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FC Barcelonnette, pres que un club
Josep Maria Bartomeu possède un petit frère. Président du FC Barcelonnette, Philippe Esmenjaud mène la barque de son club dans l’ombre de l’ogre catalan. Et l’institution du BFCU file droit, à l’image de l’exemplaire politique de son patron. Interview avec un homme de valeur.
Bonjour Philippe. Le FC Barcelonnette est-il mès que un club ?
Oui, on peut le dire ! Il y a un vivier assez important de jeunes, puisque nous avons une centaine de licenciés. En réalité, le club s’appelle le BFCU (Barcelonnette Football Club Ubaye, ndlr). C’est l’équipe de toute la vallée. La population globale est d’environ 7000 personnes, donc cela reste possible de faire une équipe. En plus, nous avons l’avantage que nos joueurs ne peuvent pas vraiment aller jouer ailleurs, car nous sommes assez éloignés des autres équipes.
Finalement, vous avez aussi ce côté produit local, comme au Barça…Tout à fait. Tous nos jeunes sont issus de notre propre formation, ce sont des joueurs du cru. Et c’est pour cela que nos U19 marchent bien en ce moment, les coachs se sont investis à fond avec eux et ils se sont entraînés pendant cet hiver où la température atteignait -8 ou -10 degrés en plein mois de décembre… Il y avait de la neige, de la boue, mais cela a fini par payer en fin de saison grâce à un super état d’esprit.
Et comment s’est passée votre dernière saison ? Les U19 sont notre grande satisfaction. Ils terminent deuxièmes du championnat, et remportent la coupe des Alpes en éliminant deux équipes de DHR, Manosque en quarts et Gap en demies, avant de remporter la finale contre Sainte-Tulle, 2 à 1.
Notre potentiel chez les jeunes est excellent, des U13 aux U19. Sur la saison, les U19 perdent deux matchs, c’était une grosse équipe. En seniors en revanche, c’est un peu plus compliqué. Nous n’avions plus d’équipe l’année passée pour jouer en District 2, et nous allons la recréer la saison à venir, donc on va démarrer en District 4, le niveau le plus bas de la catégorie. Le club se situe dans une vallée un peu isolée. Nos joueurs sont issus de cette vallée, mais cela limite notre capacité de recrutement, car l’accès à Barcelonnette n’est pas évident.
Combien de mandats avez-vous fait en tant que président du club ? Je dois en être à une quinzaine d’années, là. Je suis arrivé au début des années 2000 en tant que président, mais je suis au club depuis toujours. J’ai commencé en joueur, puis en entraîneur. Ensuite, je suis passé dirigeant, et le statut de président est arrivé dans la logique des choses. C’est une forme de fidélité au club.
Parmi vos joueurs phares, qui est le Lionel Messi du FC Barcelonnette ? Nous avions deux jeunes en U19 qui étaient vraiment au-dessus du lot cette saison. Tellement bons qu’ils vont aller jouer à Gap l’année prochaine. Un milieu gauche, Dylan Robert, et un libéro avec Adrian Franchino. Dylan, c’était notre Lionel Messi, un gaucher très rapide et technique.
Nous sommes en pleine période de mercato. Est-ce que vous vous êtes penché sur le dossier Marco Verratti pour intégrer l’équipe première ?
Verratti, ça va être difficile car nous sommes bien isolés. Notre technique, c’est plutôt de faire passer des informations dans la presse pour demander à ceux qui sont susceptibles de jouer de se présenter pour l’année à venir. Ça ne marche pas trop mal, il y a cinq ou six joueurs potentiels que nous avons pu récupérer de cette manière, cela permet de densifier nos effectifs. Après, nous avons un coach qui a côtoyé les plus grands : Gildas Roberdel. Dans les sélections de détection de la région nantaise, il était le coéquipier de Didier Deschamps et Marcel Desailly chez les cadets. Un bon entraîneur.
Si vous deviez détailler le style de jeu de votre équipe, vous êtes plutôt toque ou kick and rush ? Plutôt du ballon dans les pieds, des passes courtes, on se rapproche là aussi du FC Barcelone. Nous n’avons pas les mêmes joueurs, mais nous apprécions beaucoup les successions de passes.
En revanche, vous jouez davantage en jaune et rouge qu’en bleu et grenat… Oui, ce sont nos couleurs traditionnelles. Si on devait comparer notre maillot à celui d’un club plus connu, ce serait le RC Lens. Un moment, nos maillots étaient vraiment similaires. Mais il faut savoir que cela est lié aux couleurs traditionnelles de la Catalogne. Barcelonnette a été créée par le comte de Barcelone, qui souhaitait l’appeler la petite Barcelone. Deux villages existants s’appelaient Saint-Pons et Faucon, et le comte a créé Barcelonnette à égale distance entre les deux villages.
Est-ce que vous avez déjà pensé à prendre votre indépendance vis-à-vis de la FFF ? Non, mais nous avons aussi un comité d’Ubaye libre dans la vallée, le QCUL. Après, c’était plus folklorique qu’autre chose…
Quand le FC Barcelone a fait sa remontada contre le PSG la saison dernière, vous étiez dans quel état ?
Quand un club français joue la Coupe d’Europe, je vais supporter le club en question. Mais pour le coup, comme j’aime bien les émotions, j’étais plus devant ma télé pour avoir des sensations fortes. Cette qualification, le Barça l’a méritée et c’était une bonne chose pour eux. Ce jour-là, Paris a fait un non-match, avec la statistique d’une seule passe réussie dans les dix dernières minutes, tu ne peux pas espérer passer. Donc pour moi, leur élimination était elle aussi méritée.
Vous avez déjà cherché à organiser un match amical avec le FC Barcelone ? Non, cela ne nous effleure pas l’esprit.
Mais en toute franchise, vous ne pensez pas qu’un match avec des catégories de jeunes serait réalisable ?
Pourquoi pas. Ouais, pourquoi pas… Cela pourrait être une bonne idée pour promouvoir notre club et notre histoire. Après, on aurait dû le faire cette année, avec une équipe à bon niveau. Parce que pour faire une opposition intéressante, cela vaut le coup. Mais jouer contre leurs équipes de jeunes et en prendre 15 avec un but à chaque action, ce n’est pas très rigolo. Ni pour eux, ni pour nous. Ça vous dirait que certains de leurs joueurs puissent venir jouer chez vous en prêt ? (Rires) Ah oui, on prend avec plaisir ! Même si les joueurs viennent de l’équipe 6 ou 8 du Barça, cela nous convient.
Quelles sont vos ambitions pour la saison à venir ? On sort d’une excellente saison au niveau du club, et on souhaite que la dynamique soit la même cette année. Même si dans les faits, ce sera dur. Pour nos seniors, nous envisageons directement la montée. Comme on repart du plus bas avec des matchs aléatoires, parfois sans arbitre, c’est compliqué… On sait qu’il faut passer par là donc on y va, mais ce n’est pas une partie de plaisir. Au niveau de l’effectif, nous sommes autour de 24-25 joueurs, et je compte bien arriver à 30. On devrait avoir ce qu’il faut pour la montée.
Vous comptez organiser quelque chose en particulier pour l’étape à venir du Tour de France ? Bien sûr, on va la regarder avec attention déjà. J’ai un bar à Barcelonnette que je tiens depuis 35 ans, le Choucas. D’ailleurs, si vous voulez passer un jour, je vous invite. Mais c’est vrai que quand je fais quelque chose, j’aime bien le faire sur la longueur.
Propos recueillis par Antoine Donnarieix