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Fekir, le maillot de l’indécence
Scandaleux Nabil Fekir qui provoque, nargue, attise les haines, tout en disant respecter une certaine idée du football. Comme si un « derby » était une excuse à son ânerie et à sa bassesse. Une attitude impardonnable, mais tristement cautionnée.
Comme c’est intelligent. Gagner 4-0 chez une équipe rivale, marquer un cinquième but en fin de match, puis « célébrer » en agitant son maillot devant les supporters adverses. Un geste applaudi par les partisans d’un football bête et méchant, déconnecté des réalités, et qui voudrait imposer à la terre entière la loi du plus crétin. Le tout en réservant évidemment une pluie d’insultes à qui tenterait d’émettre une voix un tantinet discordante, et à ceux qui n’ont pu s’empêcher d’éprouver une certaine gêne devant cet acte honteux. Le plus écœurant, c’est que Fekir n’est pas allé chatouiller n’importe quel public. Sa célébration stupide, il est allé la faire devant le virage Sud de Geoffroy-Guichard, stade dont on sait qu’il accueille depuis des années le plus beau public de France, et qui est le théâtre de scènes qu’on aimerait voir plus souvent dans le monde du football. Avec son hymne endiablé Qui c’est les plus forts, c’est les Verts, ses clappings chaleureux et ses applaudissements nourris, Geoffroy-Guichard est un temple de la bonne humeur qui doit être respecté. En outre, les supporters de ce club que les habitués aiment appeler « Sainté » sont pour la plupart d’anciens mineurs ayant travaillé dur toute leur vie dans les terribles bassins houillers de la région. Qu’un jeune arrogant comme Nabil Fekir, qui n’a jamais rien fait de sa vie à part être payé des millions pour taper dans un ballon, vienne narguer ces modèles de bravoure est donc d’autant plus scandaleux.
Respect et éthique
Comme un symbole, pour retirer son maillot et le présenter tristement au public, Nabil Fekir a dû se défaire du brassard de capitaine qu’il portait au bras et le poser par terre. Ce même brassard qui était censé faire de lui le garant moral de son équipe, qui devait faire peser sur ses épaules le lourd poids de la responsabilité, celui qui est régulièrement barré du mot « Respect » dans les compétitions internationales. Ce brassard, Fekir s’en est débarrassé pour se dévêtir, mais aussi et surtout parce qu’il ne le méritait pas. À l’heure où les manques de respect faits aux femmes sont en train d’être dénoncés aux quatre coins du monde, la « Fekir attitude » ne passe plus. Le respect se doit aux femmes, il se doit aussi aux autres de façon générale. D’ailleurs, on peut même se demander ce qui pousse une équipe qui mène déjà 3 ou 4-0 à continuer à marquer des buts. Pour quoi faire ? Pour être sûr de bien humilier l’adversaire ? Pour montrer qu’on est bien en train de l’écraser sous son talon ? Énième manifestation d’une société patriarcale dans laquelle ceux qui offensent le plus veulent faire croire qu’ils ont tout compris, la petite cérémonie de Fekir est à classer dans les gestes qu’on ne veut plus voir. Et même qu’on ne doit plus voir. Saisie à juste titre, la Commission d’éthique de la LFP va se pencher sur son cas et Fekir aura à s’expliquer devant elle. Petit conseil amical : lui rappeler avant qu’il ne s’y présente la définition du terme « éthique » . Ou bien simplement la lui apprendre, car il y a fort à parier qu’il n’a jamais entendu parler de cette notion.
Humilité et bêtise
Comme à son habitude, l’excellent Stéphane Guy a eu à chaud la même réaction en commentant le match en direct. Un simple « Ça, c’est pas bien. Ça vaut vraiment pas le coup de faire ça » complété par un pertinent « Il faut savoir gagner avec humilité » d’Éric Carrière ont suffi à souligner le ridicule de la situation. Car le métier de journaliste, c’est aussi ça. Dénoncer avec élégance des agissements minables, et dénoncer au public l’impunité dont certains se croient drapés. D’Élise Lucet face aux dirigeants sans âme de Lidl à la cabine de Canal+, le journalisme de combat reste le même. Plonger la plume dans la plaie n’est jamais tâche aisée, alors il s’agit de féliciter ceux qui osent encore le faire. Les supporters, eux, n’ont ni tribune médiatique, ni micro branché pour exprimer leur désarroi face à la bêtise humaine. Alors, à Saint-Étienne, ils l’ont fait en descendant sur le terrain, comme une profession outragée descend dans la rue pour manifester son mécontentement. La cohue a rapidement été maîtrisée par les forces de l’ordre, et la vision de ces dizaines d’hommes en uniforme bataillant pour contenir les fans des Verts nous a rappelé à quel point il était dingue de voir autant de policiers dans un stade, quand on sait à quel point ils seraient utiles ailleurs. Sans le geste de Fekir, ces agents auraient pu aider une femme à retrouver ceux qui lui ont volé son sac, ou empêcher un délinquant de commettre un délit. Mais bon, le Lyonnais doit certainement penser que le concept d’aide au citoyen est surfait. L’habit fait le moine, paraît-il. En retirant le sien, Fekir a en tout cas prouvé qu’il n’avait rien d’un saint.
Par Jean-Michel Moralisateur