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Fernando Santos, l’homme qui a mis tout le monde d’accord
Critiqué pour son jeu défensif par la presse française, Fernando Santos a réussi son premier pari : redonner l’espoir au peuple portugais de remporter son premier trophée après la finale perdue de 2004. Arrivé en sélection par la petite porte, il en repartira peut-être comme une légende.
À l’heure où la langue de bois est plus que jamais de rigueur, il y a un discours durant cet Euro qui fait du bien. Celui d’un sélectionneur à la gueule de baron et aux bijoux de famille en titane. Pas celui de Didier Deschamps, vous l’aurez bien compris, mais celui de son adversaire de ce dimanche soir, Fernando Santos. Sans fanfaronner façon Mourinho, « l’ingénieur » a le même aplomb quand il parle en public et n’a jamais peur de dire ce qu’il pense et surtout ce qu’il ambitionne : « Les personnes pensent que je suis fou, mais je veux aller en finale et la gagner. » On est alors en 2015, le Portugal vient d’obtenir son billet pour l’Euro tranquillement, mais sans réellement briller. Bis repetita il y a 3 semaines, lorsqu’après un match nul déconcertant contre l’Autriche, il répète alors cette même ambition : « Je ne retournerai au Portugal que le 11 et je serai reçu en fête. » Et là encore, beaucoup le prenaient pour un fou. « C’était déjà le même en début de carrière. Un très bon coach et une excellente personne, se remémore Pedro Borreicho, ancien joueur d’Estoril, là où Santos a fait ses premières armes dans le début des années 90. Sa force réside dans sa capacité à créer des groupes très unis. Il transmet énormément de confiance à ses joueurs en leur donnant un maximum de liberté et de responsabilités. »
De has been à héros
Arrivé en 2014 à la tête de sélection, sa nomination avait pas mal surpris le grand public. Après le fiasco brésilien de la Selecção de Paulo Bento, les supporters espéraient plutôt voir Jorge Jesus, Villas-Boas, voire même ce bon vieux José. Il faut dire que la dernière pige de Santos avec un grand club portugais, Benfica, n’a vraiment pas marqué les esprits. De quoi réduire drastiquement son crédit acquis à Porto où il avait gagné cinq titres entre 1998 et 2001. Et ce n’est pas son retour en Grèce, malgré son bon parcours en tant que sélectionneur, qui changeait quoi que ce soit. Au final, seuls ses confrères semblaient se réjouir de la nouvelle : « Celui qui a choisi Fernando Santos est à féliciter. C’est une option de premier choix, c’est l’homme qu’il faut pour diriger la sélection » , claironnait alors Manuel Machado, coach du Nacional Madère. Paulo Fonseca, alors coach de Paços Ferreira, partageait la même euphorie : « C’est un choix unanime parmi les techniciens portugais, et naturellement, je me joins à eux. » Depuis, les Lusitaniens ont revu leur jugement. En même temps, difficile de trouver quelque chose à redire, quand un coach aligne 13 parties sans défaite en matchs officiels depuis sa prise de fonction en septembre 2014.
Depuis qu’il a pris les rênes de la Selecção, le Portugal ne pratique certes pas un jeu spectaculaire, mais il a eu le mérite de remporter tous ses matchs de qualification permettant ainsi au Portugal de se qualifier directement à l’Euro sans passer par les barrages, fait rare sur les dernières années. Alors oui, Santos a gagné son premier match officiel par deux buts d’écart contre le pays de Galles lors de la demi-finale de l’Euro 2016, mais « l’ingénieur » est pragmatique et veut gagner quels que soient le score et la manière. On est loin du Portugal champagne de 2006 avec Figo, Deco, Ronaldo, Pauleta et consorts, mais les supporters portugais ont tous adhéré au projet de Santos au fur et à mesure que les victoires s’empilaient. La presse portugaise, contrairement à ses collègues français, ne critique pas non plus le jeu pratiqué par la Selecção.
La réussite du 1-0
Et pour réussir à convaincre les joueurs de spectacle que sont Ronaldo, Quaresma ou Nani qu’il faut surtout bien défendre avant d’attaquer, un respect et une confiance absolue au coach sont nécessaires. Fernando Santos a donc réussi à inculquer ses idées à ses joueurs comme le montrent tous leurs passages derrière les micros, comme celui où Nani déclare : « Nous avons un objectif et pour l’atteindre, s’il faut oublier de bien jouer, nous le ferons. » Cette communion entre les joueurs et leur sélectionneur n’étonne pas Éric Rabesandratana qui a côtoyé Santos une saison à l’AEK Athènes en 2001-2002 : « Même s’il est assez fermé quand il est sur le banc, dans l’intimité d’un vestiaire, il communique plus. C’est un entraîneur qui aime ses joueurs, il fait un peu bourru comme ça, mais c’est quelqu’un d’attachant et de passionné. Et puis même s’il râle, il fait énormément confiance à ses joueurs. »
Son arrivée à la tête du Portugal a permis aussi à de nombreux jeunes d’avoir l’opportunité de jouer avec la Selecção comme João Mario, Renato Sanches ou encore Raphaël Guerreiro, trois joueurs qui seront probablement titulaire ce dimanche en finale. Il a aussi fait confiance à des joueurs plus expérimentés qui ne faisaient pas partie des plans de son prédécesseur Paulo Bento comme Ricardo Carvalho ou Ricardo Quaresma. Cette confiance accordée aux jeunes tout en se servant de l’expérience des plus anciens a permis au Portugal de remporter des victoires importantes comme contre l’Argentine ou l’Italie en amical. Certes sur un énième 1 à 0, mais le Portugal s’en accommodera bien si le score se répète contre leur bête noire française, ce dimanche soir, en finale de l’Euro 2016.
Par Alexandre De Castro et Steven Oliveira