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« Fergie, c’est la Reine »
Même si tous les Anglais ont dit avoir été pris de court, ils ont réussi à pondre en une journée des suppléments d'une dizaine de pages rien que pour Sir Alex Ferguson. 32 même pour le Manchester Evening News. Quant au Sun, il a même résumé tout ça avec un sèche-cheveux sur sa Une. Bye SAF !
Choc au royaume. Tous les journaux du jour mettent Ferguson en Une. « Adieu Fergie » pour le Times et le Guardian, « Le plus grand manager britannique arrête à 71 ans » pour le Daily Telegraph, « Maintenant, place à Lord Fergie ? » pour le Daily Mail, « le Sèche-Cheveux » avec une épitaphe 1986-2013 pour le Sun tandis que l’Independent préfère une Une plus détachée : « Le football, bordel… 80 millions de livres en action envolées à l’annonce de la fin du Fergie Time. » Tous les journaux envoient de la page, du supplément. 20 pages pour le Guardian, 16 pages dans le Daily Mail et le Telegraph, 32 pages pour le local Manchester Evening News, 12 pages en rab dans le Times et l’Independent et évidemment l’édition souvenir du Sun avec 18 pages rien que pour Fergie. Comme pour Thatcher. Mais quoi, il est mort, Ferguson ? C’est l’impression donnée en Grande-Bretagne. Mais le Guardian remet l’évènement dans le contexte britannique : « Les hommages rendus hier reflètent la tristesse que la plupart des gens ressentent, non parce que c’est le départ d’un grand entraîneur. Mais c’est le départ du dernier des leurs : le manager old-school » , écrit le Guardian. Méthode old-school toujours, le Sun croit même savoir que Ferguson a délibérément choisi ce moment pour « faire de l’ombre au discours de la Reine » et « à l’annonce du plan de la Coalition » .
Pour la presse anglaise, c’est sûr, le remplaçant s’appelle David Moyes. Le Manchester Evening News colle Moyes et Ferguson en Une « L’heure est venue » , un « Bienvenue » en dernière page avec les photos de Fellaini, Baines, Moyes et Wayne Rooney. Le titre « Pourquoi Moyes est le successeur parfait » remplit les pages intérieures. L’Independent a déjà ciblé les 5 chantiers de Moyes, pas encore nommé : « Le cas Wayne Rooney, la culture « Ferguson » du club, le milieu de terrain, sa crédibilité, se détacher de Sir Alex, qui l’a fait roi » . Le Daily Mail précise quand même que David Moyes « est taillé pour le même costume » , même si « le jeu ne sera plus jamais le même » . Le Daily Telegraph ne coupe pas les cheveux en 4 : « L’élu » montrant Sir Alex et David Moyes en pleine poignée de main. Le monde du football britannique a déferlé sur toutes les pages et pris sa plume : Redknapp écrit dans le Sun ( « Il était old-school, dix minutes avant le match, il pouvait apparaître et te dire « Une petite tasse de thé ? »Et tu te retrouvais dans son bureau » ), Steve Bruce dans le Daily Mail ( « Je ne suis jamais arrivé une seule fois à l’entraînement avant lui » ), Bobby Charlton dans l’Independent. ( « Sir Matt Busby disait que son successeur devait être un grand homme. Alex a été le plus grand » ), David Gill dans le Times ( « On a loué un avion privé tous les deux pour rencontrer Cristiano Ronaldo, en 2006, dans une villa au Portugal, pour convaincre Cristiano de rentrer » après une embrouille avec Wayne Rooney).
C’est surtout la peur du manque qui domine sur toutes les pages. Si évidemment tous ses exploits sportifs, son goût pour le cheval, ses racines, le vin et le jeu garnissent nombre de colonnes, le Daily Telegraph pose des mots sur le sentiment général par ce titre « Comment la vie sera maintenant qu’il est parti ? » Surtout pour les « moins de 30 ans qui entrent dans l’inconnu. (…) Si vous avez moins de 60 ans, vous ne connaissez qu’un seul monarque : celui joué de façon si convaincante à l’écran par Helen Mirren, la Reine Elizabeth II, bien moins convaincante en réalité. Si vous avez moins de 30 ans cependant, Fergie est votre Reine. (…) Tout le monde sait qu’un jour le Prince Charles sera roi, mais c’est toujours impossible de s’imaginer à quoi ça va ressembler. » Un patron, Sir Alex. Et oui, plus qu’un héritage laissé, une empreinte sur le jeu anglais, son adaptation à tous les changements extra-sportifs du football moderne, Ferguson donne aujourd’hui la peur du vide à toute une ville, tout un pays, pour ne pas dire une île. Le choc est d’autant plus flagrant que le timing de cette retraite n’est pas si surprenante que cela, comme s’amuse à le décrire le Guardian : « Busby termina son règne à Old Trafford à 62 ans. Shankly a quitté Liverpool à 60. Paisley est resté à Anfield jusqu’à 64. Clough, 58. Ferguson a 71 ans, un pacemaker et une hanche à remplacer dans le calendrier. Et pourtant, la première réaction reste proche de l’incrédulité, mais dans un sens aussi, de l’émerveillement. » Dernière preuve que l’Angleterre en voulait encore un peu ? La chaîne de restos sud’af Nando’s a décidé de fermer ses portes 5 minutes plus tard hier soir pour ses clients : ils ont appelé ça le Fergie Time.
Par Ronan Boscher, à Manchester