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Falcao, le dindon de la farce
Alors que partout, le football s'est mis en pause Merry Christmas. La dinde, le foie gras et le saumon ont remplacé le ballon rond. Radamel Falcao, le Colombien de MU en a profité pour retrouver un peu de temps de jeu lors du Boxing Day. Mais sa dernière sortie médiatique montre que c'est lui qui est en train d'être dégusté tout cru par un système beaucoup trop fort pour lui.
« Un joueur n’est pas maître de son destin. Parfois, cela me fait sourire quand les gens me demandent pourquoi je n’ai pas été dans ce club ou pourquoi je ne suis pas resté dans un autre, comme si le footballeur pouvait décider où il allait travailler. Je demanderais bien à certains journalistes : « Et toi, pourquoi tu ne travailles pas à CNN ou chez ESPN ? » C’est la même chose dans le football. Peu de fois, tu as la possibilité de signer dans un club ou un autre. J’ai vécu beaucoup de situations où je n’ai pas pu vivre ce que je voulais… Je veux aller à un endroit et, au final, je dois partir ailleurs. »
Tous les cris les S.O.S.
Partent dans les airsDans l’eau laissent une trace
Dont les écumes font la beauté
Pris dans leur vaisseau de verre
Les messages luttent Mais les vagues les ramènent
En pierres d’étoile sur les rochers
Sound Of Silence
À l’aide, help, aiuto : voilà le cri lancé par Radamel Falcao lors de son dernier entretien. Tout sourire, toujours parfait, nickel chrome dans son costard 3 pièces, Radamel fait croire qu’il est heureux de sa vie, de ses choix, des villes où il atterrit, à Madrid, Monaco ou Manchester. Oui, mais son beau sourire et ses cheveux gominés cachent un certain mal-être et un aveu cinglant : le footballeur colombien ne s’appartient plus. Il n’a pas choisi, ne choisit et ne choisira pas ses destinations. Utilisé, échangé, prêté, revendu, le Radamel est transféré sans jamais être consulté, comme un vulgaire pion du marché mondial, du capitalisme. On comprend enfin pourquoi le beau Colombien n’a toujours pas joué la Ligue des champions.
Avant, le footballeur appartenait à son club formateur. À vie. Puis, à force de combat, soutenu par l’UNFP, il s’est libéré de ses chaînes et obtient un bon de sortie tardif, en cas de services rendus après 4 années de contrat (+ 1 due au club s’il joue plus de 120 matchs officiels pendant ces 4 ans). Cet énorme progrès protégeait le club et le joueur, mais restait quand même une purge pour le joueur talentueux, suspendu au bon vouloir de son président. Le footeux allait ensuite, grâce ou à cause de Bosman et son célèbre arrêt, rentrer dans Schengen : Bosman, au prix de sa carrière, s’est battu pour l’intérêt général. c’est la libre circulation du footballeur avec un contrat à durée déterminée. Le joueur peut alors bouger de club et rompre ce CDD à tout moment contre un échange d’argent entre les 2 clubs devenus entreprises. Entre-temps, les agents sont entrés dans la danse pour jouer le rôle de copain du joueur, de confident, de conseiller, sans oublier au passage de s’en mettre un peu dans les poches. Aujourd’hui, même cette corporation tient sa star : Jorge Mendès, roi des agents, un ultra puissant dictant aujourd’hui la météo du marché des transferts.
Tout ça pour ça
Oui, le système a été pensé pour libérer le footballeur, mais finalement, l’enchaîne toujours. Radamel Falcao, ouvrier privilégié, riche et célèbre, mais ouvrier quand même, participe allègrement à ce système économique. Quel constat d’échec ! Tout ça pour ça ! On aimerait savoir si Hazard a choisi de jouer à Chelsea ou si Zlatan savait que Paris avait une équipe de football. On aimerait savoir si Messi décide vraiment de rester au Barça. Pourquoi Ángel Di María a été contraint de quitter le Real pour MU, après une saison formidable et une Coupe du monde de haut niveau ? Pourquoi Bafétimbi Gomis est devenu un paria à l’OL car il voulait aller au bout de son contrat ? Certainement pour ne pas mettre en péril l’équilibre de cette machine à fric. Peut-être parce que le monde du football marche sur la tête, en échappant à toute régulation, où la FIFA et son patron Don Sepp Blatter sème la terreur. On s’amuse de ce monde du football où, aujourd’hui, on fait voyager de l’humain pour faire circuler de l’argent, souvent fictif d’ailleurs.
Radamel, va falloir se réveiller et venir te sauver pour qu’enfin tu puisses choisir ta future destination et qu’on puisse te voir le mardi ou le mercredi soir. Toi aussi, tu as le droit d’entendre cette jolie musique d’avant-match qui fait rêver tous les footballeurs de la planète. Radamel Falcao fait partie des meilleurs. Et dans beaucoup de métiers, les meilleurs, au moins, eux, ont le choix, sont libres, même libres de niquer le système. Radamel, brise tes chaînes, sinon tu risques de finir au Havre avec tes copains Simão et Adriano, dans le 11 de rêve de Christophe Mariol. Ou Maillol. Et au Havre, sûr qu’on te verra jamais jouer la Champions ! LH76, the place to be. Remarque, ce n’est pas pire que les docks de Manchester.
Par Vikash Dhorasoo