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Federico Balzaretti : « Ma femme a fait une plus grande carrière que moi »
Federico Balzaretti était un défenseur simple, fiable et efficace, figure connue du football italien des années 2000-2010. Du Torino à la Roma en passant par la Juventus, la Fiorentina ou encore Palerme, l’ancien latéral italien, 16 sélections nationales, revient sur sa carrière et sa vie d’homme. L'interview a été réalisée avant le début de l'épidémie COVID-19, d'où l'absence de questions sur ce thème.
Bonjour Federico. Bonjour (en français).
Dis donc, tu parles très bien français.Je l’ai étudié à l’école, et puis ça fait dix ans que je suis marié avec une ancienne danseuse étoile de l’Opéra de Paris. C’est vraiment la star de la famille. (Rires.) Elle a quitté l’Italie toute petite. Toute la famille a un lien important avec la France. On a quatre enfants et ils vont tous à l’école française ici à Rome, mais Paris est notre ville du cœur.
C’est particulier de voir deux membres d’un couple exceller dans deux domaines différents. C’est bien, on se comprend parfaitement. On vient de disciplines assez difficiles. La danse est même encore plus rigide que le foot, il y a encore plus de rigueur.
Ce sont deux vies de passion. Elle a commencé à danser à 4-5 ans et j’ai commencé à jouer au foot au même âge. Elle a quitté très, très jeune sa famille, alors que j’ai eu la chance de vivre à Turin jusqu’à 17 ans. Mais on a eu un parcours un peu similaire. Je suis passé par l’académie du Torino, j’ai joué à Varese durant deux années, c’est l’équivalent d’un niveau National, et puis à Sienne une année, en Serie B. Notre parcours n’était pas linéaire. Elle a dû elle aussi endosser plein de rôles. Elle a réalisé une carrière extraordinaire, mais travaillé très dur pour arriver au top. Elle touchait l’excellence dans son métier, alors que je n’étais qu’un bon joueur, pas un top player. Elle a eu une plus grande carrière que moi.
Comment un footballeur et une danseuse étoile se rencontrent-ils ?J’ai joué cinq ans et demi à Palerme, on s’y est rencontrés en 2010. Elle était de la ville, mais n’y venait pas souvent. On avait le même coiffeur, un ami commun. Il lui a dit : « Je vais te faire rencontrer ce mec » et il m’a dit la même chose pour elle et puis ça a marché. On s’est côtoyés pendant deux, trois mois. On s’est beaucoup retrouvés sur les valeurs de la vie. Ça s’est fait doucement et ça a marché.
C’était important pour toi de partager la vie d’une femme active ? Oui, qu’elle ait une vie à côté de la mienne, qu’elle travaille, qu’elle ait sa passion, que le soir on se retrouve chacun content de sa journée. On peut partager les mêmes émotions, les mêmes frustrations. C’est très important d’avoir des points communs. Au début, c’était difficile, je vivais à Palerme et elle à Paris. On prenait l’avion tous les week-ends pour se voir 3-4-5 heures. Quand tu vois que l’autre fait les mêmes sacrifices que toi pour te voir, ça veut dire que c’est très fort. La qualité du temps passé ensemble est aussi très importante.
Comment sait-on qu’on a rencontré la bonne personne ? L’amour comme le foot, tu le construis tous les jours. C’est quelqu’un que tu veux avoir toujours près de toi, c’est pour ça qu’on a pris la décision de se marier. J’ai ressenti que c’était la femme de ma vie. On vit des difficultés, des moments particuliers : un transfert, une fin de carrière, on peut ne pas se voir pendant deux semaines. C’est vraiment l’amour qui nous unit. Notre priorité, c’est toujours la famille.
Comment se sont déroulés tes débuts avec le Torino en Serie A ? C’était sensationnel. J’étais revenu de trois années de prêt, je n’avais jamais joué en Serie A. J’ai débuté le 14 septembre 2002. C’était la première journée de championnat,
j’étais sur le banc pour Inter-Torino. Comotto s’est blessé et je suis entré après 40 minutes. Je pense qu’une de mes plus grandes qualités est de savoir supporter la pression. Je suis très passionné dans la vie, très ouvert, je parle beaucoup, mais quand je jouais un match important, j’étais très sûr de moi, très froid. Je ne me rappelle pas avoir eu les jambes qui tremblent. J’étais vraiment tranquille.
Tu signes à la Juventus, le club rival, en 2005, à la suite des problèmes financiers du Toro. Ce fut la décision la plus difficile de toute ma carrière sentimentalement. Je savais que ça ne plairait pas aux supporters. Je savais aussi que c’était un challenge difficile à relever à mon âge, mais je voulais le faire. J’allais dans une équipe plus forte. On avait un groupe de 25 joueurs et j’étais ce 25e, mais je me disais que j’allais grandir en tant que personne. Je voulais me mettre en danger. Je n’aime pas la facilité. C’était vraiment un challenge. Mon premier ballon avec la Juventus, c’était contre Messi, j’ai fait quelque chose d’extraordinaire au Camp nou, dans ma surface de réparation, lors du trophée Gamper. (Rires.) Il y avait beaucoup de pression, mais j’étais tranquille. J’avais reçu beaucoup de menaces de supporters du Torino : « On va te tuer, on va brûler ta voiture. » À la fin de la saison avec la Juventus, j’avais joué 26 matchs entre la Ligue des champions, le championnat, la coupe… On a gagné le championnat (ensuite révoqué et attribué à l’Inter à la suite du scandale Calciopoli, N.D.L.R.), et j’ai disputé les rencontres les plus importantes. Avec un coach comme Fabio Capello, top entraîneur, mais vraiment rigide, ce n’était pas facile pour un jeune de jouer. On avait une équipe extraordinaire.
Et la première fois que l’ancien joueur du Torino enfile le maillot de la Juve ?C’était bizarre, mais j’étais tranquille. (Rires.) Mes coéquipiers ont été tout de suite très gentils avec moi. Je pensais que personne ne me connaissait, je n’avais fait que quelques matchs de Serie A avec le Torino. J’entrais dans un groupe de champions. Ce n’était pas facile, mais les joueurs importants sont tout de suite venus me parler. Ils comprenaient aussi la situation dans laquelle j’étais par rapport à la ville, mais ça s’est vraiment très bien passé.
À la suite de l’affaire du Calciopoli, tu as évolué en Serie B avec la Vieille Dame.
Tous les joueurs, malgré tous leurs titres, gardent un grand souvenir de l’année en Serie B. C’était comme des rockstars à des concerts dans des petits villages. On mettait une heure et demie pour faire la route du stade à l’hôtel, tout était bloqué. On a eu la chance de jouer dans toutes sortes de petits stades. La Juventus a été encore plus appréciée en Italie à ce moment-là. Le lien a été encore plus profond avec les supporters. Les joueurs étaient plus proches d’eux, plus faciles d’accès. C’était une très, très bonne saison.
Le coach s’appelait Didier Deschamps. Quels souvenirs gardes-tu de lui ? J’avais une très bonne relation avec lui. Il était toujours très honnête avec moi. Je l’appréciais déjà en tant que joueur. Comme entraîneur, il était aussi super bon. J’ai toujours joué avec lui. Il nous a fait remonter directement de la Serie B à la Serie A. Il était pragmatique et m’a beaucoup aidé, notamment tactiquement. Je suis très content de le voir à ce niveau aujourd’hui. Quand il a été champion du monde avec la France, j’étais vraiment très content.
Après un passage à la Fiorentina, tu découvres Palerme.C’était un club très fort à l’époque, un beau stade. Le Sud, c’est vraiment la passion. Quand je suis arrivé, on était le 12-13 janvier, je me suis dit : « Je ne partirai jamais d’ici. » (Rires.) C’était magnifique, l’hôtel sur la plage, 20 degrés, c’était incroyable. Palerme, c’est vraiment particulier. C’est très chaleureux, très gentil. J’y suis resté cinq ans et demi. On a échoué à un point de la Ligue des champions, on a disputé une finale de Coupe d’Italie. On a établi un record de points pour le club, gagné trois saisons consécutives à Turin face à la Juve, on a battu Milan chez lui… des résultats extraordinaires. J’ai également découvert l’équipe nationale. C’est là-bas que j’ai peut-être joué mon meilleur football.
Le 17 novembre 2010, tu es sélectionné pour la première fois, à 29 ans.C’était beaucoup d’émotions. J’étais vraiment touché, je crois que j’ai un peu pleuré. C’était le rêve de ma carrière, revêtir le maillot de l’Italie, représenter ton pays, c’est quelque chose de magique, d’unique. Les émotions étaient vraiment très fortes. J’ai appelé tout de suite ma femme (rires), puis le reste de ma famille, un moment inoubliable.
Que peux-tu nous dire sur la Roma ? Je pense que c’est le club le plus difficile d’Italie.
Pourquoi ?La pression à Rome est vraiment forte. La Roma, de par son standing, a l’ambition de gagner chaque année, et elle n’a plus rien gagné depuis 2008.
Quand je jouais à l’Olimpico contre la Roma, c’était toujours une grande émotion. Lorsque j’ai eu l’occasion de porter ce maillot, j’ai tout de suite dit oui. La saison précédente, ils ne s’étaient pas qualifiés pour l’Europe, ils ne restaient pas sur une bonne année, mais ce n’était pas le plus important. Je voulais faire partie d’un projet difficile.
Ton meilleur souvenir avec la Roma ? Le but que j’ai marqué dans le derby, en septembre 2013. J’en ai pleuré. Quelques mois plus tôt, on avait perdu la finale de la Coupe d’Italie contre la Lazio, les tifosi en avaient souffert, donc ce but-là, c’était une émotion vraiment très, très forte. Ça restera pour toujours dans ma mémoire, dans mon cœur et dans celui des supporters.
Tu as eu Rudi Garcia comme entraîneur. Quels souvenirs gardes-tus de lui ? Il nous faisait très bien jouer, il préparait très bien les matchs. Il nous laissait aussi la liberté d’interpréter un certain style de football. Il nous donnait les principes de jeu et laissait de la liberté aux joueurs les plus importants. Je pense que c’était très juste. C’est quelqu’un qui est toujours positif, j’aime bien ça.
Tu as joué avec de grands joueurs, Totti, Del Piero, Pirlo, Cassano… Le plus impressionnant ? Je pense que Francesco Totti est au-dessus. Ce sont tous des joueurs extraordinaires, mais je pense que Francesco avait quelque chose de génial, d’incroyable. Au niveau des buts… il a fait des choses exceptionnelles. Il a joué jusqu’à 41 ans. Quand j’étais avec lui, il en avait 38 et il était mieux que moi physiquement. Il y a son professionnalisme, son côté génial, sa frappe, sa vision de jeu, ses passes.
Propos recueillis par Flavien Bories
L'interview a été réalisée avant le début de l'épidémie COVID-19, d'où l'absence de questions sur ce thème.