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Faut-il s’inquiéter pour Tottenham ?
En difficulté, Tottenham ? Malgré un bilan comptable pas catastrophique (4 points en trois matchs, avec un déplacement à City), les Spurs sont déjà sous pression au moment de se déplacer à Arsenal. Pourquoi ? Parce qu'au-delà des points, l'équipe est en fin de cycle. Et Pochettino le sent.
Mauricio Pochettino a un léger trou entre ses incisives. Seulement, on le sait peu, pour deux raisons principales : d’abord parce que les caméras de télévision anglaises pénètrent rarement aussi intimement dans l’anatomie de leurs sujets, et ensuite parce que Mauricio Pochettino n’est pas un homme qui sourit souvent. Pourtant, le vendredi 30 août dernier en conférence de presse, ce fût sa première réaction à la question suivante, balancée comme de l’huile sur le feu par un journaliste à lunettes : « Les rumeurs disent que vous allez partir après le derby de Londres. Que répondez-vous à cela ? »
L’Argentin a alors retroussé ses lèvres, baissé la tête, secoué celle-ci de droite à gauche et, après avoir planté ses yeux dans le blanc de ceux de son interlocuteur persifleur, répondit ceci : « Qu’est-ce que je peux répondre aux rumeurs stupides ? C’est ma sixième saison ici. Et vous savez combien nous avons travaillé cet été pour reconstruire l’équipe, la ré-actualiser. Nous avons eu la version 1.0, puis 2.0, 3.0, 4.0, 5.0, et maintenant la 6.0. (…) Je ne partirai pas après le derby. Je serai là lundi et mardi. Mercredi et jeudi, je voyagerai, mais je ne veux pas vous dire où, c’est personnel. Puis vendredi je serai de retour à Londres, j’ai un rendez-vous avec Daniel (Lévy). Mon weekend, je le passerai devant ma TV à regarder jouer les équipes nationales. Et lundi je préparerai la semaine à venir. Je ne partirai pas. Je ne suis pas le genre de personne qui envoie des messages à travers les réseaux sociaux. » Hochement de caboche entendu, fin de la conférence. Et une confirmation : non, Tottenham ne passe pas un début de saison apaisé.
La règle des quatre ans
À vrai dire, tout a commencé en février dernier, au soir d’une anonyme victoire décrochée à domicile devant Leicester (3-1). On était alors le 10 du mois, Davinson Sánchez, Eriksen et Son s’étaient partagés le gâteau et, trois jours plus tard, la même bande allait croquer Dortmund dans les mêmes cuisines (3-0). C’était, à l’échelle de la Premier League, il y a quinze matchs. Et depuis, le parcours en Ligue des champions l’a sûrement éclipsé, mais les Spurs n’ont gagné que quatre fois en championnat. Et gare à la gueule des cadors : Crystal Palace, Brighton, Huddersfield et Aston Villa. Alors, malgré le match nul diablement bien payé décroché contre Manchester City, après la défaite contre Newcastle dimanche dernier (la 15e de 2019), Harry Kane a ouvert a eu besoin de parler. « J’avais dit avant le début de saison que si nous pouvions faire la course en tête pour obtenir un élan, peut-être en gagnant pendant deux ou trois mois sans perdre de points, nous pourrions rivaliser avec Manchester City et Liverpool. Maintenant, cela signifie que nous allons devoir gagner des points dans les gros matchs. » Voilà qui tombe bien, le derby de Londres se profile. Parfait pour se racheter un peu de crédit.
En réalité, sans tomber dans le dramatisme, il convient précisément de prêter attention aux moindres variations sismiques londoniennes car Tottenham est à un point de bascule de son histoire. Et Pochettino le sait. Il avait lui-même semé les graines d’un possible envol en cas de victoire finale en C1, et a passé l’été à tenter de redynamiser un groupe qui, mine de rien, commence à connaître le refrain. De quoi donner encore plus de consistance au désormais célèbre : « A four-year cycle is probably the most you can achieve in terms of success » * de Sir Alex Ferguson, alors que Maurice entame, comme il le susurre bien lui-même, sa sixième ronde, après avoir probablement atteint le pic des possibilités de cette génération-ci. L’ossature est la même depuis quatre ans : Lloris, Vertonghen, Alderweireld, Rose, Davies, Dier, Alli, Eriksen, Kane, Son.
Mais Pocchetino n’étant pas Sir Alex, il n’a pas viré Dele Alli. Il n’a pas vendu Kane. Il n’a pas acheté Dybala et n’a que peu transformé le visage de son équipe, les arrivées conjugués de Lo Celso et Ndombele n’étant pas destinées à bousculer le visage du onze de départ. À l’été, après avoir confirmé qu’il restait à son poste, l’Argentin avait d’ailleurs évoqué son envie de « reconstruire l’équipe » . Pour quel résultat ? Un bon mercato, certes, mais pas l’ombre d’une refonte en profondeur.
Instabilité
La profondeur, justement : le cas d’Eriksen, en fin de contrat en juin prochain et dont Daniel Lévy refuse de rencontrer l’agent, Martin Schoots, est toujours sur la table. Jan Vertonghen veut se carapater au Bayer Leverkusen (info Kicker), Aurier est sur le départ et Victor Wanyama vient de signer à Bruges. Tant d’éléments résumés en : « C’est la fenêtre mercato la plus instable depuis mon arrivée » par la Poch’, qui en rajoutait une couche après Newcastle. « Le problème est pendant la semaine, pas quand la compétition arrive. C’est le genre de défaite qui arrive en Premier League. C’est pour cela que vous devez créer une très bonne dynamique et un esprit d’équipe fort et, en ce moment, la situation dans le groupe en est très, très loin. Le groupe est encore instable et nous devons trouver des solutions. » Toujours est-il qu’à slalomer entre les jambes de la lassitude, le « groupe » actuel n’a plus gagné de match à l’extérieur en championnat depuis janvier dernier (Fulham, 2-1). Que les supporters des Spurs se rassurent : au moins, Arsenal joue à Londres.
Par Théo Denmat
« Un cycle de quatre ans est probablement ce que vous pouvez obtenir de mieux en termes de succès »*