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Fernando Santos, un ingénieur pour rebâtir
Onze jours après l'éviction du mal-aimé Paulo Bento, la Fédération portugaise a présenté son nouveau sélectionneur, Fernando Santos. Récent huitième finaliste de la Coupe du monde avec la Grèce, l'ingénieur de formation a pour particularité d'avoir entraîné les trois grands au Portugal. Et d'avoir été nommé alors qu'il doit purger une lourde suspension.
Le Brésil a eu Sócrates, « o doutor » (le docteur). Au Portugal, il y a désormais Fernando Santos « o engenheiro » (l’ingénieur). L’entraîneur de tous les grands clubs portugais et grecs vient d’être nommé sélectionneur du Portugal, deux mois après avoir atteint les huitièmes de finale de la Coupe du monde avec la Grèce et seulement dix jours après que la FPF a décidé de se débarrasser de l’impopulaire Paulo Bento. Pourquoi l’ingénieur ? Car en même temps qu’il embrassait une modeste carrière de footballeur professionnel (formé à Benfica, il a évolué à Maritimo et Estoril), le futur sexagénaire suivait des études d’ingénieur sur lesquelles il s’était appuyé pour assurer son avenir post-football. Quand il s’est assis sur le banc d’Estoril-Praia à 33 ans, celui que les supporters grecs ont affectueusement élu « entraîneur de la première décennie du XXIe siècle » ne se voyait pas continuer dans le foot éternellement. D’ailleurs, s’il a fini par diriger les canaris lisboètes pendant sept longues années, les premières saisons de son mandat se sont faites en alternance avec… un CDI de chef de la manutention dans le prestigieux hôtel Palacio d’Estoril (on vous laisse deviner quel boulot était le mieux rémunéré), où il se voyait bien gravir les échelons et obtenir un poste à la hauteur de ses qualifications.
Puis les années ont passées, l’ingénieur est devenu entraîneur. Il quitte Estoril pour le petit club d’Estrela de Amadora, qu’il mène à la septième place en première division portugaise (la performance n’a dès lors jamais été égalée) avant de s’installer sur le banc du FC Porto, lui le Benfiquista de formation. Il mène les Dragons au « pentacampeonato » (cinquième championnat d’affilée) en 1998-1999 et gagne un surnom : l’ingénieur du « Penta » avant d’être remercié deux ans plus tard après deux échecs en Superliga derrière le Sporting et Boavista. Malgré des passages au Sporting (où il « vend » Ricardo Quaresma et Cristiano Ronaldo) et Benfica, c’est donc bien en Grèce qu’il s’affirme et conquiert le cœur des supporters, que ce soient ceux de l’AEK, du PAOK ou de la sélection hellène. Il a accompli la mission « succéder à Otto Rehhagel » avec les honneurs et rentre à présent au pays avec un objectif : redorer le blason de sa sélection et laver l’affront que constituent ses derniers passages au Portugal.
Place aux jeunes
Quand, au cours de son premier discours en tant que sélectionneur lusitanien, Fernando Santos parle de « l’honneur que représente le fait d’endosser ce costume » et de « la félicité qu’il apporte dans sa vie » , il ne le fait pas seulement pour la forme. La manière dont s’est terminée sa dernière expérience d’entraîneur au Portugal – à Benfica, donc – le laisse encore sur sa faim. Mieux, il a éveillé en lui un sentiment de revanche. Compréhensible lorsqu’on sait que le bonhomme a été limogé du club après une saison et quelques matchs alors qu’il était invaincu depuis 22 rencontres. Cette revanche, il la prendra néanmoins loin de son banc de touche, lui qui a été suspendu pendant huit matchs par la FIFA (pour avoir « à plusieurs reprises fait preuve d’un comportement antisportif à l’égard des officiels » pendant le match Grèce-Costa Rica). Ilidio Vale, entraîneur des U20 portugais et finaliste de la Coupe du monde de la catégorie en 2011, prendra sa place au bord des terrains européens en attendant la fin de la suspension de l’ingénieur, à laquelle la FPF fera certainement appel dans les prochaines semaines. Fernando Gomes, son président, se défend du curieux choix de nommer un homme suspendu à la tête d’une équipe en crise en mettant en avant les convergences d’idées entre les deux parties sur la direction « que doit prendre le projet de la Selecção » , à savoir l’intégration de jeunes joueurs ayant brillé chez les U20 et U21 dans une équipe qui conservera quelques cadres. Lancer des jeunes au milieu de vieux briscards, Fernando Santos connaît. C’est d’ailleurs cette formule qui lui a permis d’obtenir de bons résultats avec le Hellas.
Entraîneur défensif ou tacticien hors pair ?
Parmi les jeunes qui ont le plus de chances d’émerger sous la tutelle du nouveau sélectionneur, on relève Bruma, Raphaël Guerreiro, Carlos Mané ou encore le Lillois Marcos Lopes (ce dernier étant un cas épineux, puisque le Brésil n’a pas abandonné l’idée de le convoquer). Pour le reste, rien ne dit que les « classiques » de la team Jorge Mendes (Ivan Cavaleiro, Ruben Vezo et compagnie) ne réapparaîtront pas. La seule chose que l’on sait, c’est qu’il y aura sans doute des bizuts parmi les 23 convoqués qui affronteront l’équipe de France le mois prochain. Ce que l’on sait également, c’est que pour la première fois depuis bien longtemps, la Selecção sera dirigée par un fin tacticien, pour ne pas dire un amoureux de la défense. Depuis le début de la carrière de Santos, la grande majorité des équipes qu’il a dirigées n’ont jamais atteint le ratio d’un but encaissé par match (0,8 en moyenne). Pendant la Coupe du monde, l’ingénieur s’était défendu d’être un technicien aux idéologies défensives en soulignant le fait qu’il ne disposait pas « d’un Neymar ou d’un Messi » dans son effectif. Au Portugal, il aura Cristiano Ronaldo, Nani et une bonne poignée de joueurs capables de faire la différence. Si l’on suit sa punchline du dernier Mondial, la Selecção das Quinas ne jouera pas comme la Grèce. Mais avec un peu de chance, elle sera cohérente dans son placement et son pressing. Et avec encore plus de chance, elle arrêtera de prendre des buts gags sur contre-attaque et réussira à battre des équipes classées au-delà de la 60e place au classement FIFA. Dans l’immédiat, Fernando Santos devra surtout bâtir une équipe capable de rivaliser avec la France et de ramener les trois points du Danemark. Car sa mission première reste de qualifier le Portugal pour l’Euro 2016. Pour le moment, c’est mal barré.
Par William Pereira