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Federico Baschirotto, le tracteur X de Lecce
Taulier de la défense de Lecce, Federico Baschirotto est devenu l’une des références à son poste en Serie A. La recette ? Rien d’autre que le travail, valeur qu’il a développée durant son enfance, entre les bottes de foin et les vaches. Une preuve qu’être footballeur et agriculteur, c’est possible.
Samedi 13 août 2022. Pour la première journée de Serie A, Lecce reçoit l’Inter. Malgré la défaite (1-2), les Salentini font bonne impression. Un homme en particulier, dont le visage ne semble pas inconnu des suiveurs aguerris du championnat italien : Federico Baschirotto. Alors âgé de 26 printemps, le colosse parvient à mettre en grande difficulté le duo milanais Lautaro-Lukaku. « On l’avait mis titulaire dans ce match un peu dans l’urgence, et il a tout de suite explosé. Avec mon staff, on a tout de suite compris », se remémorait en mai dernier son entraîneur Marco Baroni, dans un entretien accordé à la Gazzetta dello Sport. Pas vraiment prévu au casting, lui qui devait simplement jouer un rôle de remplaçant, Baschirotto délivre ensuite une saison XXL (37 matchs joués, dans la compétition) qui est logiquement récompensée par une convocation avec la Nazionale. « J’ai eu du mal à y croire, mais quand je l’ai appris, j’ai pleuré », se rappelle-t-il, Kleenex prêt à être dégainé. En l’espace de cinq ans, le bonhomme est tout simplement passé de la quatrième division transalpine à la sélection. Pas mal pour un fils de paysan, non ?
Chievo, nettoyage de tomates et Udogie
Loin des stades de première division, c’est à la ferme familiale « Baschirotto Farm » située à Nogara (à une trentaine de kilomètres au sud de Vérone) que Federico Baschirotto se sent le mieux. « J’ai toujours baigné entre les deux mondes. Dès huit ans, je venais aider mon père ici à la ferme avec mes frères. C’était souvent rude et fatigant, heureusement que mes frères étaient là pour me faire rire : le temps passait plus vite ! », se souvient Federico. Comme près de 920 000 Italiens et Italiennes, l’ancien collègue de Samuel Umtiti grandit dans un milieu agricole. Néanmoins, si aider son père est quelque chose qu’il apprécie, ce foutu ballon rond prend de plus en plus de place dans sa vie. « En parallèle de la ferme, j’ai commencé à jouer au football dès l’âge de 5 ans. Puis, la passion n’a fait qu’augmenter. Donc forcément, je passais un peu moins de temps à la ferme », explique Frédéric l’ambitieux. « Je me souviens d’un moment lorsqu’on devait nettoyer les tomates. On rêvassait et on s’imaginait devenir célèbre, lui avec le football », rembobine son fratello Francesco, de cinq ans son cadet. Sous la tunique rouge et blanc de Nogara, le jeune Federico impressionne. Notamment le Chievo, qui décide de l’intégrer à son centre de formation. À 13 balais, le fils de paysan multiplie les allers-retours entre la ferme familiale et Vérone. Un trajet quotidien et harassant, d’une durée de deux heures.
Sauf que l’expérience tourne court, Federico n’étant pas conservé. « Quand j’intègre le Chievo, je me dis que c’est bon et que j’ai atteint mon objectif. Mais à la fin de l’année, ils ne m’ont pas gardé, et je pleurais dans ma chambre. Mes parents essayaient de me consoler, mais c’était vraiment difficile », se souvient Federico. Retour à la case départ, comme dirait l’autre. Pas pour longtemps, puisqu’à 16 ans, il est repéré par Legnago. Un club de Serie D, dans lequel il devient le patron de la défense. Baschirotto découvre par la même occasion le football semi-pro et travaille donc à côté en tant qu’éducateur auprès de préadolescents (notamment un certain Destiny Udogie, international italien tout frais). Reste qu’entre les parties de Uno et celles de football sur le terrain stabilisé derrière l’église, Fede ne perd pas son objectif de vue : la Serie A. « Federico est un combattant, il s’entraînait énormément. Même lorsqu’il était en Serie D à Legnago, il s’entraînait très dur. Sur le terrain, mais aussi à la salle de sport. Et en même temps, il restait proche de nous, il rentrait tous les soirs », se remémore son frère.
À la racine
Les racines familiales, voilà la principale force de Federico. Car voir son père se réveiller tous les matins à l’aube et rentrer le soir de la ferme exténué, forcément, c’est motivant : « Les valeurs de l’agriculture m’ont énormément aidé dans ma carrière de footballeur, notamment lorsque j’ai traversé quelques difficultés. Il faut toujours être capable de surmonter les obstacles. Dans l’agriculture, on peut avoir une année où il pleut énormément, l’autre où il fait extrêmement chaud, puis l’autre où il y aura de la grêle. Il faut toujours travailler. »
Et cela va porter ses fruits. Baschirotto franchit les étapes : Legnago (Serie D), donc, puis Seregno (Serie D), Forlì (Serie C), Cuneo (Serie C), Vigor Carpaneto (Serie D), Viterbese (Serie C), Ascoli (Serie B) et enfin Lecce depuis l’été 2022. « J’ai fait énormément de sacrifices pour en arriver là, j’ai dû retrousser mes manches et me battre deux fois plus que les autres. Mon père m’a toujours dit qu’il fallait se défoncer au travail pour ramener le pain à la maison », concède Federico. Des propos appuyés par son frangin : « Dans notre famille, la valeur du travail est importante, pour ne pas dire essentielle. Notre père nous a toujours dit qu’il fallait travailler dur, même dans les moments compliqués. Et ça, Federico l’a très vite compris. »
Retour aux sources, toujours
Une ascension fulgurante, qui n’empêche pas Fede de rester toujours aussi attaché à ses racines. Malgré les 941 kilomètres qui séparent Lecce de la « Baschirotto Farm », le colosse revient aux sources dès qu’il le peut. Et pas pour enfiler des perles. « Dès que j’ai du temps libre, par exemple pendant les vacances et les trêves internationales, je rentre à la ferme agricole pour aider mon père et mes frères. Je deviens agriculteur pendant plusieurs jours », concède-t-il. Avant d’ajouter : « C’est normal pour moi, ce sont eux qui m’ont permis de réaliser mon rêve. Si je dois donner un coup de main, je le fais et c’est normal. Ils ont fait tellement de sacrifices pour que je sois là où je suis aujourd’hui… Dès qu’ils ont besoin de moi, je suis là et je viens aider à la ferme agricole. » Exemple l’été dernier : pendant que ses coéquipiers sont partis cramer leur oseille à Miami ou faire du jet-ski à Dubaï, Fede est revenu chez papa-maman. « Il est passionné par l’agriculture et en plus, c’est plutôt un bon agriculteur », ironise Francesco. Preuve de son implication dans la ferme familiale, Federico Baschirotto a suivi des cours de sciences zootechniques et technologie de production animale à l’université de Parme.
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« Pour moi, le football reste des vacances, des longues vacances. Lorsque je vois mon père travailler dans les champs pendant de longues heures, je me dis que je ne peux pas vraiment me plaindre », tempère Federico Baschirotto pour qui défendre sur Lautaro Martínez, Leão et Osimhen reste avant tout un plaisir. Sa carrure digne d’un combattant MMA l’aide, et lui donne ce profil de défenseur rugueux. « J’ai toujours accordé une grande importance à mon physique. À Lecce, j’ai les clés de la salle de sport et je m’y rends très tôt le matin. J’ai cette exigence depuis gamin », souligne-t-il. Il ajoute : « Je ne sais pas si ce sont les nombreuses heures passées dans les champs qui m’ont aidé, mais être fils d’agriculteur m’a permis d’avoir un mental d’acier et d’être capable de travailler sans me plaindre. » Si certains footballeurs craignent l’après-carrière, Federico l’a déjà trouvé. « Je retournerai vivre ici, auprès de mes proches. Bien sûr que reprendre la ferme familiale avec mes frères serait une chose magnifique », se projette le taulier de Lecce. Dernière question : l’amour est-il dans le pré ? Non. Car Federico a rencontré son actuelle compagne sur Instagram. Dommage, c’était bien essayé.
Par Tristan Pubert
Propos de Federico et Francesco Baschirotto recueillis par TP.