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Waldemar Kita, animal coachivore

Par Jérémie Baron

En attendant de se faire virer à son tour d'ici quelques mois, Jocelyn Gourvennec a pris la tête du FC Nantes ce mercredi, à la place de Pierre Aristouy, qui n'aura eu droit qu'à 17 petits matchs à la tête des Canaris. Une consommation d'entraîneurs toujours aussi frénétique chez les Kita, et un éternel recommencement sur les rives de l'Erdre.

Waldemar Kita, animal coachivore

D’habitude, on le sent venir. Quand les Kita ont en tête de lourder leur entraîneur, ils ne s’en cachent pas vraiment, et tout le monde n’a plus qu’à attendre que le couperet tombe. Mais pas cette fois. Lorsque Pierre Aristouy a passé la grille de la Jonelière ce mercredi matin, il ne devinait sûrement pas qu’il s’apprêtait à se faire raccourcir, et que l’entraînement de l’après-midi serait assuré par son héritier. Certes, son FCN n’avait plus vu la victoire depuis quatre rencontres (avec trois défaites) et demeurait la deuxième pire défense de Ligue 1 avec 23 pions encaissés. Mais contrairement à la position du club au moment où Aristouy l’avait prise en main début mai (17e et 1er relégable), la situation était encore loin d’être alarmante en ce mois de novembre, avec une 11e place au classement, au sein d’un championnat très compact. Malgré cela, Waldemar et Franck ont renvoyé le coach (dont c’était la première expérience à ce niveau) potasser ses schémas tactiques et ses idées de jeu, accueillant à sa place ce bon vieux Jocelyn Gourvennec, autre ancien joueur de la maison (1995-1998). « Il n’y avait aucun signal de cette décision, donc il est détruit, car c’est d’une injustice cruelle », souffle l’entourage d’Aristouy auprès de RMC Sport.

En vérité, le technicien – comme tous ses prédécesseurs – n’a jamais pu travailler sereinement, dans son club formateur : à la panique du mois de mai lors de son arrivée avaient suivi les premières pressions – venues d’en haut – en pleine préparation estivale, et la période de grâce d’un mois entre septembre et octobre (une défaite, deux nuls contre Marseille et Monaco et quatre succès, en sept matchs) n’aura finalement offert qu’une petite respiration au Basque, avant qu’il ne prenne la porte après 17 petits matchs officiels, à la première vraie crise de résultats. « Il y a une réflexion qui a été entamée depuis un moment. On a pris trois buts contre Metz, perdu trois de nos quatre derniers matchs… On prend des buts incroyables, je n’ai jamais vu ça depuis que je suis au club, s’est expliqué Waldemar Kita dans L’Équipe. On a beaucoup recruté et on continue de jouer avec la peur. Malheureusement, il n’y a pas eu d’améliorations… » La direction planchait depuis le début de semaine sur ce chassé-croisé, au lendemain d’un nul tout moche des Canaris à domicile contre Le Havre (0-0). En interne, on aurait pointé du doigt Aristouy (qui avait été prolongé en juin après sa mission d’intérim réussie, avec un maintien miraculeux) pour une prétendue incapacité à gérer les égos et à tenir cet effectif pléthorique et fouillis. Alors que les joueurs semblaient derrière lui pendant les précédentes turbulences, plusieurs d’entre eux lui auraient tourné le dos à cause de choix de composition.

La 19e fois que Kita appuie sur le bouton

On lui aurait également reproché de ne pas intégrer plus de jeunes à son groupe professionnel : un comble pour un homme qui avait fait des merveilles, au sein même de ce club, à la tête de l’équipe réserve (remontée en National 2 puis première place de groupe la saison suivante) et des U19 (deux titres de champion de France consécutifs). Encore sous contrat, Aristouy (pour qui le club payait 25 000 euros d’amende à chaque rencontre, l’entraîneur ne possédant pas le BEPF) pourrait donc peut-être rester au club, quelque part à la formation. Ou peut-être pas. Six mois après l’éviction d’Antoine Kombouaré, cela démangeait en tout cas certainement Waldemar Kita, qui renoue avec ce qu’il sait faire de mieux : couper des têtes. Une stat effrayante : on compte autant de changements d’entraîneurs (19) en 16 ans de présidence du Franco-Polonais (2007-2023), qu’en 64 ans d’existence du club avant son arrivée (1943-2007). « J’ai une fonction désagréable, puisque c’est moi qui appuie sur le bouton, et je veux bien encaisser les critiques, mais je gère un club », glisse aussi Waldemar. Mais viser le retour « d’un projet et d’une identité de jeu nantais » (comme annoncé au moment de la prolongation d’Aristouy) en ayant la gâchette aussi facile, c’est mentir : à soi-même, et aux autres.

Sa prochaine victime s’appelle donc Jocelyn Gourvennec (51 ans). Sa mission, selon le président ? « Qu’on se sauve sans trembler, qu’on montre du beau jeu, qu’il se montre juste. Si tu es bon, tu joues. Sinon… » Le nom du Finistérien revenait régulièrement à Nantes. Lors de l’été 2018, les négociations étaient proches d’aboutir avec la Joce, qui était sur le point de succéder à Claudio Ranieri avant d’être effrayé par l’interventionnisme de Kita, et les contraintes imposées dans la composition de son staff (le Portugais Miguel Cardoso avait finalement accepté le challenge… pour huit minuscules rencontres avant la rupture de son contrat de travail). L’ex-milieu de terrain ne portait donc vraisemblablement pas les Kita dans son cœur, jusqu’ici : en juin 2021, il faisait même partie des « grands » signataires d’une pétition de fans jaune et vert en soutien à Mickaël Landreau et le Collectif nantais*, dans le projet de rachat du club pour « un autre FCN ». Au chômage depuis juin 2022 et la fin de son aventure au LOSC (qu’il avait hissé jusqu’à un 8e de Ligue des champions contre Chelsea), l’ancien tacticien guingampais et bordelais attendait de retrouver l’odeur du terrain, lui qui avait refusé le banc des Bleues en mai, avant d’être sondé pour celui des Espoirs deux mois plus tard. Pas sûr qu’il ait finalement choisi la meilleure des options pour reprendre du service.

* Edit : Après la publication de cet article, lors de sa conférence de presse de présentation ce jeudi, Jocelyn Gourvennec a démenti avoir signé la pétition en soutien au Collectif nantais en 2021, malgré la présence de son nom dans la liste : « Je vais être très clair : on m’a parlé de ça hier (mercredi), je ne sais pas de quoi on me parle. Je n’ai jamais rien signé, je ne sais pas ce que c’est que cette pétition. »

Côté supporters, on affirme le contraire. « Je l’avais eu moi-même au téléphone et il m’avait donné son accord oral pour faire partie des signataires, nous indique notre source. C’était même l’un des plus véhéments à l’encontre des Kita. Je lui avais envoyé le lien de la pétition ; s’il ne voulait pas faire partie de la liste, il avait mon numéro. »

Dans cet article :
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Par Jérémie Baron

Propos de Waldemar Kita tirés de L'Équipe, sauf mention.

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