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« Ils ont obligé des personnes en situation de handicap à retirer leurs chaussures »
Président des Activ Nantes, Thierry a supervisé le déplacement de 650 supporters à Turin jeudi, dont son fils Amaury, chef de bus pour l'occasion. Les deux hommes racontent leur expérience contrastée des autorités italiennes.
Comment s’est passée votre arrivée à Turin ?
Amaury : Au départ, c’était la fête, une ambiance familiale, comme pour Fribourg ou pour aller au Stade de France. Comme prévu, on s’est rassemblés à Modane pour passer la frontière. Mais là, ils nous ont fait patienter, on a mis presque cinq heures pour arriver à Turin. On a bien compris qu’ils voulaient nous faire perdre du temps pour qu’on passe le moins de temps dans la ville.
Thierry : Je ne pouvais pas faire le déplacement pour des raisons de santé, mais je l’ai suivi du départ à la fin, et je n’ai pas beaucoup dormi. Comme d’habitude, un contact de la police française nous donne des consignes ou des recommandations. Mercredi soir, on nous a dit de regrouper nos bus à Modane pour passer le tunnel en cortège. On l’a fait, tout ça pour apprendre que la police avait changé d’avis. Ils voulaient passer un bus toutes les demi-heures, les chauffeurs commençaient à gueuler… Bon an mal an, on a réussi à faire passer tout le monde parce que la police a rechangé d’avis.
Amaury : Une fois là-bas, on avait l’impression d’être traités comme des animaux. Au Parco del Valentino (le point de ralliement des Nantais, NDLR), on arrive dans un jardin avec des rubans qui nous encerclent. Comme pour dire : « Ici, les trucs en jaune et vert, c’est les animaux, ils vont rester ici jusqu’à ce qu’on vienne les chercher. » C’est rabaissant.
Le FC Nantes tient à déplorer la situation subie par les supporters des Jaune et Vert, en amont de la rencontre aller d’Europa League ce jeudi, à Turin.
— FC Nantes (@FCNantes) February 17, 2023
Et l’accès au stade ?
Amaury : On a pris les navettes pour s’y rendre. Je suis resté deux heures dedans, à l’arrêt, sans qu’on nous explique pourquoi on était bloqués là. On était collés, on ne pouvait plus respirer, c’était n’importe quoi. J’ai tendance à faire de l’hypoglycémie, je n’étais pas au top. Un enfant était vraiment mal, au bord des larmes. Il a fini par sortir du bus avec son père. Une fois au stade, les fouilles étaient absolument honteuses. Ils ont obligé des enfants, des personnes âgées et des personnes en situation de handicap à retirer leurs chaussures. Je n’imaginais pas que c’était possible, je n’avais jamais vu ça… Il n’y avait aucune humanité de la part des autorités italiennes.
Thierry : Il y a eu des complications avec la Brigade Loire, qui refusait de se faire ficher, ce qu’on comprend parfaitement. Heureusement qu’ils mènent ces combats pour éviter que demain, tout le monde soit fiché dans les stades. Les supporters ont été bloqués pour pénétrer dans le stade, c’était un bazar sans nom pour le parcage bas. Les gens sont entrés seulement cinq minutes avant le début du match, pour ceux qui sont entrés. Dans le parcage haut, ça entrait, mais les mesures étaient à la limite de la dignité. La personne de 80 ans à qui on a fait enlever ses chaussures, elle était un peu choquée. Une mamie qui a deux prothèses de genou et un cancer, on la fait se mettre par terre. Heureusement que d’autres supporters l’ont aidée à remettre ses chaussures. Je veux bien qu’on fasse attention aux fumis, mais là… Sans parler du fait qu’il n’y avait qu’un seul point de restauration pour un parcage de 2099 personnes.
Jamais été aussi proche du but… Mais la fête est gâchée. Aucun plaisir. Dégoûté. #JUVFCN pic.twitter.com/pEAe3IglNJ
— Alexis Vergereau (@Alexis_Vrg) February 16, 2023
Il y a aussi eu des problèmes avec le matériel ?
Thierry : Oui, les tambours étaient limités à 42 centimètres… On ne pouvait pas entrer nos drapeaux et nos bâches parce qu’on n’avait pas de certificat incendie. On est dans un grand n’importe quoi. S’ils veulent des stades où ils ne se passent rien, ils font comme ça. Les mégaphones, c’était hyper strict aussi. Ça s’est mieux passé à Bakou, où on était encadré par des militaires, et quand on a fait l’Olympiakos – alors que la police grecque, c’est pas des rigolos. Dans le stade, on entendait que les Nantais parce qu’il n’y a plus de supporters là-bas. Ils ont tellement tapé sur les ultras que vous vous retrouvez avec des stades qui ne bougent plus parce que les gens qui bougeaient ne viennent plus.
Certains supporters faisaient un parallèle avec la finale de la Ligue des champions au Stade de France.
Thierry : Franchement, oui, c’est ce qu’il s’est passé pour la finale de Ligue des champions. On a laissé un gars à l’hôpital là-bas. Ça a bousculé, il est tombé à la renverse et il a un trauma crânien. Il sera rapatrié en médical. On a l’impression qu’en France, c’était de l’impréparation et de la bêtise du préfet Lallement. En Italie, c’est quelque chose d’institutionnalisé, c’est un fonctionnement normal pour eux. Si la Brigade Loire ne s’était pas très bien tenue, ça se serait hyper mal passé.
L’impression d’être au Stade de France, un soir de finale de Ligue des champions… Ça commence à devenir anxiogène. #JUVFCN pic.twitter.com/G1N1M1oiz4
— Alexis Vergereau (@Alexis_Vrg) February 16, 2023
Vous retiendrez autre chose de cette soirée ?
Amaury : Bien sûr. Il y a des mois de travail avec les bénévoles. Réussir à véhiculer 650 personnes, dans huit bus, pour aller à Turin en pleine semaine, c’est un truc de fou ! En dehors des heures à attendre devant le stade ou des fouilles, ça reste kiffant à faire.
Thierry : On en retient un beau voyage et une belle expérience, même si c’était une lourde tension pour les bénévoles. Les retrouvailles se sont bien passées. Il y avait la joie du résultat, et en même temps une unanimité pour dire que la police italienne a été indigne. On est super proches de nos ultras, ça nous a fait mal au cœur de les voir partir. On repart à Lens dimanche, ça devrait être plus sympa. On a envie de retrouver la police française. (Rires.)
Propos recueillis par Quentin Ballue