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« Feed the Scousers » : quel intérêt à se moquer de la pauvreté ?

Par Quentin Ballue
«<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Feed the Scousers<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>» : quel intérêt à se moquer de la pauvreté ?

La rengaine revient inlassablement pendant les fêtes depuis les années Margaret Thatcher, encore douloureusement associées à la souffrance et au chômage dans le Merseyside. Plus de trois décennies ont passé. La Dame de fer s'en est allée. Mais le chant « Feed the Scousers », lui, est bien resté, au même titre que le fameux « You’ll Never Get a Job », autre « classique » du répertoire de certains fans quand ils croisent Liverpool ou Everton. Une manière pas très classe de se payer un adversaire quand on sait que l'ensemble du Royaume-Uni est concerné par une crise alimentaire.

20/01/2022 à 20h45
Carabao Cup
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Dimanche 2 janvier, Stamford Bridge. Chelsea reçoit Liverpool pour le blockbuster du jour en Premier League. Trois minutes à peine au chronomètre, quand une partie des supporters des Blues entonne un refrain désormais familier à cette époque de l’année : « Feed the Scousers, let them know it’s Christmas time ». Ce qui donne dans la langue de Molière : « Nourrissez les Scousers, faites-leur savoir que c’est Noël ». Le tout sur l’air de « Do They Know It’s Christmas » , chanson écrite en 1984 pour récolter des fonds en faveur de la lutte contre la famine en Éthiopie. Un chant déjà poussé par les supporters de Leicester le 22 décembre à Anfield, à l’occasion d’un quart de finale de Carabao Cup, puis six jours plus tard au King Power Stadium. Pas très élégant, et encore moins intelligent. Rien de nouveau sous le timide soleil anglais, où la capitale du Merseyside est régulièrement moquée. Y compris sur le sujet de la pauvreté.

Manger, ceinture serrée

Le rapport 2019 du ministère du Logement, des Communautés et du Gouvernement local place Liverpool parmi les villes britanniques souffrant le plus de la pauvreté, en se basant sur le revenu, l’emploi, la santé, l’éducation, le logement, l’environnement et les crimes. Près de la moitié des quartiers de Liverpool sont considérés comme « très démunis » (48,7%), situant la ville juste derrière Middlesbrough (48,8%). Le gouvernement estime aussi que 23,5% de la population y vit dans un foyer défavorisé sur le plan du revenu. Seules Middlesbrough (25,1%), Knowsley (25,1%) et Blackpool (24,7%) font tristement pire. En janvier 2013, le maire de l’époque Joe Anderson a d’ailleurs mis en place un groupe d’action sur la lutte contre la pauvreté, dont fait partie l’alliance alimentaire Feeding Liverpool.

La pauvreté touche tous les groupes d’âge, cela va des familles dont les enfants bénéficient de repas scolaires gratuits jusqu’aux retraités.

« La pauvreté touche tous les groupes d’âge, cela va des familles dont les enfants bénéficient de repas scolaires gratuits jusqu’aux retraités », insiste Naomi Maynard, à la tête de ce réseau rassemblant une multitude d’acteurs impliqués dans la lutte contre la faim et l’insécurité alimentaire. « Environ 40 % des utilisateurs des banques alimentaires travaillent et connaissent la pauvreté au travail, poursuit-elle. C’est accentué par les contrats à zéro heure et les employeurs qui ne paient pas le salaire réel de subsistance(fixé à 11,05 livres sterling à Londres et à 9,90 livres dans le reste du pays par la Living Wage Foundation, alors que le salaire minimum légal est de 8,91 livres, NDLR). Nous voulons vivre dans une ville où tout le monde peut manger de la bonne nourriture. » Un tiers des adultes serait en situation d’insécurité alimentaire à Liverpool, d’où le lancement d’un Good Food Plan par la municipalité en 2021.

Les supporters se sont aussi engagés puisque la banque alimentaire Fans Supporting Foodbanks, cocréée par des fans des Toffees et des Reds, a lancé la campagne Right to Food en novembre 2020. Le but : inscrire dans la loi le droit à la nourriture. « Les Evertonians et les Liverpudlians se retrouvent dans l’adversité, confie Dave Kelly, cofondateur de l’organisation. Liverpool compte certains des quartiers les plus défavorisées du pays économiquement et socialement, donc en 2015, nous avons décidé de nous attaquer à la pauvreté. Il faut mettre l’insécurité alimentaire et la pauvreté alimentaire à l’agenda politique. Ces douze derniers mois, nous avons nourri plus de 40 000 personnes. Ça remplirait Goodison Park. » Un problème loin d’être localisé, en témoigne l’investissement de Marcus Rashford en la matière pour que les enfants défavorisés aient accès à des repas gratuits.

Ce qui se passe dans les rues de Liverpool arrive aussi dans les rues de Leicester et de toutes les autres grandes villes du pays, il y a une crise humanitaire.

Le bal des ignorants

Dans ce contexte, entendre des milliers de voix reprendre « Feed the Scousers » a logiquement hérissé quelques poils. « Ça arrive tous les ans avant Noël, mais là, c’est bien pire quand on voit que presque tout le stade de Leicester le chantait, se désole Dave Kelly, alors que 41% des enfants de Leicester vivent dans la pauvreté et que le recours aux banques alimentaires y a aussi explosé. C’est un signe d’ignorance. Ce qui se passe dans les rues de Liverpool arrive aussi dans les rues de Leicester et de toutes les autres grandes villes du pays, il y a une crise humanitaire. Personne ne devrait ressentir la faim. C’est un crime que des enfants s’endorment en ayant faim dans notre pays. J’espère que les ignorants qui chantent « Feed the Scousers » s’éduqueront un jour pour comprendre la réalité. »

Un désarroi d’autant plus grand que la crise sanitaire a aggravé les choses, comme l’exprime Naomi Maynard : « Beaucoup de gens étaient déjà en difficulté, et la pandémie a créé des pressions supplémentaires, faisant apparaître des niveaux d’insécurité alimentaire sans précédent. Lorsque j’entends « Feed the Scousers », je suis en colère. Certains disent que ce n’est que pour rire des fans de Liverpool et d’Everton. Mais il n’y a rien de drôle à ce que des gens se couchent le ventre vide, à ce que des grands-parents sautent des repas pour nourrir leurs petits-enfants, ou à ce que des gens ne puissent pas se payer une alimentation saine. Qu’y a-t-il de drôle à ce que 2,5 millions de personnes au Royaume-Uni aient recours à une banque alimentaire en 2020 et 2021 ? » En cinq ans, l’activité des banques alimentaires a augmenté de 128% outre-Manche. L’occasion de rappeler que la faim ne porte les couleurs d’aucune ville ou d’aucun club.

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Par Quentin Ballue

Tous propos recueillis par QB.
Photos : Fans Supporting Foodbanks / Spirit of Shankly / Feeding Liverpool.

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