense que c’est une grosse connerie. Aujourd’hui, on n’a pas le droit de sortir des sentiers battus. On n’est pas des robots, on fait ce qu’on veut. Si l’Algérie ou la Corée du Nord est l’équipe que j’ai envie de supporter, je supporte qui je veux. Personne ne va venir me dire que je dois supporter l’équipe de France ou autre, c’est de la grosse connerie. C’est des gens qui viennent des extrêmes qui commencent à raconter des conneries. Et qui récupère ce genre de choses pour en faire n’importe quoi. Aujourd’hui, si j’ai envie de supporter l’équipe de France, je supporte l’équipe de France, si j’ai envie de supporter l’Algérie, je supporte l’Algérie et si j’ai envie de supporter le Brésil… « Braziiil ! » Personne ne me dira le contraire.
Tu vas sortir klaxonner si vous gagnez ?
(Rires). Non, je ne suis pas comme ça ! Ma joie est très contenue. Et même si c’est une défaite, ce n’est pas grave. Je suis déjà content d’en être arrivé là.
C’est quoi ton pronostic ?
C’est compliqué, c’est compliqué… Je pense qu’on est capables d’aller aux pénaltys. Un bon petit nul, et aux pénaltys. Un dernier de Brahimi, et toute la France explose !
Propos recueillis par Thomas Andrei
