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Faut-il jouer la prolongation avec Deschamps ?
En début de semaine, Noël Le Graët a officialisé la prolongation de Didier Deschamps jusqu'à 2020. Une décision attendue, mais pas forcément acceptée avec unanimité, car c'est à la lumière des résultats à la Coupe du monde que l'avenir du technicien sera réellement tranché.
« On vient de se qualifier, et ce n’est pas aussi facile qu’on imagine. L’équipe de France progresse avec Didier. On a été au Brésil(quarts de finale), on a fait la finale de l’Euro, je veux lui donner la chance de disputer une nouvelle Coupe du monde et un nouveau championnat d’Europe. Pour moi, c’est le meilleur, il n’y a pas photo, il réussit parfaitement bien, il travaille énormément. » Noël Le Graët ne fait pas dans la demi-mesure quand il s’agit de justifier la toute fraîche prolongation de contrat de Didier Deschamps. Et s’il faut enfoncer le clou pour se justifier, il l’enfonce sans ciller : « Il n’y a personne d’autre capable de prendre le poste en France. » Parce que oui, techniquement, Zinédine Zidane est actuellement à Madrid. Donc hors des frontières, et pas forcément dans une position de demandeur du poste de sélectionneur des Bleus. En offrant un contrat jusqu’à la fin de l’Euro 2020 à Deschamps, Noël Le Graët n’a pas forcément surpris. L’homme est « son entraîneur » , celui qu’il a installé à la tête de l’équipe nationale après l’Euro 2012 en lieu et place de Laurent Blanc. Autant dire que les destins des deux hommes sont liés, et que le président a tout intérêt à privilégier la continuité.
Mondial 2018, le seul juge de paix
Mais en affirmant clairement sa position, avec selon ses précisions le soutien unanime du comité directeur de la FFF, Le Graët a relancé le débat sur la solidité du siège de la Dèche. Pour certains, comme Christophe Dugarry ou même Johan Micoud, sondé dans L’Équipe, il est « difficile d’imaginer Deschamps encore en poste deux ans de plus » si la France se plante en Russie. Sauf que l’ancienne vedette du Werder Brême l’admet, jusqu’à présent, DD est « à la hauteur de la situation » si l’on prend en compte les résultats. Beaucoup moins si l’on se penche sur le contenu : « On attend plus de cette équipe. Elle a tout le potentiel offensif pour faire du spectacle. » Autant Deschamps n’a pas perdu son aura de vainqueur qui connaît rarement des pénuries de résultats, autant sa cote de popularité a chuté ces derniers mois, à cause d’un fonds de jeu français trop souvent poussif malgré la profusion de talents disponibles. En clair, dans l’esprit d’une large partie des observateurs, Deschamps ne serait plus au-delà de la mêlée et doit mériter une prolongation de contrat. Et donc briller au Mondial 2018.
Deschamps comme Löw, Fernando Santos, Southgate et Ventura
Noël Le Graët a fixé le dernier carré comme un objectif raisonnable pour les Bleus. Sans préciser si toute performance en dessous signifierait rupture de l’engagement avec son sélectionneur. Probablement un indice sur la logique de ce nouveau bail pour le numéro 1 de la FFF : conforter la position de Deschamps et donc le mettre dans les meilleures dispositions pour leur tournoi. Une posture loin d’être illogique si l’on considère la situation dans le reste de l’Europe : Joachim Löw en Allemagne, Fernando Santos au Portugal, Giampiero Ventura en Italie ou Gareth Southgate en Angleterre sont tous déjà liés à leur sélection respective jusqu’à l’Euro 2020. On pourra dire que Löw a déjà tout prouvé avec la Mannschaft, que Santos a été récompensé pour la victoire à l’Euro 2016. Et on pourra répondre dans la foulée que Ventura joue la qualification de la Nazionale en barrages, ou encore que Gareth Southgate a encore beaucoup à prouver avec les Three Lions. Dans chacun des cas, la durée du contrat ressemble plus à une marque de confiance qu’à une assurance tout risque.
Aimé Jacquet, expert ès CDD courtes durées
En France, quelques souvenirs de prolongation non consenties avaient d’ailleurs débouché sur des déceptions sportives au début de l’été : Jacques Santini qui annonce son départ à Tottenham dix jours avant l’Euro 2004, un tournoi traversé sans passion avec une élimination piteuse contre la Grèce ; Laurent Blanc, en déficit d’autorité à l’Euro 2012 à cause d’un bail qui arrive à sa fin ; Raymond Domenech totalement décrédibilisé avec la nomination annoncée de Laurent Blanc pour l’après-Mondial 2010. Mais comme chaque règle a son contre-exemple, il faut rappeler qu’Aimé Jacquet a fait l’Euro 1996, puis le Mondial 1998 sans aucune garantie contractuelle, pour le résultat que l’on sait. Noël Le Graët aura peut-être tort à la fin juin, mais il aura au moins eu le mérite de prendre position.
Par Nicolas Jucha