Fernando Morientes qui entraîne au stade Fernando Torres, c’est une belle coïncidence…
Lui est colchonero et moi madridista, mais nous avons également été coéquipier en sélection espagnole. J’ai un grand respect et une profonde admiration pour le joueur et, surtout, la personne qu’il est. Je vais essayer de rendre honneur à son nom durant toute la saison.
Pourquoi s’être lancé dans la carrière d’entraîneur ?
En prenant les commandes d’une équipe première, je souhaite mettre en pratique les concepts que j’ai pu acquérir lors de ma carrière de joueur et de mon passage chez les Juveniles du Real Madrid. L’objectif est de pouvoir mélanger la pédagogie et le besoin de résultats. Comme presque tous mes collègues, mon but est de mettre en place une philosophie de jeu qui gagne. Cet été, Fuenlabrada m’a donné l’opportunité de devenir l’entraîneur de son équipe. C’est un premier pas dans le monde professionnel. Et franchement, ce n’est pas le plus facile, surtout dans cette catégorie de Segunda B où toutes les équipes se valent.
Avant cela, tu étais donc chez les U-19 du Real. Pourquoi commencer par les jeunes ?
Le changement qu’implique de passer de joueur à entraîneur est grand, vraiment grand. À mon avis, commencer par prendre en main de jeunes joueurs te permet de revenir à la base du football. Chez les jeunes, l’importance du résultat est moins grande, même au Real Madrid. Il faut avoir un rôle très pédagogue, se mettre dans la peau d’un professeur. Tu mets des notes, mais, avant tout, tu dois faire apprendre des concepts à tes élèves. Cette étape avec les jeunes du Real m’a vraiment plu, alors j’ai voulu franchir le pas et prendre en main une équipe première d’un club professionnel. Surtout qu’ici, j’ai un groupe très jeune, dont quelques anciens de la Fabrica.
À l’inverse des Guardiola, Luis Enrique ou Zidane qui ont pris en main une filiale, tu as choisi Fuenlabrada. Pourquoi ?
Car je voulais vraiment prendre en main une équipe première. Entraîner une équipe réserve implique que tu es constamment soumis aux aléas des A. Un joueur se blesse dans l’équipe première, elle vient te piquer un élément. C’est normal, c’est le jeu. Mais je souhaitais avoir toutes les cartes en main pour diriger mon équipe, ne pas être soumis à des circonstances que je ne peux maîtriser.
Pour revenir à cette catégorie qu’est la Segunda B, elle semble vraiment très serrée. Toutes les équipes peuvent faire jeu égal…
(Il coupe) Mis à part Barakaldo et le Castilla, toutes les équipes se tiennent en quelques points. Une victoire te place parmi les prétendants à la montée, tandis qu’une défaite te met dans la charrette… Cela met une sacrée pression chaque week-end et c’est assez plaisant. Le gros problème de cette catégorie, c’est surtout l’aspect économique. Les clubs ont du mal à boucler leurs budgets. En soi, ce n’est pas un domaine qui touche mes compétences dans le club. Mais Fuenlabrada n’étant pas le Real, tu es rapidement mêlé à tout.
Que découvres-tu à Fuenlabrada qui t’était jusqu’à présent inconnu ?
Le club est très familial. C’est déjà un sacré changement par rapport au Real, à Liverpool, à Valence… Ici, j’ai tout sous la main. Et puis je connais tout le monde, du jardinier en passant par l’intendant ou les bénévoles. Cette proximité est rassurante, elle me tranquillise puisque je sais que je peux compter sur tout le monde. Et eux savent qu’ils peuvent compter sur moi. Il y a une réciprocité dans les échanges qui est beaucoup moins présente dans les grands clubs que j’ai pu connaître. Par exemple, au Real, je connaissais le président, les dirigeants de la direction, les entraîneurs et c’est presque tout. Ce n’est pas parce que je ne voulais pas, mais il y a tellement de salariés que tu te perds.
Et avec le public, la relation est également différente ?
Ici, ils ont accès directement aux entraînements. Cela veut tout dire. Regarde, juste avant que l’on commence cette interview, deux supportrices sont venus devant les vestiaires pour me demander un autographe. Je crois que, depuis que j’ai intégré le Real Madrid, je n’ai jamais vécu ça. C’est un vrai bol d’air frais, cela permet de renouer avec le football de verdad.
Qu’est-ce qui t’a le plus surpris lors de ton arrivée ici ?
Franchement, le stade. Je ne m’attendais pas du tout à ça. Les installations nous permettent de travailler dans de parfaites conditions. Nous avons ce stade avec cette belle tribune mais aussi un terrain d’entraînement qui appartient au club. Et puis il y a du monde qui vient ici, ce qui n’est pas le cas de toutes les équipes de Segunda B.
Avant de commencer l’interview, tu donnais ta conférence de presse d’avant-match. En quoi ta relation avec les médias a-t-elle changé depuis que tu es entraîneur ?
Il a presque changé du tout au tout. Lorsque tu es joueur et que tu te retrouves face à la presse, tu parles presque toujours de ton rendement individuel ou de choses personnelles. Le collectif n’est au final que peu abordé dans les questions. Désormais, mon discours est beaucoup plus analytique et moins plan-plan qu’avant. Il faut que je tente de convaincre les journaliste que j’ai face à moi. Du coup, mes conférences de presse se transforment rapidement en conversation.
C’est un bon apprentissage avant de, peut-être un jour, prendre en main une équipe de Liga…
(Il coupe) Pour le moment, je ne concentre que sur l’instant T. Je ne me fais pas de plan sur la comète, je ne m’imagine pas sur un banc de première division. Non, je profite du moment. C’est ma première expérience à la tête d’un équipe professionnelle et je souhaite exclusivement me concentrer dessus. Je pense être un jeune entraîneur, je n’ai même pas 40 ans… (rires)
Mais, un entraîneur peut également avoir une ambition personnelle.
Certes, mais quand j’étais joueur, mon ambition était quotidienne, j’essayais de ne pas me projeter. Quand je jouais à Saragosse, je savais qu’en faisant de bonnes performances, je pourrais attirer un grand club. Quand je m’entrainais bien avec le Real Madrid, je savais que j’aurais l’opportunité de jouer le week-end. Et si je jouais bien le week-end, je savais que j’aurais des chances d’être sélectionné avec la sélection… Il ne faut jamais griller les étapes car c’est comme cela que les plus grosses déconvenues te tombe dessus. En tant qu’entraîneur, je fonctionne de la même manière.
En entamant ta carrière à Fuenlabrada, tu renoues, comme tu l’as dit, avec le football « de verdad » . Cela t’avait manqué ?
Oh que oui… C’est sans doute le plus important dans le football, ce côté populaire, accessible. Même si le club est très bien structuré, cela n’a rien à voir avec les entreprises que sont le Real, le Barça ou n’importe quel autre club de Liga. Sauf le Rayo de mon ami Paco, peut-être. Ici, je suis au courant de tout, je dois gérer des situations qu’avant je ne soupçonnais même pas. De fait, je suis toujours en alerte.
Depuis que tu es sur le banc de touche, ta définition de l’entraîneur a changé ?
Quand tu es joueur, tu ne vois qu’une partie infime du travail d’entraîneur. Dès mon premier jour avec ce nouveau statut, ma définition a changé. Il y a tout le temps des problèmes, petits ou gros, qui surgissent. Et il faut rapidement trouver une solution viable sous peine qu’un petit pépin en devienne un gros.
Tout à l’heure, tu disais vouloir mélanger pédagogie et obligation de résultat. Pourtant, en Espagne, de nombreux entraîneurs sont bien plus « extrémistes » que ça. Ton ami Paco Jémez par exemple…
Il est difficile de faire plus intransigeant que Paco sur le style de jeu (rires). Pour ma part, je préfère être proche du joueur pour les comprendre au mieux. C’est ce que je leur ai dit dès mon arrivée : « J’ai été joueur avant d’entraîner, je connais bien les situations que vous pouvez vivre » . J’ai joué, je n’ai pas joué, j’ai été convoqué, pas convoqué… J’essaye de me mettre de leur côté pour pouvoir prévenir un problème plutôt que de le guérir. Ce qui ne veut pas dire que je n’ai pas envie de mettre en place une vraie identité de jeu. Chaque jour, j’essaye de leur inculquer à travers des exercices l’idée que je me fais du jeu.
Tu serais donc plus de l’école de ceux qui s’adaptent à leurs adversaires ?
Je ne sais pas, mais c’est en tout cas ce que je fais depuis que je suis à la tête de Fuenlabrada. Je suis novice dans cette profession, alors j’essaye d’apprendre des erreurs que j’ai pu connaître depuis le début de saison. Aujourd’hui, je m’adapte plus aux qualités de mes joueurs ou au collectif qui se trouve face à nous. Ce qui ne veut pas dire que je n’ai pas ma méthode, hein.
Tu as connu de nombreux grands entraîneurs durant ta carrière de joueur. Tu en as gardé un modèle ?
Pas vraiment puisque je n’ai pas eu de « guide » . J’ai eu la chance d’être sous les ordres de grands coachs, ce serait compliqué de n’en garder qu’un. Je préfère piocher des caractéristiques de chacun d’entre eux et utiliser celles que j’ai préféré. Pour en revenir à ta question précédente, je ne suis pas un fou de la philosophie de jeu. Si je pouvais ressembler à l’un des entraîneurs que j’ai eu, ce serait peut-être Vicente del Bosque. Mais j’ai appris autant de choses avec Benítez, Deschamps…
En parlant de grands entraîneurs, les techniciens espagnols sont très à la mode dans le football mondial…
Cela montre que le football espagnol ne s’est pas trompé en optant pour le jeu. Aujourd’hui, de nombreux grands clubs sont à la recherche d’un technicien espagnol. Pour moi, c’est avant tout grâce aux succès de la sélection espagnole. Si demain, l’Angleterre ou l’Italie remportent l’Euro, l’entraîneur anglais ou italien sera à la mode. Par définition, la mode est faite pour changer. Mais si les coachs espagnols sont si bien considérés, c’est grâce à la génération de joueurs incroyable que nous avons eu. Sans eux, les succès de la Roja ou du Barça n’auraient sans doute pas existés.
À Fuenlabrada, le métier d’entraîneur se limite-t-il au simple terrain ?
Dans mon cas, c’est évident que mon rôle n’est pas simplement sportif. Je suis un ancien joueur assez connu et, que je le veuille ou non, j’ai un devoir d’exemplarité encore plus important. Ce rôle social ne me gêne pas, au contraire j’essaye de faire avec naturellement.
Et le terrain, il ne te manque pas trop ?
Oh si.. C’est vraiment compliqué de regarder le match depuis le banc de touche, sans pouvoir intervenir. Un joueur de football n’est jamais à la retraite. Pour moi, ça a été le plus compliqué à gérer au début. Quand tu es joueur, tu as la possibilité de changer le cours d’un match alors que l’entraîneur peut avoir un discours béton, faire des choix tactiques, décider de tel ou tel changement, il ne maîtrisera jamais tout. Il faut se faire une raison et accepter de ne pas pouvoir tout maîtriser. Et si le ballon me manque trop, je mets une chasuble et je participe aux matchs durant les entraînements.
Être entraîneur correspond à une nouvelle vie ou l’extension de ta vie de footballeur ?
J’aime à l’imaginer comme une extension. Au final, mes journées restent rythmées par le football, par la vie dans le vestiaire, par les entraînements, par les matchs… Bien entendu, le point de vue est différent, mon rôle également, mais le quotidien ne varie pas trop. Et l’envie de gagner reste toujours aussi présente.
Ce quotidien, c’est ce qui t’a le plus manqué quand tu as pris ta retraite ?
La première année loin des terrains était vraiment agréable. Tu découvres la tranquillité, tu peux profiter de ta famille, tu découvres plein de choses dont tu ne pouvais pas profiter avant. Mais cette première année passée, tes journées te semblent ensuite vides. Certains essayent de changer de monde, de découvrir une autre vie, moi je n’ai pas pu. Après avoir dédié tant d’années à ce sport, je me suis rendu compte que je ne savais pas faire grand-chose d’autre. Le choix de poursuivre l’aventure avec le football était évident.
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