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Ferland Mendy, légitime défenseur
Ferland Mendy fait rarement l’unanimité. Pourtant, le latéral gauche s’est installé comme un titulaire indiscutable au Real Madrid. Un paradoxe, pour un joueur en manque de reconnaissance, mais dont la légitimité n’est plus à prouver.
Effet domino. Si la qualification du Real Madrid en finale de la Ligue des champions devait s’inscrire dans une explication imagée, cette réaction en chaîne en serait assurément une idéale illustration. Et pour cause, à la 87e minute d’une demi-finale vouée à sourire à un Manchester City menant alors 0-1, Ferland Mendy s’est mué en sauveur, sortant sur la ligne le ballon du break de Jack Grealish. Un tacle crucial venu offrir une ultime respiration au contingent merengue avant la suite que l’on connaît. Dans ce geste, passé inaperçu et au résultat importantissime, on retrouve ainsi la trajectoire de Mendy : un joueur fiable, au diapason sur le terrain, mais rarement plébiscité en dehors.
Le figurant
Il faut dire qu’à sa signature au Real Madrid, Ferland Mendy a dû s’accommoder de cette étiquette d’homme de l’ombre. Auteur de deux saisons pleines à l’Olympique lyonnais, dont un exercice 2018-2019 solide (44 matchs disputés, son plus haut total en carrière), le Meulanais rejoignait en effet la Maison-Blanche dans un relatif anonymat. Élu par Zinédine Zidane et chargé de succéder à l’immense, mais déclinant Marcelo, l’ancien du HAC se jetait, dès lors, dans le grand bain. Intégré d’entrée au dispositif de Zizou, le latéral n’a finalement pas tardé à montrer ses qualités, porté par une assise défensive et des projections rapides sur les phases de contres.
Une balance positive, malheureusement nuancée par un corps trop souvent sujet aux blessures (33 rencontres manquées depuis son arrivée à Madrid, 271 jours au total) et par des lacunes (manque de précision sur les centres, difficulté à gérer la pression sur certaines rencontres), rapidement devenues prétexte à des critiques récurrentes. Moins épargné que d’autres, Mendy a donc appris à jouer en retrait, en se fiant à ses bases. Ces mêmes fondements qui lui ont permis de gagner la confiance de ses coachs, lui qui dispute une moyenne de 30 matchs par saison depuis l’été 2019 : « Il ne me surprend pas, posait Zidane, alors encore sur le banc madrilène. C’est un joueur mature, qui a vite compris ce qu’on lui demandait : il est d’abord défenseur, mais il devient un quatrième attaquant sur les phases offensives. C’est pour cela qu’il est avec nous. En revanche, et je le dis aujourd’hui, il faut simplement arrêter de le comparer à Marcelo. » Car dans la vague de reproches faits à Mendy, les comparaisons avec son homologue brésilien ont souvent été un catalyseur surfait, loin de la réalité exposée par son rendement sportif.
En attendant DD
En présence du Français, cette saison, le Real Madrid engrange effectivement un pourcentage de victoires s’élevant à 75% (25 succès en 34 matchs, dont 23 en tant que titulaire pour seulement 4 défaites et 4 nuls). Des données auxquelles s’ajoutent également un fait rare au sein du club : sur 48 buts encaissés et parmi les 8 défenseurs titularisés par Carlo Ancelotti (Alaba, Militão, Nacho, Marcelo, Vallejo, Lucas Vázquez, Miguel Gutiérrez et Mendy), seules deux réalisations sont venues de la zone de Ferland Mendy, à savoir celles de Sergio Agüero lors du Clásico aller et de Riyad Mahrez à Santiago Bernabéu. Viabilité dans l’arrière-garde et apport indéniable aux avant-postes, en témoigne sa complicité sur l’aile avec Vinícius Júnior, premier relais de Karim Benzema. En tableau mathématique, cela aboutit à 1386 passes réalisées dans le camp adverse (90% de réussite), soit le plus haut total pour un défenseur en Liga.
Les statistiques répondent ainsi présent, au même titre que le contenu proposé sur la pelouse. Visiblement, pas assez au goût de Didier Deschamps. Il faut dire qu’au même titre que cette déconsidération générale, la situation de Ferland Mendy en sélection interroge. À bientôt 27 ans, difficile en effet de voir un titulaire du Real Madrid se contenter de sept petites capes sous le maillot bleu. Longtemps éloigné de Clairefontaine en raison de pépins physiques mineurs, mais répétitifs (lui faisant notamment manquer l’Euro), l’Yvelinois a fini par sortir des plans de DD, lequel s’est contenté d’explications succinctes à ce sujet : « Concernant Ferland Mendy, je connais ses capacités et sais qu’il joue avec le Real Madrid. C’est avant tout un arrière gauche. De par ce qu’ont réalisé avec nous Lucas Digne et Lucas Hernández, il est logique qu’ils soient là. Au poste de latéral gauche, il y a beaucoup de joueurs. Je ne vais pas en prendre 3 ou 4. Si c’est pour ne pas les utiliser, je préfère prendre davantage d’éléments offensifs afin d’avoir plusieurs options. »
Le fameux argument du « vécu » en sélection, difficilement réfutable pour Mendy, avec l’émergence de Theo Hernández, et compte tenu de la hiérarchie désormais établie par Deschamps. Discret, celui que Marca décrit comme « un titulaire silencieux » a donc l’occasion d’inverser la tendance dès samedi face à Liverpool, pour délaisser son ombre et briller au milieu des sceptiques.
Par Adel Bentaha