- France
- AS Monaco
Falcao, tigre mystique
Recruté à prix d'or durant l'été 2013 alors qu'il était au sommet de son art, Radamel Falcao a, depuis, traversé trois saisons en enfer suite à sa grave blessure au genou en janvier 2014 dans un match de Coupe de France. Derrière, le « Tigre » a quitté Monaco pour Manchester United puis Chelsea, pour autant d'échecs cuisants. Depuis un mois, le Colombien a repris la saison avec Monaco, où il est sous contrat pour encore deux ans et le club le couve d'amour, changeant même de schéma tactique – 4-4-2 – pour qu'il brille enfin. Pour mieux le vendre ?
Pour l’instant, les images du passage de Radamel Falcao à l’AS Monaco sont rarement liées au football comme on l’entend, à savoir le jeu. Il y a tout d’abord sa présentation officielle dans un luxueux hôtel monégasque où le crack se présente avec une veste saumon. On peut également ranger dans l’armoire à souvenirs ce remplacement à la Beaujoire à l’heure de jeu par Claudio Ranieri, avec le Colombien qui place sa main au-dessus de ses yeux pour vérifier que c’est bien son numéro qui s’affiche sur le tableau du quatrième arbitre. On trouve aussi cette sale blessure au genou sur la pelouse de Gerland lors d’un match de Coupe de France contre Chasselay.
Et puis cette fuite orchestrée par son agent Jorge Mendes en marge d’un Monaco-Lille que le joueur devait débuter et qu’il suivra finalement des tribunes pour ne pas compromettre son départ à Manchester United. C’était fin août 2014. Proche et si loin à la fois. Depuis, l’ancien goleador de l’Atlético de Madrid a galéré une saison à United, où Van Gaal le fera même jouer avec les U21, et une autre, l’an dernier, à Chelsea où José Mourinho puis Guus Hiddink ne compteront jamais sur lui. Moralité, depuis l’été 2013 qui l’a vu débarquer en Ligue 1, Falcao a disputé 63 matchs, souvent en débutant sur le banc, pour 18 buts sachant que 11 de ses 18 buts ont été inscrit avant sa grave blessure. En gros, depuis qu’il s’est foutu le genou en l’air, le Tigre a marqué sept buts en club. En deux ans et demi.
Revenir là où il a tout perdu
Pourtant à Monaco, on assure que cette époque est révolue. Face à la misère offensive qui touchait l’ASM au cœur de l’hiver, la direction du Rocher avait même tenté de rapatrier le Colombien avant la fin de son prêt à Chelsea. L’opération avait capoté. Présent à la reprise fin juin, comme tous les non-internationaux, Falcao s’est infligé une vraie préparation et vient de planter 5 buts en 6 matchs amicaux. En privé, on câline le joueur comme jamais. Après tout, c’est un investissement. En janvier, des membres de la direction sportive pestaient de voir leur « crack » cirer le banc de Chelsea, perdant inéluctablement de sa valeur. En gros, on estimait que Falcao perdait de son crédit loin de Monaco. Quitte à le relancer, autant le faire à la maison.
Pour ce faire, il fallait convaincre le joueur et son entourage de revenir en Principauté. Non pas que le soleil et la fiche de paie soient des obstacles, mais Falcao revenait là où il avait tout perdu. Perdu de sa superbe, perdu sa place pour la Coupe du monde 2014, perdu son ticket gagnant pour le Real Madrid, son rêve, qui a finalement été le destin de son compatriote et coéquipier monégasque James. Quand il débarque sur le Rocher, Falcao y voit un tremplin doré. Une saison en Principauté, des buts, une belle Coupe du monde au Brésil et un gros club derrière. Tout s’est arrêté à Lyon avec ce genou qui s’est fait la malle. Le rêve est devenu un cauchemar. Le mental a décliné. Même sa femme ne voulait plus entendre parler de la Principauté… Il faut dire qu’en deux ans, Falcao est devenu un anonyme. Un lambda du football.
Repartir de zéro
À tel point que l’ancien capitaine de la sélection colombienne n’était pas de la dernière Copa América et n’a plus été appelé chez les Cafeteros depuis octobre 2015. Maintenant, la question est simple : pourquoi Monaco réussirait là où Manchester United et Chelsea ont échoué ? Le joueur y apporte un début de réponse sur le site officiel du club. « Mon expérience en Angleterre a été difficile mais elle m’a servi aussi bien en tant qu’homme que comme footballeur. J’espère que ce que j’ai appris va me servir maintenant, ici à Monaco. Je suis très heureux d’être de retour ici, pour jouer. La seule chose dont j’ai besoin, c’est d’accumuler les matchs et le temps de jeu. Avec les matchs, mon corps va rapidement s’adapter au rythme de la compétition » , a déclaré le numéro 9 de l’ASM. Après tout, l’air marin de la Côte d’Azur a ressuscité Hatem Ben Arfa l’an dernier. On peut imaginer que Falcao suive le même chemin miraculeux. En tout cas, tout est orchestré pour faire briller le Colombien. On le cajole, on lui donne de l’importance, de l’amour, on organise une communication sur mesure et même un schéma tactique adéquat.
Alors que Leonardo Jardim se refusait à jouer à deux pointes depuis deux ans, voilà que la préparation s’est faite uniquement en 4-4-2 avec Valère Germain en compagnon offensif. Dans l’idée de relancer le Tigre, il y a aussi l’idée de relancer le club. De démontrer que ce mariage de 2013 ne doit pas se pérenniser dans l’échec. Surtout, à Monaco, rien n’est jamais vraiment figé. Par exemple, rien ne dit que le joueur sera toujours monégasque en septembre prochain. Il suffit de quelques buts en août, d’un moral et d’une condition physique retrouvés et (re)voilà Falcao apte au service. Son agent Jorge Mendes, l’homme qui ne dort jamais, n’est pas le dernier pour exfiltrer un copain. Qu’il brille sur le Rocher ou ailleurs, Falcao sait qu’il joue gros cette saison. En football, tout va très vite et personne n’est jamais définitivement perdu. Au Tigre de prouver qu’il peut encore rugir malgré un corps abîmé.
Par Mathieu Faure