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Fernandão, l’histoire d’un malentendu

Par Romain Canuti, à Marseille
5 minutes
Fernandão, l’histoire d’un malentendu

Le choc, ce week-end : Fernandão, l'ancien joueur de l'OM et Toulouse, a disparu tragiquement dans un accident d'hélicoptère. Il avait 36 ans. Il laisse derrière lui l'histoire d'un attaquant un peu lourd qui ne devait disputer qu'un match en Ligue 1 avant de régaler en qualité de milieu de terrain...

Plus encore que le refrain de la disparition « à la Balavoine » , il est une chose qui agace particulièrement ceux qui ont été marqués d’une façon ou d’une autre par le passage de Fernandão en France, et qui s’étaient attachés au joueur : Fernandão, disparu tragiquement ce week-end à 36 ans, est depuis présenté par la presse hexagonale comme un attaquant bon de la tête, qui a perdu sa place à l’OM avec l’arrivée de Drogba. Un cliché qui en dit long sur ce joueur qui n’était pas vraiment ce qu’il était censé être. Ou ce qu’on voulait qu’il soit. On ne peut pas comprendre la carrière de Fernandão juste en s’attardant sur sa fiche Wikipédia : trois ans en France, un titre de champion du monde des clubs et une sélection en équipe du Brésil. On ne va pas se mentir, Fernandão n’était pas non plus devenu un phénomène, sinon il serait revenu en Europe, comme Thiago Silva par exemple. Mais tout de même, dans un club aussi divisé que l’OM, voir un mec faire autant l’unanimité de son vivant est assez rare.

Un maillot floqué « Lúcio Barbosa »

Pourtant, quand il débarque en Ligue 1, en 2001, on ne donne pas cher de sa peau. Il ne devait rester qu’un match, pour tout dire. À l’époque, Marseille vit le deuxième passage de Bernard Tapie. Pour ceux qui ne s’en souviennent pas, c’est 50 mouvements en une seule année, avec une préférence pour les mecs qui quadruplent leur valeur le temps d’une halte en Suisse… Pour son premier match, on attend que le duo qu’il forme avec son compatriote Dill fasse aussi mal que la paire Aloísio-Alex qui s’était éclatée à Saint-Étienne deux ans auparavant. « En fait, les dirigeants voulaient faire signer un autre attaquant brésilien. Mais il y a un problème de commission, donc c’est finalement lui qui débarque » , se souvient un ancien salarié du club. Son premier match se joue à Lens, Marseille perd et il porte un maillot floqué « Lúcio Barbosa » . Il a la gueule de Requin dans James Bond et semble sacrément maladroit. Le « Boss » assure qu’il va refourguer ça au plus vite au Servette Genève. Surprise, Fernandão comprend : « C’est dur d’être jugé sur un match, mais à Marseille, il faut des résultats, c’est comme ça. » Et finalement, Fernandão reste au club. Il marque trois petits buts sur la saison, mais commence à se faire apprécier du groupe. « Il avait très rapidement appris à parler français et dans l’effectif, à l’inverse d’André Luiz qui était pénible, lui était quelqu’un avec qui il était très agréable de travailler » , se rappelle Albert Emon, qui reprend les rênes de l’équipe à partir du mois de décembre, dans La Provence.

La saison suivante, c’est Alain Perrin qui déboule sur le banc de l’OM. Le club ne peut recruter que sous le contrôle de la DNCG, et il faut compter les euros pour arracher Fabio Celestini à Troyes et Pascal Johansen à Strasbourg. Autant dire que les fans n’attendent pas grand-chose de la saison. Mais une rumeur parcourt les bistrots : paraîtrait que le grand Fernandão, là, serait méconnaissable, un vrai diable. « Au début, on n’y a pas cru, avoue Christophe, supporter du Virage Sud. On se disait qu’il se laissait pousser les cheveux pour avoir la coupe à Maradona, mais que ça n’allait pas suffire. » Dès les matchs de pré-saison, Perrin l’aligne en numéro 10. Et effectivement, métamorphose il y a. Le joueur est en fait un bon technicien. Pas rapide, mais toujours habile pour mettre ses partenaires dans les meilleures dispositions. Victoire contre Monaco et Bordeaux, nuls de très haut niveau contre Lyon et Auxerre, c’est par le jeu que cet OM lance sa saison, en partie grâce à son nouveau meneur, homme providentiel dans un 5-2-3 où les partenaires d’attaque se nomment Cyril Chapuis, Lamine Sakho ou encore Ibrahima Bakayoko… En mars, les Phocéens reçoivent le PSG en position de leader. À la neuvième minute, Heinze enfonce le crâne du géant lors d’un duel de la tête. Fernandão sort sur civière. Le début de la fin pour l’OM, qui perd le match 3-0 et finit sur la dernière marche du podium. Pire, à son retour, Fernandão ne retrouvera pas son niveau.

Le sauveur de Toulouse

C’est peut-être aussi parce qu’il en prend conscience avant tout le monde qu’Alain Perrin change du tout au tout à l’intersaison avec la qualification en Ligue des champions : recrutements de Drogba et Mido, mais surtout passage en 4-4-2. « On était content de voir autant de joueurs signer à l’OM, mais on était content de voir que Fernandão n’était pas oublié. C’est bête, mais le voir prendre le numéro 10, c’était un beau symbole » poursuit Christophe. Le problème, c’est que Fernandão ne trouve plus sa place dans cette équipe. Trop lent pour être milieu offensif exilé sur un côté, pas assez travailleur pour être aligné au milieu dans l’axe, pas assez explosif pour jouer devant, il joue numéro 6 pour le premier match à Guingamp, puis disparaît peu à peu de l’équipe. Au mercato, Anigo le prête dès son intronisation à Toulouse, bien ancré dans la zone de relégation. Avec lui, le TFC prend 27 points sur la phase retour et se sauve. Avec en point d’orgue la réception de Marseille pour l’avant-dernière journée. « C’était le match juste avant la finale de l’UEFA contre Valence. Autant dire que c’était la réserve qui jouait. Les mecs au Havre, à la lutte avec Toulouse pour le maintien, gueulaient, mais on n’en avait rien à foutre. Nous, ce qu’on voulait, c’était voir Fernandão offrir le maintien à Toulouse, explique le supporter olympien. Il ne fallait pas toucher à notre Brésilien. Même quand à Monaco, ils appelaient Morientes « Nando », ça nous énervait. Il n’y en avait qu’un et c’était le nôtre. » Bien sûr, « Nando » égalise avant qu’un autre brésilien, Eduardo offre le maintien à Toulouse, condamnant ainsi le Havre. Fernandão quitte, quelques semaines plus tard, la Ligue 1 dans la pure tradition de l’OM, c’est-à-dire poussé par les dirigeants, sans rapporter un euro dans les caisses du club. Mais à la différence de nombreux autres, il laisse un super souvenir derrière lui, emportant dans ses valises une photo de chaque employé du club. Il était comme ça, « Nando » .

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