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Favre, le retour de la salopette

Par Maxime Brigand
6 minutes
Favre, le retour de la salopette

Assis sur quatre défaites consécutives toutes compétitions confondues et dix petits points récoltés en dix matchs de Ligue 1, l’OGC Nice dort depuis dimanche dernier à la quatorzième place du championnat. Et doit désormais affronter le leader parisien.

Un stylo coincé derrière l’oreille, perché au-dessus de son chantier, Lucien Favre se gratte la tête à la manière d’un gosse perdu après l’ouverture de sa boîte de Lego. Interrogé par quelques observateurs venus voir l’état d’avancement de travaux débutés il y a maintenant 116 jours à l’occasion de la visite de Strasbourg dimanche après-midi, Lucien Favre ne s’est pas planqué : son nouveau projet prend du retard. Pire, il stagne, et la manière pourrait désormais être mise de côté pendant quelque temps pour ne pas froisser le costume d’un patron qui a pris sur lui ce week-end pour ne pas mettre le mot crise sur la situation traversée actuellement par l’OGC Nice. « Il va falloir sortir le bleu de travail et être prêts à gagner des matchs à la raclette » , a alors soufflé Favre dimanche, quelques minutes après le passage devant les micros de son collègue, Thierry Laurey, qui a tenu à dessiner des « circonstances atténuantes » (le fait que Nice ait joué trois matchs en huit jours, ndlr) à sa victime du jour.

Le Gym vient alors de tomber pour la troisième fois de la saison à l’Allianz Riviera, la deuxième consécutive, là où il n’avait glissé qu’à une seule reprise la saison dernière lors de l’avant-dernière journée de Ligue 1 face à Angers (0-2). Après dix journées de championnat, trois de Ligue Europa et quatre soirées en C1, le tableau est couvert de taches : neuf défaites toutes compétitions confondues – dont un quatre à la suite en cours qui a certainement fait sourire Julien Lepers –, une confiance qui s’effrite, l’impression que ce groupe a une insolente tendance à se compliquer la vie là où il pourrait être si beau en se la simplifiant et plusieurs inconnues à une équation que Favre avait présentée dès les derniers jours de l’été. C’était à Amiens, le soir d’une autre défaite face à un promu (0-3), le 26 août dernier : « Je ne suis pas inquiet, car je ne suis pas surpris. Il faut se remettre au travail. On a vu peu de choses. Il manque une entente collective, ce n’est pas huilé. »

« Il faut remplacer le matériel qui était là »

Depuis ce voyage chahuté sur le dos de la Licorne, son discours n’a pas vraiment évolué. Après la défaite logique subie face à Strasbourg dimanche (1-2), Lucien Favre a de nouveau sorti sur la table un discours fabriqué autour d’une notion qu’il juge sacrée depuis le début de sa carrière d’entraîneur : « Il y a un problème d’équilibre, certains joueurs peuvent jouer dans un système, mais pas dans un autre. » Une constante depuis le début de saison et une béquille pour un coach qui a construit l’ensemble de ses succès sur sa flexibilité tactique et qui racontait il y a quelques mois dans un entretien donné à L’Équipe Magazine que « tout est question d’adaptation » , tant qu’il y a le mouvement.

C’était la force de la première version de son OGC Nice, brillante médaille de bronze de Ligue 1 la saison dernière. C’est son angoisse aujourd’hui et il ne faut pas aller bien loin pour trouver de premières explications : cet été, le Gym a fait sauter la majorité des boulons essentiels à son bon fonctionnement (Dalbert, Ricardo Pereira, Belhanda, Baysse, Eysseric) et est revenu sur la piste avec un mercato « bricolé » que Lucien Favre ne s’est jamais caché pour dénoncer. « Pour construire, il faut remplacer le matériel qui était là et on ne l’a pas remplacé, loin de là » , avait alors balancé le Suisse après la défaite contre Naples (0-2) le 22 août, synonyme de billet donnant accès à la phase de poules de la Ligue des champions déchiré.

Funambule

La semaine écoulée – défaite à Montpellier (0-2), contre la Lazio (1-3) et face à Strasbourg (1-2) – aura particulièrement nourri l’argumentaire de Lucien Favre là où Jean-Pierre Rivière, le président niçois, s’est refusé de revenir sur une parenthèse estivale dont il était sorti sans « optimisme débordant » mais également « sans inquiétude » . Porté par deux derniers exercices excitants, Nice devait cette fois grandir sportivement, franchir un cap, tout en s’astreignant à jouir à moindre frais. Difficile tant la lessive effectuée durant l’été a été particulièrement violente pour le style prôné par Favre, ce qu’il a détaillé également après son indigestion strasbourgeoise : « On n’est pas bons dans la récupération collective, il y a des trous, il faut travailler à onze, sinon vous êtes morts.(…)La saison passée, on pouvait faire un pressing haut, pas là. Il faut se remettre à jouer plus simplement. On regarde trop ce qui s’est passé la saison passée : on part devant sans penser qu’on peut se faire contrer. »

Ce qu’a fait Nuno Da Costa dimanche, condamnant avec son doublé le 4-3-3 niçois, dernière expérimentation listée du professeur Favre. Face à Strasbourg, le Suisse a une nouvelle fois bousculé son système, en partie à cause de l’absence de ses trois meilleurs joueurs de la saison (Le Marchand, Seri, Balotelli) : un 4-3-3 pendant trente minutes, un 4-2-3-1 ensuite avec Srafi en dix jusqu’à la mi-temps et Sneijder ensuite. Pas une réussite, loin de là, tant le jeu niçois nécessite une fluidité de tous les instants et surtout un nombre d’erreurs individuelles quasi nul.

Comme un avion sans aile

Un problème de confiance, d’abord : Pléa qui empile les occasions ratées – même si dimanche il a surtout trouvé un Bingourou Kamara élastique sur sa route –; Dante qui fuit les duels et qui défend en reculant ; Cardinale qui ne dégage plus aucune sérénité ; ou encore Koziello qui ne prend plus aucun risque et qui se montre incapable de prendre les clés du camion lorsque Jean Michaël Seri est absent. Une recherche tactique, aussi : cette saison, Lucien Favre cherche encore un système où installer durablement Lees-Melou, où faire vivre un Saint-Maximin en passe de retomber dans ses gourmandises et où surtout harmoniser un ensemble qui ne tient pour le moment plus sur pied.

Une raison simple à ça : la saison dernière, Nice construisait la majorité de son jeu sur la vitesse de ses latéraux, bases de ses combinaisons offensives. Dalbert et Ricardo Pereira partis, le Gym a perdu ses ailes, Jallet et Souquet ayant deux profils plus classiques, ce qui a permis aux bras strasbourgeois (Liénard, Gonçalves, Lala) de s’agiter sans trop de problème. Pour compenser, Favre multiplie les tests dans un laboratoire qui fume assez pour prouver au président Rivère que non, le Nice d’aujourd’hui n’a déjà plus rien à voir avec le Nice d’hier. Oublions alors le style et place à la raclette : un déplacement au Parc, où le Gym a rendez-vous vendredi, n’est pas le meilleur endroit pour se rebiffer.

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