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FC Haut-Jura, seul au monde
Sept ans après la victoire de Sylvain Chavanel, le Tour de France renouvelle l’expérience de l’arrivée à la station des Rousses. L’occasion de donner un peu de lumière au club résident : le FC Haut-Jura. Entre altitude, matchs reportés et football en gymnase.
Au départ de Dole, le peloton est encore soudé. 164 kilomètres, le col de la Joux, la côte de Viry et 4h30 de route plus tard, les coureurs sont déjà dispersés entre les échappées, les poursuivants, le groupe maillot jaune et les lâchés. Pourtant, le plus dur est à venir. 11,7 kilomètres de grimpette sur une pente à 6,4% avant d’enchaîner douze kilomètres à 1200 mètres d’altitude pour enfin avoir le droit de ranger son vélo et, au mieux, se faire embrasser les joues par deux hôtesses. Bienvenue aux Rousses. Un lieu connu pour avoir formé le champion olympique 2010 de combiné nordique, Jason Lamy-Chappuis. Une terre de ski où le football tente aussi d’exister à travers son club du FC Haut-Jura.
« C’est un peu le trou là-haut dans la montagne »
Fondé il y a maintenant sept ans, le FC Haut-Jura est l’union de deux clubs historiques de la vallée de la Bienne, le FC Bois d’Amont et Les Rousses, respectivement soixante-dix et quarante ans d’histoire. « Les licenciés s’égrainaient, le club de Bois d’Amont a alors fait le premier pas vers Les Rousses pour rassembler les deux équipes. Les dirigeants et les élus des deux communes ne s’y sont absolument pas opposés » , raconte Antonin Benoît, correspondant du club. Mais le chemin pour que le football s’installe véritablement dans le Haut-Jura est encore long, les conditions climatiques n’évoluant définitivement pas au rythme du football. Chaque année, la neige commence à tomber dès le début du mois de novembre. Les terrains ne sont pas praticables avant début avril.
Pendant ce temps-là, les équipes de jeunes et les seniors font comme ils peuvent : « On s’adapte. On s’entraîne dans un gymnase municipal durant la trêve hivernale. On a finalement assez peu d’entraînements sur pelouse » , explique Antonin, qui chausse aussi les crampons pour défendre les couleurs de l’équipe première. Mais c’est une vraie contrainte qui pèse sur les performances sportives du club. Axel, milieu de terrain et homme à tout faire de cette équipe, le confirme : « En s’entraînant en salle, on n’a pas vraiment l’opportunité de faire du jeu. Du coup, on travaille surtout le physique. On a certes une condition physique supérieure à celle des autres équipes, mais l’aspect technique pêche parfois. »
« Beaucoup d’enfants cumulent le foot et le ski »
Toutefois, chez les catégories de jeunes, la neige n’est pas le principal ennemi du FC Haut-Jura. « Les gamins sont super actifs. Beaucoup d’enfants cumulent le foot et le ski. Cela nous enlève beaucoup d’enfants » , avoue Antonin. Les blessures et les départs du club pour faire des compétitions de glisse font considérablement évoluer les effectifs d’une année à l’autre. Ainsi, à chaque intersaison, le club arrive péniblement à atteindre la barre des 180 licenciés. Pour certaines tranches d’âge, il est même impossible de présenter une équipe, faute d’inscrits. Mais cette difficulté à boucler les fins d’effectifs ne peut se résumer à l’attractivité du ski. Le bassin de population de la station des quatre villages, aux portes de la Suisse, ne dépasse pas les sept mille habitants. Comme le dit Axel, « c’est un peu le trou là-haut dans la montagne. C’est perdu. » Une situation géographique qui isole totalement la formation violette de toutes les autres équipes du district.
Une heure de route, matchs reportés et adversaires décimés
Perché tout là-haut, le FC Haut-Jura n’a donc ni les mêmes problèmes ni les mêmes préoccupations que les autres. Égaré dans les montagnes, il est un peu l’étranger du Jura. Un étranger qu’il faut pourtant aller visiter une fois par an. Intendant à l’Olympique Montmorot, Cédric Charrière se rappelle avec précision ce parcours du combattant pour arriver à destination : « Nous avons joué là-bas en février. Le trajet n’est pas commun. Il faut une bonne heure pour y aller. » Résultat, certains inventent des maladies ou des baptêmes pour s’abstenir de ce déplacement : « Lorsque notre équipe réserve s’est rendue là-bas, elle a joué à dix car il y avait pas mal d’absents » , se marre Cédric. L’équipe première, elle, était bien complète le 26 mars dernier. « Pas de neige, des conditions climatiques très bonnes » et pourtant, l’Olympique Montmorot, futur champion, n’arrive pas à vaincre l’altitude et s’incline face au FC Haut-Jura qui, une semaine plus tard, verra sa rare victoire de la saison se transformer en défaite sur tapis vert pour avoir aligné un joueur suspendu.
Connu dans le district du Jura comme le déplacement le plus lointain de la saison, le FC Haut-Jura arrive pourtant à s’attirer la sympathie de ses adversaires. Entraîneur de l’Union sportive Crotenay Combe d’Ain, Jean-Pierre Grappe avoue son bonheur de se rendre à Bois d’Amont chaque saison : « C’est un club qui a des valeurs humaines. Des gens avec le sens de l’hospitalité. Nous sommes toujours bien accueillis lorsque nous allons chez eux. Il y a un esprit club avec une convivialité qu’ils cherchent à tout prix à conserver. Nous préférons faire vingt kilomètres de plus et bien être accueillis plutôt que de rencontrer des clubs qui sont dans un rayon de quinze kilomètres, mais avec qui ça va être la guéguerre. » Ici, la guéguerre se situe plus au niveau de la FFF, qui se contente de reporter les rencontres à plusieurs reprises avant de les reprogrammer en catastrophe durant le mois de mai. Un manque de considération qui énerve Jean-Pierre, qui prend alors la défense du voisin : « Tous les clubs s’accordent à le dire : on ne comprend pas comment le district ne peut pas adapter le calendrier de façon à ce qu’on aille jouer à la belle saison. » En attendant, les joueurs devront continuer à jouir du football au rythme des reports et dire adieu à la tranquillité des fériés du mois de mai.
Par Hugo Lallier et Steven Oliveira
Tous propos recueillis par HL