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« Faut pas se mentir : marquer autant flatte aussi un peu ton ego ! »

Propos recueillis par Romain Duchâteau
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Sébastien Haller affole le championnat néerlandais depuis un an. 4e meilleur buteur français sur l’année civile 2015, l'ancien joueur formé à Auxerre enfile les perles au FC Utrecht. Entretien posé avec un homme dont le maître-mot est limpide : marquer.

Plus jeune, tu n’as pas commencé par le foot, mais le judo. Quand est-ce que le foot est apparu comme une évidence pour toi ? Franchement, tout de suite. C’est juste qu’à mes débuts dans le sport, j’avais été jugé trop jeune pour commencer le foot d’après certaines personnes. Ma mère m’a donc inscrit au judo. Au début, c’était assez sympa, assez marrant. Mais au bout d’un moment, ça m’a vite lassé et je suis moi-même allé chercher les papiers d’inscription au club de football de ma ville (rires). Puis les coachs de Vigneux, qui étaient des gens du quartier, m’ont vu aussi jouer et m’ont conseillé de le faire. Très vite, j’ai préféré les terrains de foot aux tatamis.
À tes premiers pas, tu es resté deux ans au CS Brétigny, club où sont notamment passés Jérémy Ménez, Patrice Évra ou encore Mehdi Benatia. Quels souvenirs en gardes-tu ? Je suis effectivement resté deux années là-bas, mais c’était une période très courte. J’ai eu la maladie d’Osgood-Schlatter et ça m’a pratiquement éloigné des terrains pendant toute une saison juste avant de venir à Auxerre. Le souvenir que j’en garde principalement, c’est qu’il y avait des gens compétents et que c’était un club bien structuré. Ça faisait vraiment plaisir de travailler dans un cadre propice au développement. On avait vraiment l’impression que le club pouvait nous donner de bonnes bases pour notre avenir. Ça fonctionne très bien là-bas. Je ne connais pas les secrets ou les petits trucs qui font que beaucoup de joueurs réussissent à Brétigny, mais je n’en ai que des bons souvenirs.
Très tôt, tu as toujours été le plus grand et le plus costaud dans tes équipes. C’est en raison de ce physique longiligne que tu as choisi d’évoluer en tant qu’attaquant (il mesure aujourd’hui 1m90, ndlr) ?
Non, pas du tout. Honnêtement, j’ai toujours aimé marquer des buts. Pour moi, le football, c’est ça. C’est quelque chose que j’appréciais particulièrement et que j’essayais de vraiment faire tout le temps. Car je prenais énormément de plaisir à inscrire des buts. C’est ça qui me motivait et me tenait en éveil. C’était un besoin. Je ne m’y suis pas senti obligé, c’est quelque chose qui m’est venu comme ça, sans me poser de question. Naturellement et instinctivement. D’accord, on prend beaucoup de plaisir à courir, faire des passes, etc. Pour moi, le plus important, ça reste le but. Si je ne marque pas durant un match, je vais être un peu frustré après. Faut que j’en mette un, faut que j’éprouve cette sensation (rires).
Ton arrivée à Auxerre s’est déroulée dans des circonstances particulières. Ton éducateur de Brétigny te fait croire que tu vas simplement participer à des entraînements alors que tu vas en réalité effectuer une détection. Et tu es finalement retenu… Au départ, on m’a juste dit qu’on allait jauger mon niveau, faire des entraînements, tout ça. Au final, j’arrive dans un endroit où il y a, je ne sais pas, peut-être cinquante joueurs qui sont en fait là pour faire une détection. Je me suis dit : « Oulalala ! Où est-ce que j’arrive ? » Mais après, ça s’est plutôt bien passé, même si je n’ai pas le souvenir d’avoir si bien joué que ça (rires). Les dirigeants auxerrois ont ensuite contacté mes parents pour dire qu’ils voulaient me voir après le stage. On ne savait pas trop ce que ça voulait dire… C’était en fait pour intégrer le centre de formation. À partir de ce moment-là, il y a eu un déclic. On a pris conscience que j’entrais dans un rêve. J’étais sorti de l’entretien avec un maillot. J’étais heureux parce que j’allais jouer l’année suivante avec l’AJ Auxerre ! C’était fantastique. Je rejoignais un club professionnel et, en même temps, je ne me suis pas véritablement rendu compte, car je me demandais comment j’allais réussir à devenir joueur professionnel.
À treize ans, tu quittes donc tes parents pour une famille d’accueil de Champs-sur-Yonne. Comment vit-on cela quand on n’est alors qu’un gamin ? J’ai toujours voulu m’émanciper en quelque sorte. Je suis quelqu’un d’assez autonome et j’aimais déjà faire les choses comme les grands. Plus jeune, je me rappelle avoir été dans des colonies de vacances. Donc, la distance, ça ne m’a pas dérangé plus que ça. Il y a aussi le fait que tu vives un rêve, donc tu es dans ton truc. Tu joues au foot tous les jours, je n’ai pas eu le temps de me rendre compte que mes parents étaient loin. Après, je n’étais qu’à 150 kilomètres d’eux, ce n’était pas non plus à l’autre bout du monde. Franchement, je l’ai très bien vécu. C’était simple parce que la famille d’accueil a été d’une grande aide pour moi. La mère d’un autre garçon qui jouait avec moi à Auxerre a été très cool. Je me souviens également qu’on avait très peu de temps libre à l’époque, que les horaires étaient assez stricts. Et je pense que c’est ce qui nous a permis de grandir plus vite, notamment intellectuellement. C’était quelque chose de carré. Certains en ont pris conscience, d’autres non…

Utrecht m’avait appelé fin octobre 2014 pour me demander si j’étais chaud. Comme ça, d’un coup, non, je ne l’étais pas, car je ne savais pas ce que j’allais trouver là-bas, alors que je savais ce que je quittais.

En Bourgogne, l’intégration se passe idéalement puisque tu claques 50 buts en une saison avec les 14 ans fédéraux, un record… J’en suis fier, mais j’ai réussi ça à l’époque grâce à mon coach et mes partenaires. Parce que je sentais qu’on me poussait à aller battre ce record. Le dernier match de la saison, il me semble que j’ai mis six buts et c’est ce qui a fait que j’ai battu le record. Tout le monde me faisait d’ailleurs des passes pour que je marque le maximum de buts. Ça reste un moment qui m’a marqué.
À l’époque, ton éducateur, Jérémy Spender, te voit des similarités avec Trezeguet en raison de ton « sens du but » . Mais toi, tes modèles étaient Henry, Drogba ou encore Raúl, c’est vrai ?
C’est exactement ça. Il me comparait à Trezeguet car, à Auxerre, je n’aimais pas défendre. J’avais juste à faire un peu le renard des surfaces, à attendre quelques ballons qui passaient. J’ai toujours eu ce sens du but, ce qui m’a permis d’avoir un temps d’avance sur ce point-là. Et j’aimais surtout marquer de beaux buts. En grandissant, j’ai tout de même compris qu’il fallait aussi mettre la main à la pâte et être utile à l’équipe pour d’autres choses.
Progressivement, tu franchis les étapes à Auxerre jusqu’à atteindre le groupe professionnel. J’imagine que ça a été un accomplissement quand tu as fait ta première apparition en pro, en juillet 2012…J’attendais ce moment avec impatience. Je sentais que ça allait arriver parce que j’avais fait quelques entraînements la saison d’avant avec l’équipe première. J’ai tout de suite été intégré au groupe, presque directement en tant que titulaire. J’étais dans le truc, dans la continuité et je n’ai pas été dans une phase de stagnation. Après la CFA, les pros. Je n’ai pas réfléchi plus que ça.
En trois saisons passées en Bourgogne, tu n’as pourtant marqué qu’à huit reprises en 57 rencontres. Pourquoi, selon toi, cela n’a pas fonctionné ? Beaucoup de choses. J’ai une part de responsabilité, ce qui est tout à fait normal, car c’est moi qui jouais. Après, en trois ans, on a changé trois fois de coach. Ce n’était pas évident pour la stabilité. Chaque coach demandait une chose différente, les points de vue divergeaient. Il y avait également une certaine pression, puisque comme on était l’AJ Auxerre, il fallait qu’on gagne le championnat tous les ans. Ce n’était vraiment pas très stable comme environnement. J’essayais de faire mon petit bonhomme de chemin. En pro, ce sont les résultats qui priment avant tout. J’étais parfois titulaire, remplaçant et parfois non retenu dans le groupe. J’ai tout de même réussi à connaître les Espoirs en Bleus, mais je ne jouais plus en Ligue 2. Je ne regrette rien, parce que ça m’a permis de mûrir et de prendre conscience de plusieurs choses. Par rapport, notamment, au travail et à la mentalité.
Et c’est pourquoi tu fais le choix de rejoindre le FC Utrecht en janvier 2015 ? Tu as récemment affirmé que tu n’étais pas vraiment partant à l’idée de partir là-bas… De base, oui. On m’avait appelé fin octobre 2014 pour me demander si j’étais chaud. Comme ça, d’un coup, non, je ne l’étais pas, car je ne savais pas à quoi m’attendre. Je ne savais pas ce que j’allais trouver là-bas, alors que je savais ce que je quittais. Je n’étais pas sûr non plus de jouer… J’ai donc pris le temps de la réflexion pour savoir si ma situation allait évoluer à Auxerre. Un mois après, j’ai été relancé, et comme ma situation n’avait pas changé, j’ai pris la décision de connaître autre chose. Un nouveau challenge. Ça ne me dérangeait pas de sortir de mon confort, de mon cocon. Comme Auxerre était mon club formateur, le statut était différent. Là, j’arrivais dans un nouveau club où rien n’était acquis et où je devais prouver.
Pour ton sixième match en Eredivisie, tu plantes un quadruplé contre Dordrecht, une performance que personne n’avait réalisée depuis Bas Dost en 2011. On peut dire que t’as réussi ton entrée en scène…C’est clair. Dès les premiers jours, que ce soient le staff, les joueurs ou les fans, ils ont été très accueillants. Ça m’a beaucoup aidé. Tu te sens soutenu, tu sens que tu es quelqu’un, tu te sens considéré. Tu es respecté, ça fait du bien. Moralement, ça aide énormément. Parce que tu débarques dans un nouveau pays, tu ne sais pas trop à quoi t’attendre. Au final, tout se passe pour le mieux. Ça donne également envie de faire un petit plus pour eux.
D’aucuns se sont étonnés de te voir partir au sein du championnat néerlandais. Édouard Duplan, ton ancien coéquipier à Utrecht et aux Pays-Bas depuis 2006, nous confiait en avril dernier qu’ « il y a beaucoup de jeunes joueurs français qui sont en manque de temps de jeu et qui pourraient trouver aux Pays-Bas tout ce qui leur fait défaut en France » . Tu partages son avis ?
Je pense exactement la même chose. Beaucoup de joueurs qui sont en Ligue 1 ou Ligue 2 devraient oser. Ceux qui sont prêts à sauter le pas, qu’ils n’hésitent pas. Les Pays-Bas, ça reste un championnat très intéressant qui laisse aux joueurs le temps de s’exprimer. Notamment aux jeunes joueurs. Ici, tu sens quand même moins de pression. Puis c’est agréable d’évoluer dans un championnat aussi ouvert, tout du moins quand tu es attaquant.

J’ai beaucoup de liens avec la Côte d’Ivoire, mais ça a été une évidence, naturel, pour moi de choisir la France. Ce pays a adopté ma mère, donc il n’y a pas eu d’hésitation.

Qu’est-ce qui t’a le plus frappé à ton arrivée en Eredivisie ?L’engouement qu’il y a autour du foot et des joueurs. Les supporters sont contents de te voir après le match, ils viennent beaucoup discuter avec toi. C’est en tout cas beaucoup le cas à Utrecht. Ça m’a surpris, j’ai bien aimé. Que le championnat soit aussi ouvert, j’ai vraiment apprécié. Personne n’essaie de se cacher. Tout le monde cherche à jouer au maximum. Même les petites équipes ont cette volonté. Dans un championnat comme la Ligue 2, quand tu es jeune et que tu as besoin de t’exprimer, tu peux perdre un peu ton football. Quand tu dois tout le temps aller au charbon à chaque match, ce n’est pas évident… Aux Pays-Bas, tu sens qu’il y a une vraie réflexion. Ils essaient de mettre en pratique ce qu’ils pensent, en tout cas. C’est ce qu’il faut pour avancer.
Maintenant, tu sembles parfaitement intégré. La preuve, tu es le quatrième joueur français à avoir inscrit le plus de buts (25 toutes compétitions confondues en club, ndlr) sur l’année civile 2015, derrière Giroud, Griezmann et Gignac, mais devant Benzema. Est-ce que cette réussite n’est pas ton vrai cadeau de Noël finalement (interview réalisée avant Noël, ndlr) ?
Ça fait du bien de pouvoir rentrer chez soi après avoir bouclé une année civile de cette façon. Lorsque j’ai fait le choix d’aller à Utrecht, je ne me suis pas dit une seule seconde que j’allais mettre autant de buts que les stars de l’équipe de France A. Forcément, ça me réjouit, ça me donne envie de continuer, ça me booste. Et il ne faut pas se mentir, ça flatte aussi ton ego (rires).


Hormis Utrecht, il y a aussi l’équipe de France qui occupe une place importante dans ton parcours. Choisir les Bleus plutôt que la Côte d’Ivoire (sa mère est ivoirienne, ndlr), c’était quelque chose de naturel pour toi ?
Oui, parce que je suis né en France, que j’ai tout vécu en France. J’ai beaucoup de liens avec la Côte d’Ivoire, mais ça a été une évidence pour moi de choisir la France. C’était un choix naturel. C’est le pays qui a adopté ma mère, donc il n’y a pas eu d’hésitation.
En 2011, tu as la chance de participer à la Coupe du monde des U17. Ça reste une jolie expérience à tes yeux ?C’est clair. C’était au Mexique, un superbe pays où il y a beaucoup de choses à découvrir et connaître. On a pu se mesurer à des joueurs du monde entier, c’était donc logiquement une bonne expérience. Tu en ressors grandi et quand tu retournes en club, tu as ce petit truc en plus. Tu connais les autres nations et sais comment ça se passe un peu de leur côté.
Après ça, tu n’a plus été appelé chez les Bleus pendant près de deux ans. Est-ce une période où tu as douté et cogité ? J’ai toujours été appelé en sélection. Même si j’ai moins été appelé en U18 et U19. J’ai notamment raté le championnat d’Europe des U19. Je le comprenais un petit peu parce qu’au regard de mes performances en club et de mes statistiques, je ne pensais pas mériter une place parmi le groupe… J’avais vécu pas mal de choses avec cette équipe de France, mais ce n’était pas un passe-droit afin d’accéder à ça. C’était le choix du coach et c’était un mal pour un bien.
Chez les différentes catégories de jeunes tricolores, tu as côtoyé Kurt Zouma, Adrien Rabiot ou encore Anthony Martial, qui évoluent aujourd’hui tous dans de grands clubs sur la scène européenne. Toi aussi, ça fait partie de tes prochains objectifs de rejoindre une équipe d’une plus grande envergure ? C’est forcément un objectif. Quand on est compétiteur, on aspire à atteindre le meilleur niveau possible. Jouer dans une plus grande équipe et disputer la Ligue des champions, c’est l’un de mes principaux objectifs. Après, à moi de m’en donner les moyens et de faire ce qu’il faut pour espérer un jour y arriver. C’est quelque chose qu’il faut mériter. C’est en marquant des buts, en étant performant et important pour son équipe qu’on obtient sa place parmi l’élite.
Pour terminer, qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour l’année 2016 ?Des buts, des buts et encore des buts (rires) ! Toujours des buts. C’est ce qui me permet de tenir debout.

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Propos recueillis par Romain Duchâteau

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