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FC Sète, demain ne leur appartient plus 

Par Loïc Bessière et Mathis Healy
10 minutes
FC Sète, demain ne leur appartient plus 

Relégué administrativement en National 2 l’été dernier par manque de moyens financiers, le FC Sète pensait trouver son salut dans l’argent apporté par un duo d'investisseurs étrangers. Las, le club a été placé en redressement judiciaire et risque de repartir, une fois de plus, d’en bas. Les joueurs, eux, luttent pour remplir leur assiette.

« On s’accroche, ce n’est pas facile. Heureusement, j’avais un peu d’argent de côté et je ne suis pas un fêtard. Je vais à l’entraînement à pied, ça m’évite de mettre de l’essence. Je fais le moins de courses possible. » Tel est le quotidien, au printemps 2023, d’un joueur du FC Sète qui préfère que son nom soit gardé loin de cette aventure peu glorieuse pour sa carrière. En l’espace de dix mois, le club héraultais est passé d’un maintien héroïque en National à une dégringolade vertigineuse. La réalité financière est aujourd’hui très claire : le FC Sète n’a plus rien dans ses caisses.

Il s’est fait rouler dans la farine. Le foot n’est pas son domaine.

Un joueur à propos de son président

À l’été 2022, le FC Sète se remet à peine de son maintien en National, acquis à la dernière journée. Le recrutement est lancé, mais la menace d’une rétrogradation plane au-dessus du stade Louis-Michel. « On entendait quelques rumeurs, mais au club, on nous certifiait le contraire », raconte le joueur. Arrivé de Beauvais à ce moment-là, Zakarie Labidi ne s’imagine de son côté pas un instant mettre les pieds dans un tel marasme. « J’en apprenais tous les jours, lance-t-il avec regrets. Alors les dirigeants essayaient de me rassurer en me disant que de l’argent allait arriver par le biais des sponsors et que ça allait vite être réglé. » À peine les valises défaites, il tente alors de quitter les bords de la Méditerranée. En vain : « J’ai contacté quelques clubs pour rebondir, mais on était début août et on me disait que les effectifs étaient déjà bouclés. » Ce contexte d’incertitude dure deux mois avant que le couperet ne tombe : le FC Sète est rétrogradé en National 2 par la DNCG pour raisons financières. Cette descente d’une division participe grandement au gouffre financier dans lequel se retrouve le club aujourd’hui. Un gouffre qui, selon nos confrères de L’Équipe, pourrait atteindre les 700 000 euros de dettes en fin de saison. Sportivement, l’impact sur l’effectif est brutal. « Une semaine avant la reprise, il n’y avait que dix joueurs dans l’effectif », se souvient Vincent Pappalardo, capitaine emblématique des Vert et Blanc. Dos au mur, le président Yoni Ragioneri, propriétaire d’une brasserie en ville, va accorder sa confiance aux mauvaises personnes pour tenter de limiter la casse. « Il s’est fait rouler dans la farine. Le foot n’est pas son domaine », considère son joueur anonyme.

Quand le gardien de but doit dépanner au poste d’avant-centre…

Malgré une victoire lors de la deuxième journée sur la pelouse de la réserve de l’OL (0-1), le FC Sète ne compte aujourd’hui que deux victoires et trois nuls en 22 journées. Avec 9 points au compteur et 16 unités de retard sur le premier non-relégable, le club fonce vers une descente en National 3. Tout sauf une surprise. « Le coach n’avait pas la main sur les décisions et s’est rendu compte que seulement six joueurs de l’équipe avaient le niveau pour la N1, le reste de l’effectif se rapprochait davantage de la R1 », explique ce même joueur. Le portier sétois, Vincent Pappalardo, dresse le même constat : « Il y a un mercato qui est arrivé tard et qui a été encadré par la DNCG. Derrière, tout en découle : cohésion de groupe, joueurs qui sont titulaires en N2 alors que ce sont des joueurs de complément ou des jeunes qui ont été mis devant le fait accompli. » Début mars contre Fréjus, Pappalardo a même dû dépanner un quart d’heure au poste d’avant-centre… C’est dans ce grand bazar que le 14 juillet dernier, le président sétois, Yoni Ragioneri, reçoit un coup de fil. « Laurent Dechaux, alors directeur sportif de Grenoble, m’appelle car il est le représentant de deux étrangers désireux de racheter un club de foot, se remémore l’homme de 45 ans. Il y a alors beaucoup d’interrogations, notamment parce que le club a besoin d’argent et que cela doit passer par des repreneurs. »

Dans le même temps, la situation, qui n’est déjà pas drôle sur le terrain, se dégrade en coulisses. « Il y avait déjà des problèmes en interne dès le début de saison avec des petits retards de versement des salaires », lâche Zakari Labidi, parti se réfugier au Sporting Club de Toulon. Excédé, un coéquipier décide d’agir : « J’ai été le premier à dénoncer les actions du club. Je me suis mué en porte-parole du vestiaire, mais aussi du staff et des gens de l’administration parce que tout le monde était à bout. Les premiers échanges n’ont rien fait évoluer, donc j’ai écrit un courrier de mise en demeure qui a été envoyé à la DNCG et à la FFF. Après cela, le président a convoqué une réunion d’urgence lors de laquelle il a voulu m’allumer devant tout le monde. On a failli en venir aux mains au mois d’octobre. »

Les nouveaux investisseurs : un écran de fumée

Pour calmer les esprits, le président Yoni Ragioneri annonce au vestiaire au mois d’octobre l’arrivée prochaine de nouveaux investisseurs. L’Émirati Salem Ahmed Baobaid, qui possède une entreprise de communication, et le Nigérian Olatunji Olalekan Mayowa, travaillant dans le pétrole, vont débarquer dans l’Hérault, avec dans leurs valises plus de promesses que d’argent. « Ça a donné beaucoup d’espoir au coach, au staff et à certains joueurs. Moi personnellement, je n’y ai jamais cru », raconte un membre de l’effectif. Le protocole suit son cours pour une prise en main du club début décembre. Les fonds ne sont pas encore arrivés, mais les repreneurs rassurent tout le monde. Le 7 décembre, l’Émirati met pour la première fois les pieds à Sète. Il présente aussi au maire leur projet, tant sportif qu’extrasportif. Lui veut investir dans le tourisme, son acolyte nigérian dans le pétrole, via le port de la ville. « Il se permet d’aller dans le vestiaire en disant que les fonds ne sont pas encore là, mais que pour compenser cela, fin décembre, le salaire de janvier tombera. On leur parle d’un stage, d’un changement d’aspect pour le club, de salaires versés à temps, donc tout le monde est content. À part l’arrivée des fonds, tout allait bien », rejoue Yoni Ragioneri.

Vient alors le temps des premiers couacs. Ce fameux stage est d’abord reporté puis annulé. L’Émirati ne se pointe pas lors du passage devant la DNCG prévu le 9 janvier. « Il nous racontait des salades en disant qu’il était en Suisse pour débloquer les fonds, s’énerve le président du FC Sète. Mais le Nigérian est là. La DNCG est ravie, on ne prend pas de points de pénalité. Il y a toujours ce problème de salaires, mais par chance, entre l’arrivée d’un sponsor et la subvention de la mairie, on a pu les verser. » Sans argent, eux, les repreneurs et Laurent Dechaux, nommé directeur sportif, s’activent sur le marché des transferts. « En janvier, tout le monde avait envie de partir parce que ça ne sentait pas bon », raconte-t-on en interne. Plusieurs joueurs quittent le navire, d’autres y montent sans savoir qu’il est en train de sombrer. « Ils recrutent, font venir des joueurs à des salaires hors norme avec des voitures et appartement en avantages. La DNCG, n’ayant pas vu les fonds arriver, bloque le transfert de Nicolas Taravel et Georgios Kakko. Ce dernier, il a fallu le renvoyer dans son pays, en Grèce et payer les billets. J’avais aussi payé l’agent, l’hôtel, la nourriture… C’était n’importe quoi », raconte avec amertume Yoni Ragioneri.

Jeu, Sète, et fin des matchs

L’argent ne viendra jamais. Salem Ahmed Baobaid et Olatunji Olalekan Mayowa disparaissent. « Ils ont enfoncé le club ! On se retrouve plus endetté que jamais. Le Nigérian nous a volé la clé de l’appartement. Ils sont partis sans payer les notes de restaurant et d’hôtel », s’irrite le président du FC Sète qui ne comprend pas le comportement du duo. « Des escrocs, je veux bien, mais pour gagner quelque chose, s’exaspère-t-il. Là, je ne vois pas l’intérêt. À part faire du mal aux gens… Je leur ai dit trente fois que s’ils n’avaient plus envie ou pas les moyens, ils pouvaient partir. Finalement, on est acculés, et les joueurs ne sont pas payés. » Les joueurs, justement, sont eux aussi dans une situation financière difficile. « C’est la pire expérience de ma carrière ! Je suis obligé de taper dans mes économies », témoigne le joueur anonyme. « Certains joueurs ne peuvent même plus faire de courses. Il y en a un qui a arrêté le foot. Il avait un contrat fédéral, mais n’en pouvait plus de la situation et des mensonges », poursuit-il. En voyant un coéquipier rapatrier sa femme et son enfant chez ses beaux-parents car incapable d’assurer leurs besoins, les Vert et Blanc décident d’agir. Fin février, ils se mettent en grève. « À la base, on voulait marquer le coup en ne jouant pas le match du week-end. On se disait que c’était le meilleur moyen de nous faire entendre. » Finalement, ils se contenteront d’une grève des entraînements durant la semaine.

On ne peut plus payer ni fermer le centre de formation en cours de saison et d’année scolaire, car il y a des étudiants et des gamins à l’intérieur. Les faux investisseurs jouent avec des vies humaines.

Yoni Ragioneri, président

Reste que Yoni Ragioneri comprend parfaitement cet agacement : « Les joueurs viennent manger dans mon restaurant gratuitement. Personne, de nos jours, peut ne pas être payé pendant deux mois. Les joueurs râlent à juste titre ! Il y a des crédits, des loyers…  » L’investissement du président est salué par ce joueur qui en veut « à tous, sauf au président parce que c’est le seul qui avait le courage de se confronter à nous. Il a beaucoup fait pour nous. Moi, il m’a déjà payé avec son argent personnel par exemple ». Yoni Ragioneri ne sera plus obligé de sortir ses deniers. Début mars, le club a été placé en redressement judiciaire. Les joueurs seront donc payés par le régime de garantie des salaires (AGS). « La meilleure décision que j’ai vu prendre par le président, c’est d’avouer que le club n’était plus capable d’assurer les salaires de l’équipe première jusqu’aux éducateurs de jeunes. Il ne quitte pas le navire et je trouve ça honorable de sa part », souffle ce même homme à l’identité préservée. Le président a porté plainte ce mardi 14 mars contre les deux escrocs qui ne sont plus en France, de manière à les empêcher de s’impliquer dans d’autres projets dans le pays. En attendant, en plus des problèmes de l’équipe première, il doit aussi gérer ceux qui ruissellent sur l’association : « Il y a un centre de formation à faire tourner. Je voulais l’arrêter, on ne pouvait pas l’assumer financièrement. Les investisseurs ont voulu le garder. Maintenant, on ne peut plus le payer ni le fermer en cours de saison et d’année scolaire, car il y a des étudiants et des gamins à l’intérieur ! Ces gamins, il faut qu’ils mangent le soir et le week-end ! Ma brasserie amène des repas. C’est fou ! Ces faux investisseurs jouent avec des vies humaines… »

Ce vendredi, Sète, bon dernier de National 2, reçoit Aubagne, avant-dernier. Un match comme un autre dans la saison du club, dont les résultats de l’équipe sont quasiment devenus secondaires dans cette interminable saison.

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Par Loïc Bessière et Mathis Healy

Tous propos recueillis par LB et MH

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