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Federico Chiesa, le chemin du père
À dix-neuf ans, Federico Chiesa s’impose progressivement dans le onze type de la Fiorentina. Un club qui a contribué à construire la légende de son illustre paternel Enrico Chiesa, neuf et demi à l’ancienne au pied droit soyeux. Alors, pour être sûr de marcher dans les traces de papa, le fiston a tout fait comme il faut. Avec simplicité et discrétion, afin de ne pas se laisser submerger par les attentes liées à son nom.
Certains bons élèves ont la gueule de l’emploi. Avec sa tronche de premier de la classe, sa bonne éducation et son corps vierge de tout tatouage, Federico Chiesa est de ceux-là. Un ensemble harmonieux cultivé sous l’influence bienveillante de son père, Enrico. Mais n’allez surtout pas prendre le fils Chiesa pour un enfant star, dont le destin semblait tracé dès le départ. Loin du cliché du fils prodige, le gamin a connu sa part de difficultés pour percer au plus haut niveau. Et a dû attendre son heure pour sortir du lot.
Pas un prédestiné
Pour s’en rendre compte, il suffit de jeter un œil à la réaction de Federico le 21 janvier dernier, alors qu’il vient de marquer face au Chievo le premier but de sa jeune carrière professionnelle. Dès que le cuir frôle les filets adverses, l’ailier tombe à genoux sur la pelouse et enfouit son visage dans ses mains pour contenir son émotion. Un geste spontané, presque candide, en forme de premier aboutissement pour un joueur qui a fait bien plus que miser sur son nom pour atteindre les hautes sphères du football italien.
Dans ses jeunes années, le talent de Chiesa lui permet d’intégrer les équipes juniors de la Fiorentina, mais il semble alors insuffisant pour lui donner l’espoir de s’entraîner un jour avec le groupe professionnel. « En fait, chez les jeunes, je ne jouais quasiment jamais dans ma catégorie d’âge, on m’envoyait quasi invariablement chez ceux nés en 1998 » , explique ce natif de 1997, qui, encore aujourd’hui, semble doté d’un physique un peu fluet pour un footeux de haut niveau (1 mètre 75, 70 kilos). Il faudra finalement que son entraîneur de l’époque passe d’une formation en 4-4-2 à un 4-3-3 plus propice à exploiter ses qualités d’ailier pour le voir émerger. Il intègre ainsi la Primavera, puis l’équipe première de la Fiorentina cette saison, où il gagne progressivement sa place de titulaire. Le tout dans son style, sans faire de bruit sur le terrain comme en dehors, restant fidèle à l’éducation cinq étoiles que le padrelui a prodiguée.
The good son
Si la réussite de Federico Chiesa n’a jamais été un acquis, le jeune homme a cependant parfaitement conscience de rester un privilégié. « J’ai eu la chance d’avoir des parents qui m’ont laissé tenter de devenir footballeur tout en me donnant la possibilité d’avoir des alternatives en cas d’échec. » Dès son plus jeune âge, il intègre l’école internationale de Florence, où il acquiert une maîtrise parfaite de l’anglais. Avant de poursuivre ses études supérieures à l’université alors même que son avenir de footballeur professionnel semble désormais assuré : « J’étudie les sciences de la motricité, je voulais comprendre comment mon corps marche précisément… Mais je songe à changer de cursus pour la chimie. J’aime les sciences. L’étude du microcosme comme du macrocosme. Si je n’avais pas été joueur, j’aurais bien aimé être physicien. »
Papa modèle
Toux ceux qui ont côtoyé le père et le fils Chiesa le disent : Enrico est le premier conseiller vers lequel se tourne Federico, mais le père se garde bien de vouloir piloter la carrière sportive de son fils. Si le fils Chiesa explique ne pas avoir d’agent, son père l’ayant aidé à négocier sa prolongation de contrat, il précise que ce dernier s’attache surtout à lui donner des conseils comportementaux, avec les arbitres et ses coéquipiers. « Mais il n’entre jamais avec moi dans les considérations techniques » nuance-t-il. « Il a une famille loin d’être intrusive. Ils n’ont jamais eu un mot plus haut que l’autre, je ne les ai jamais entendus dire : « C’est mon fils, laissez-le jouer » » , confirme Maurizio Romei, un des formateurs de Federico.
Une humilité et une discrétion qui ont pu permettre au jeune Chiesa de se construire en étant relativement préservé des attentes médiatiques, une chance que de nombreux fils d’ex grands joueurs, de Jordi Cruyff à Maradona Junior, n’ont jamais pu avoir. De quoi également lui donner la possibilité de se construire son propre style de jeu sur les terrains et de se démarquer de celui de son père, technicien surdoué dont les coups de pied arrêtés et les frappes chirurgicales ont notamment fait les beaux jours de Parme et de la Fiorentina.
Aux flamboyances techniques du paternel, le fils répond par une activité incessante sur l’aile où il cumule les allers-retours offensifs comme défensifs, un sens aiguisé du collectif et une vraie vitesse d’exécution balle au pied. Un profil finalement plus proche de l’ailier travailleur que de celui d’un petit prodige. Et qui pourrait bien lui permettre de devenir un élément essentiel de la formation viola. Ce dimanche, Federico sera opposé à Giovanni Simeone, le fils de Diego, qui évolue au Genoa. Un adversaire avec qui il partage sans doute une aspiration commune : s’inspirer du beau chemin parcouru par papa tout en traçant soi-même sa route.
Par Adrien Candau
Propos de Federico Chiesa et Maurizio Romei issus de la Gazzetta dello Sport, Sky Sport et la Repubblica