FC Metz : comment survivre pendant cette CAN ?

Lorsqu’il se présente en conférence de presse il y a quelques jours, le 7 janvier précisément, Frédéric Antonetti a du mal à contenir sa frustration. « On s’adapte, balance-t-il. J’ai fait monter des jeunes, des joueurs nés en 2004 et 2005. Mais je ne suis pas certain de pouvoir convoquer un groupe de vingt joueurs. » Avant d’enfoncer le clou. « Des rencontres qui concernent trois de nos adversaires directs(Troyes, Lorient et Saint-Étienne, NDLR). Ces matchs vont-ils être reportés au mois de février lorsque la CAN sera terminée ? Peut-être… Est-ce équitable ? Je ne vais pas dire ce que je pense, parce que lorsqu’on le fait dans ce pays, on est convoqué devant la commission de discipline. » La cause du problème ? La CAN bien sûr, puisque le FC Metz a envoyé pas moins de sept de ses joueurs au Cameroun, ce qui en fait le club français (et même d’Europe) le plus mobilisé, alors même qu’il tente de sauver sa peau en championnat. Alors, comment en est-on arrivé là ? Et surtout, la situation est-elle déjà désespérée pour le club à la croix de Lorraine ? Désespérée, sans doute pas, car après tout, ce serait bien un comble pour l’écurie grenat de déclarer que pour elle, la messe est déjà dite.

Plan de long terme et aléas du direct

À l’origine de la situation actuelle du FC Metz, tout sauf une politique sportive erratique, bien au contraire, puisque le club mosellan s’est bâti sur un plan de long terme, simplement perturbé par une bonne dose de malchance, ère Covid oblige. « Lorsqu’on est remonté en Ligue 1 il y a trois ans, on avait constitué un effectif sur le long terme, se rappelle le directeur sportif Philippe Gaillot. Alexandre Oukidja n’était jamais allé en sélection, Farid Boulaya non plus, Habib Maïga un peu, mais pas trop, et en plus, la CAN était programmée pour être jouée en été. » De fait, à cette époque, Metz s’avère peu en danger. Oui, mais voilà, par la suite, les choses changent, et vite, car les évènements s’enchaînent : d’abord parce que les cadres de l’effectif performent, et s’imposent progressivement en sélection, ensuite parce que la Covid passe par là et contraint les instances du football africain à déplacer la CAN à l’hiver 2022. « Quand on a appris le report, des questions se sont évidemment posées, rejoue le directeur sportif messin. Doit-on se séparer des joueurs qui vont à la CAN ? Ce ne sont pas des raisonnements faciles à avoir, notamment pour des joueurs qui faisaient partie du projet avant le report de la CAN. »

À l’été 2021, le FC Metz, qui ne bénéficie pas d’une marge de manœuvre forcément énorme sur le marché des transferts, fait un choix intermédiaire, celui de « conserver l’effectif », tout en y adjoignant « des éléments capables de répondre présents ». Dans les faits, bien qu’elle se refuse à faire des choix de nationalité, l’écurie lorraine transfère Victorien Angban, Mamadou Fofana et Vagner, tous concernés par la CAN, et recrute certains joueurs appelés a minima à prendre le relais des internationaux, notamment Nicolas de Préville ou Amine Bassi. Résultat, l’hiver et la CAN venus, les Lorrains se retrouvent aujourd’hui dans une situation « difficile à vivre », mais « pas désespérée » : sept joueurs (Farid Boulaya, Habib Maïga, Dylan Bronn, Alexandre Oukidja, Kiki Kouyaté, Pape Matar Sarr et Sofiane Alakouch), la plupart constituant les cadres de l’effectif, se sont envolés vers l’Afrique. Et comme un malheur n’arrive jamais seul, la Covid et les blessures (celle de Matthieu Udol notamment) sont venues complexifier davantage la situation déjà précaire de la formation de Fred Antonetti. Et si aux dernières nouvelles, plus aucun joueur n’est concerné par un protocole sanitaire, la situation demeure préoccupante. Face à Strasbourg ce dimanche, Metz devrait ainsi aligner une défense expérimentale, en l’absence de l’ensemble de ses titulaires habituels, gardien compris. Pas sûr que les Mosellans avaient besoin de ça.

Yes you CAN

Du côté de la Lorraine, cela dit, l’heure n’est pas à la panique, bien au contraire, puisque c’est « la confiance », celle portée à la « capacité de l’effectif à traverser cette période délicate », qui règne. D’abord parce que les Grenats possèdent un effectif fourni, capable de pallier les aléas, et surtout, plein de l’expérience apportée par des éléments comme De Préville, Jemerson ou Jean-Armel Kana-Biyik, tout juste recruté pour compenser les départs de Bronn et Kouyaté. Ensuite, car Coach Antonetti pourra également compter sur une bande de petits jeunes qui ont déjà pu faire quelques preuves dans l’élite, sans pourtant jouer souvent cette saison, notamment Pape Ndiaga Yade ou Lamine Gueye, d’autres qui sont en passe de faire de même, en la présence de Boubacar Traoré ou Amadou M’Bengue. Enfin parce que le FC Metz compte bien être actif sur le marché des transferts, puisque trois joueurs sont attendus, en particulier un latéral gauche et un milieu de terrain. « Mais il faut que ce soit des renforts, prévient Philippe Gaillot. Des joueurs qui nous amènent un plus, même dans la perspective de la saison prochaine. On ne veut pas du nombre pour du nombre, car on n’est pas forcément en situation d’urgence. » Car après tout, le départ de certains, les opportunités données aux autres, peuvent également permettre de créer « une dynamique de groupe » autour de joueurs qui ont enfin « une vraie occasion de montrer leur talent au cours de ce mois de CAN ».

Certes, le FC Metz n’est pas le seul club touché par la CAN, mais il est le plus mobilisé de France, et même d’Europe. Philippe Gaillot ne dit pas le contraire. « Ça nous touche un peu plus nous en ce moment. Mais c’est le lot de tous les clubs, et c’est d’autant plus vrai en ce moment avec la situation Covid. » Car au fond, la véritable problématique n’a toujours pas changé : elle reste encore et toujours celle de l’absence d’harmonisation des calendriers nationaux avec la CAN. « C’est une super compétition, et on se demande à chaque fois pourquoi elle n’a pas le droit à être, comme la Coupe du monde au Qatar par exemple, une compétition à part entière. Pour nous, c’est difficile, mais aussi pour un club comme Liverpool, dont les objectifs sont extrêmement importants… » Sans parler de la question des joueurs, dont certains partent à la CAN dans une situation ambigüe, caractérisée par la fierté de jouer pour son pays et la crainte de perdre sa place en club, ou d’y revenir blessé. Charge donc aux instances du football mondial d’améliorer la situation. « Pour qu’on ne soit pas obligé de revivre cette situation, il faut vraiment se poser la question de l’harmonisation. Et c’est d’autant plus vrai maintenant qu’il y a de plus en plus de joueurs concernés qui jouent des rôles très importants dans beaucoup de clubs mondiaux. »