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Faut-il laisser gagner son petit cousin à FIFA ?
Dans le monde d'avant, quand la Covid n'existait pas, il y avait de grandes réunions de famille pour Noël. L'occasion de taper un FIFA avec le petit cousin. Alors au cas où ce jour reviendrait, voici quelques conseils sur l'attitude à adopter.
Ça commence à être très long. Même si l’assemblée est considérablement réduite à cause d’un virus qui s’est lui tapé l’incruste à peu près partout, le repas de Noël est toujours aussi interminable. Tu ne sais pas ce qui va exploser en premier : ton bide ou ta caboche ? Pourquoi est-ce qu’on a prévu autant de bouffe alors qu’on est trois fois moins que les autres années ? Et surtout, quand est-ce que ton père et ton oncle vont arrêter leurs débats avinés ? La covid, Macron, les vaccins, ton avenir, ce que font les voisins, la météo, le film Hold-Up, les religions : tous les sujets que tu voulais absolument éviter y sont passés. Même lorsque ça a parlé football, tu as cru que tu allais renverser la table quand le débat Benzema en équipe de France est arrivé dessus. Il est temps de s’éclipser avant le dessert avec le seul convive qui s’en carre autant que toi de tout ça : ton petit cousin de 10 ans. On allume la console et on branche FIFA. Mais un dilemme se pose : faut-il le laisser gagner ?
Humiliation ou trahison ?
On dit souvent que le meilleur moyen de respecter l’adversaire, c’est de jouer correctement, quitte à lui coller un score. Les Allemands sont donc très respectueux quand ils désossent le Brésil en Coupe du monde ou le Barça en Ligue des champions. Mais pour le Dr Anne Senequier, il n’est pas si facile d’accepter cet adage pour un enfant face à un adulte. « Cela risque un peu d’enlever de l’intérêt au jeu et à ce moment de retrouvailles si le petit bout repart en pleurant parce qu’il a perdu, assure la pédopsychiatre. Si on l’écrase pour le plaisir et qu’il boude pour le reste de Noël, ce n’est pas très pertinent et cela peut altérer sa confiance en lui. » D’ailleurs, force est de constater que les Brésiliens et les Barcelonais, des joueurs de football professionnels et donc émotivement plus stables qu’un enfant, ont plutôt vécu leur rouste comme une humiliation, et non pas comme un honneur.
Il est alors exclu de pousser le petit cousin au rage-quit en l’assommant de pions. D’autant que si vous rejoignez la table en ayant fait pleurer le gosse, le dessert risque d’être encore plus difficile à supporter. Feindre la défaite pour lui faire plaisir est-il alors une bonne solution ? « Cela dépend de la relation que l’on a avec l’enfant. Si on ne le voit qu’une fois par an, qu’il est très sensible et qu’on est dans une compétition bon enfant, on peut se permettre de faire une partie ou deux à plein régime puis de le laisser un peu prendre l’avantage ensuite », estime Anne Senequier avant de mettre en garde : « Mais attention, ils ne sont pas dupes. » En effet, l’enfant a de grandes chances de se rendre compte de la supercherie. Si certains se contenteront de ce succès qui n’en est pas vraiment un pour satisfaire leur ego, d’autres sentiront que la victoire n’a pas la même saveur. Pire, il risque de se sentir trahi par un adulte qui lui a menti.
Plutôt coopération
Quelle est alors la solution si on ne doit ni gagner, ni laisser gagner ? Pour la pédopsychiatre, en cas de confrontation trop déséquilibrée avec le petit cousin, il vaut mieux privilégier la coopération. « La règle est simple, si vous pensez que vous allez gagner systématiquement, c’est qu’on n’a pas choisi le bon jeu », affirme-t-elle sans détour. Plutôt que de s’affronter, il est donc plus intéressant de jouer l’un avec l’autre contre l’ordinateur pour le faire progresser et « l’emmener vers la victoire ». En revanche, si la confrontation est plutôt équilibrée, il faut faire preuve de franchise avant de lancer la partie. En expliquant au gamin que vous êtes certainement plus fort et que vous allez jouer à fond pour l’aider à s’améliorer, la défaite sera plus facile à accepter.
« En expliquant les choses d’entrée, en appuyant sur ce qu’il a bien fait et sur le plaisir que vous avez pris ensemble, on s’inscrit dans une logique de tutorat qui est plus saine », explique Anne Senequier. Mais le vrai risque, c’est de se rendre compte que le gosse de 10 ans joue en fait à FUT tous les jours. Et là, avant le dessert, c’est la claque. Le petit cousin a gagné et plutôt facilement. Pas de panique, il n’y a qu’à assurer avec toute la mauvaise foi du monde que vous l’avez laissé gagner. Et de relancer votre tonton pour changer de sujet plus vite : « Et donc, Benzema en équipe de France ? »
Par Kevin Charnay