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Felipe Melo dit du bonheur
Arrivé sur un pont d’or à la Juventus en 2009, Felipe Melo est parti en seconde classe au Galatasaray cet été. Un prêt pour oublier les insultes, les défaites et les déceptions, en club comme en sélection. Depuis, il est comme le symbole d’un Galatasaray revanchard. Explications.
Retour trois ans en arrière. Felipe Melo est la grosse hype du mercato 2009. Après une saison pleine avec la Fiorentina, des apparitions remarquées en Ligue des champions, il signe pour 25 millions d’euros à la Juve, en pleine démarche d’intronisation de football samba. Plutôt casseur de jambe, il faut imaginer Melo dans un autre registre. En Toscane, il était le n°6 aboyeur, mordeur de tibias. La panoplie de sa jeunesse d’attaquant, on ne la connaît pas des masses en Italie. Et si ça a marché un an dans un effectif résolument offensif, la Juve se veut plus cynique. On lui demande d’évoluer sur les mêmes bases, en milieu défensif seul devant la défense. Melo s’exécute. Mais après des débuts prometteurs, le voilà épris de doutes, incapable de supporter la pression imposée par une grande équipe déclinante.
Une fin de saison poussive, un statut de délinquant acquis sur les terrains et un titre de « Bidon d’or » plus tard, il s’envole pour l’Afrique du Sud disputer la coupe du Monde. Associé à Gilberto Silva en milieu déf, il réalise des matchs sérieux. Jusqu’à un quart de finale contre les Pays-Bas. Après une belle passedé à Robinho, il marque contre son camp et prend un rouge. Le Brésil est éliminé, Melo devient l’ennemi public numéro un. Logiquement banni, il revient à Turin plus déprimé encore. Et semble vouloir répéter le modèle de son dernier match avec la Seleção sur une saison complète : bien que meilleur sur le terrain, ses performances sont masquées par des rouges, des coups de gueules. Symbole de sa frustration, une agression injustifiée sur Paci, défenseur de Parme. Sans doute le geste qui marquera la rupture définitive avec ses dirigeants. Détesté par les tifosi de la Juve qui voient en lui l’une des plus grosses arnaques de l’histoire du club, il est poussé vers la sortie. Experts en accueil de cas désespérés, la Turquie et le Galatasaray lui tendent les bras.
Comme une odeur de iench
Peut-être que si les joueurs délaissés réussissent à se refaire une santé en Turquie, c’est parce les supporters ne sont pas trop regardants au niveau de leur passé. Ou ne retiennent que les grandes lignes. « Quand on a appris qu’il venait en Turquie, les gens étaient très surpris. Parce qu’il était, déjà, un joueur de l’équipe nationale du Brésil. Et il avait joué la dernière Coupe du monde. Donc les gens ont pensé que c’était un bon joueur bien qu’ils ne savaient pas beaucoup de choses de lui » , résume Hakan Atesler, éditeur du site sportif turc fanatik.tr. Ce dernier débarque avec des convictions : couvert de nouveaux tatouages religieux en fidèle athlète du Christ qu’il est, il choisit le numéro 10. Signe providentiel ? En tout cas, le milieu de terrain confirme la pensée turque. Plus en confiance et bien coaché par un Fatih Terim fana d’attaque et de redoublements à tout va, il prend du plaisir, avec plus de liberté sur le terrain. Associé à Selçuk Inan au milieu, les deux acolytes se relayent joyeusement vers l’avant. Le résultat ne tarde pas à se faire ressentir. Des passes, des gestes techniques qu’on ne lui soupçonnait plus, des frappes chirurgicales et des buts importants. Comme cette sublime lulu de 35 mètres contre Samsunsport, ou sa dernière réalisation il y a deux semaines de cela, qui offre la victoire à Galatasaray face à l’ennemi Beşiktaş (3-2). Sous la houlette du Brésilien, le club sang et or compte quasiment 10 points d’avance sur le second Fenerbahçe et file droit vers un titre de champion qui lui échappe depuis 4 saisons. Ça a du bon, le bidon.
En plus, le type aboyeur tant décrié semble avoir fait évoluer son style. Plus calme, il n’a pris aucun rouge cette saison. Mais il est resté très démonstratif sur le terrain. Alors quand Felipe célèbre ses buts en imitant un chien nerveux reniflant le sol, le surnom de « pitbull » lui est attribué par un public en adoration. « C’est un joueur d’émotion, comme le peuple turc. Les Turcs adorent et détestent les joueurs démonstratifs, et ne pensent rien des gens froids… Par exemple quand il va rater un but très simple, il va se tourner vers le public et démontrer sa colère, en rajouter, et ça, ça plaît » continue Hakan. Propos confirmés par la banche française du groupe de supporters ultrAslan : « De par sa combativité, ainsi que sa dévotion, il est très apprécié ici. Du fait de ses qualités et du fait qu’il ne rechigne pas devant l’effort, il a montré beaucoup plus que la grande majorité des joueurs de ces dernières années. »
Alors si l’aventure turque lui réussit bien, le club devrait lever l’option d’achat à 13 millions. « L’option reste assez élevée, et c’est ce qui fait réfléchir aujourd’hui. Mais nous espérons bien sûr qu’il reste, il souhaite vraiment s’investir chez nous. Lui et sa famille sont très heureux à Istanbul, donc de son côté rien ne s’oppose à ce qu’il reste. Preuve qu’il se sent bien au club, il s’est fait tatouer sur le bras un Lion, symbole de Galatasaray » , résume Selahattin Kaya, responsable de ultAslan Fransa. La seule chose que Melo ne veut pas, c’est retourner à Turin. « Je ne reviendrai jamais. Ça a été deux ans pesants pour moi et ma famille. Je serai toujours reconnaissant envers la Juve pour l’opportunité mais mon cycle est terminé là-bas » assure le joueur dans une interview récente à TuttoMercatoWeb. Concernant l’avenir, Melo n’a qu’une certitude : « Je jouerai le mondial 2014 à la maison, c’est une promesse que j’ai faite à Dieu » , et pas mal d’espérances : « Jouer au Real, à Manchester United ou au Milan AC » . La croyance a du bon. En attendant, Felipe fait le chien. Ce n’est pas la Juve qui ramassera la crotte. Elle n’en est plus une, visiblement.
Par Alexandre Pauwels