- Ligue Europa
- 2e journée
Faut-il arrêter de reverser des équipes de C1 en C3 ?
Chaque année, huit clubs de Ligue des champions sont reversés en Ligue Europa au printemps. Et souvent, ces mêmes équipes trop faibles pour la C1 font main basse sur la seconde compétition européenne. Et si la pratique du repêchage portait préjudice à l'équité sportive en C3 ?
« À la place d’avoir ce système de rattrapage pour les clubs en Ligue Europa, il faudrait favoriser l’aide au football amateur. » Le temps passe, mais Pascal Olmeta ne change pas, contrairement aux compétitions de l’UEFA. Pour l’ancien gardien de l’Olympique de Marseille et de Lyon, pas de doutes, reverser les troisièmes de la Ligue des champions en C3 à partir des seizièmes de finale, c’est une manière de favoriser les plus riches, et donc de donner à ceux qui n’en ont pas le plus besoin. « On fait trop le jeu des gros clubs, même si le changement de formule pour l’accès la Ligue des champions est intéressant, car il permet de faire accéder à la phase de groupes des clubs de pays qui n’y étaient pas habitués. C’est un peu dans la même logique qu’une aide au football amateur. »
Outre assurer un plan B aux grosses écuries qui ont manqué de réussite en C1, la présence de clubs de Ligue des champions au plateau printanier de la C3 tend à inféoder cette dernière à sa grande sœur. « Cela biaise peut-être la C3 » , admet Luc Sonor, habitué des épopées européennes avec Monaco au début des années 90. Pour l’ancien défenseur, le fait que le plateau change en février à cause de l’arrivée des recalés de la Champions « n’ôte toutefois pas son statut de belle compétition à la Ligue Europa » . Pour lui, le problème est ailleurs : « On dénigre un peu cette épreuve, car certains clubs ne la joue pas à fond, mais pour commenter régulièrement des matchs, je peux dire que le niveau est intéressant. » Notamment grâce à ces équipes du gratin européen qui y sont reversées…
Une pratique qui renforce l’intérêt sportif de la C3
C’est du moins ce qu’en pense Gernot Rohr, entraîneur de Bordeaux en 1996, quand les Girondins ont atteint la finale de la Coupe de l’UEFA. « Ce sont des clubs prestigieux qui valorisent la Ligue Europa que l’on reverse » , estime le Franco-Allemand, pour qui « l’intérêt sportif est renforcé » grâce à ces repêchages, car « le troisième d’un groupe de Ligue des champions est en général une équipe qui aurait fait bonne figure en huitième de finale. Si on repêchait aussi le quatrième, là ce serait trop. » Luc Sonor est d’accord avec le technicien, estimant que « quand on termine troisième de son groupe en Ligue des champions, on mérite une récompense » .
Et pour l’ancien international français, la Ligue Europa a également le mérite d’offrir de nombreux matchs de haut niveau aux effectifs fournis des frustrés de la C1 comme l’AS Monaco : « Ils ont fait un recrutement pour la Ligue des champions au niveau quantitatif, c’est donc bien que des équipes dans cette situation aient l’opportunité de jouer des matchs de haut niveau toute la saison, histoire de ne pas mettre de côté certains de leurs joueurs. » Une observation qui renforce l’idée d’un format à l’avantage des riches, quand les clubs aux moyens plus limités se plaignent du trop grand nombre de matchs qu’implique une campagne en Ligue Europa.
Luc Sonor : « Si cela ne tenait qu’à moi, je relancerais la Coupe des coupes »
Même s’il a connu les compétitions européennes d’avant l’arrêt Bosman, Gernot Rohr est séduit par la configuration actuelle : « Avec les nouvelles formules, il y a moins de suspense qu’avant, mais cela ne me paraît pas si mal. Quand je vois Bordeaux-Liverpool ou Monaco-Tottenham en Ligue Europa, je trouve que cela donne de bons matchs. Et les clubs ont pu augmenter leurs recettes. » D’autant qu’à ses yeux, l’argument du trop grand nombre de matchs ne tient pas : « En 1995, on avait dû disputer la Coupe Intertoto, donc beaucoup de matchs supplémentaires. » Quant à la perspective de voir un jour disparaître la C3 comme feu la Coupe des coupes, l’ancien entraîneur de Bordeaux, et Nice n’y croit pas une seule seconde : « C’est impossible à gérer au niveau du calendrier à moins d’en exclure les plus petits clubs et pays, ce qui serait dommage. »
Alors que l’UEFA tente d’ouvrir ses compétitions à un maximum de fédérations pour contrebalancer l’hégémonie des quatre championnats les plus puissants, Luc Sonor se prend lui à rêver d’un grand bon en arrière : « Je ne veux pas d’un avenir avec une seule Coupe d’Europe, la Ligue des champions, je suis au contraire pour qu’un maximum de clubs aient la possibilité de disputer des matchs européens. Si cela ne tenait qu’à moi, je relancerais la Coupe des coupes aussi. » Une compétition qui est au placard depuis 1999, plus grosse victime des réformes des compétitions européennes depuis deux décennies.
Par Nicolas Jucha
Tous propos recueillis par NJ