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Falcao et Moutinho, cocus mais heureux
Têtes de gondole du mercato clinquant de l'été 2013, Falcao et Moutinho n'ont jamais semblé aussi épanouis sous le maillot monégasque qu'en 2017.
« On ne devrait jamais sous-estimer le cœur d’un combattant » , avait prévenu Radamel Falcao. Dans leur tête, ça ne devait être au pire qu’une étape, au mieux les prémices d’un scénario grandiloquent qui transformerait le tranquille club du Rocher en Everest de l’Europe du foot. Quand ils débarquent respectivement de l’Atlético de Madrid et du FC Porto, l’attaquant colombien et le milieu portugais sont des cadors à leurs postes, des noms qu’on murmure dans les plus grands clubs du continent. L’AS Monaco, elle, vient tout juste de remonter de Ligue 2 et n’a que ses moyens financiers et une ambition démesurée à offrir. Suffisant pour convaincre des joueurs conseillés par l’influent Jorge Mendes, même s’il « y avait beaucoup plus que de l’argent à l’ASM. Il y avait un grand projet » , insistera Moutinho. Il y a presque quatre ans jour pour jour, Monaco affrontait déjà l’OM, pour ce qui ressemblait là aussi à un premier test d’envergure pour une équipe suscitant la curiosité. C’étaient les débuts de João Moutinho, ses premiers caviars pour Radamel Falcao, Yannick Carrasco et Emmanuel Rivière. C’était une diagonale aux contours un peu baroques, mais elle n’a pas tant changé finalement. Les stars y côtoient toujours les cracks en devenir et les joueurs de devoir.
Des rêves inassouvis, des hommes accomplis
Au milieu de bambins en quête d’ailleurs, les deux trentenaires sont désormais des tauliers qui ne cherchent plus les projecteurs. Falcao a fini par apprivoiser le contexte monégasque, comme il le confessait en novembre 2016 sur le plateau du Canal Football Club : « L’anonymat est une chose que l’on ne peut pas acheter. Dans cette ville, quand on sort, on est une personne parmi tant d’autres. » Surtout, il a repris goût au football après deux ans et demi de frustration. De sa grave blessure à sa parenthèse anglaise ratée en passant par son rêve de Mondial envolé, tout s’était imbriqué pour qu’il regrette à jamais d’avoir un jour posé ses valises en Principauté. Et plus que sa dizaine de buts en quelques mois, on n’avait retenu de lui au Louis-II que ce départ téléphone à l’oreille qui s’était orchestré avant un Monaco-Lille d’août 2014. Un épisode qui sonnait comme l’adieu le moins classe du monde pour un joueur qui n’en manque pourtant pas. Moutinho, lui, n’est jamais parti. Il y a peut-être songé, pris en traître par le redimensionnement du projet monégasque : « Dans celui qu’on m’avait présenté, l’ambition était de gagner la Ligue des champions d’ici trois ans. » , nous avouait-il en avril dernier. Il ne la gagnera sans doute jamais, mais, comme Falcao, c’est avec Monaco qu’il a goûté pour la première fois au frisson d’un dernier carré de C1. Houspillé par les médias et les supporters, il n’a pourtant jamais cessé d’être le même : un maître à jouer discret, à la technique sobre et sûre, manquant d’un peu de folie. Un profil peu utile dans un collectif qui marche à l’envers, mais infiniment précieux dans une machine rodée comme celle de la saison passée. Preuve en est : même si l’excellent tandem Fabinho-Bakayoko a focalisé l’attention, le champion d’Europe a sans doute été le meilleur de tous dans le money time.
Plus-value sportive
« Je crois que c’est la plus belle saison de ma carrière » , confiait Falcao le soir du titre. Réconciliés avec leur aventure monégasque en montagnes russes, les deux papas n’ont pas accompli tous leurs rêves de grandeur, mais ils ont tout de même un peu grandi avec le club de la Principauté. Derniers salaires XXL de l’effectif (environ 350 000 euros par mois pour Moutinho, 600 000 pour Falcao), ils sont les derniers vestiges des ambitions folles. Ce sont aussi eux qui portent le mieux aujourd’hui les ambitions raisonnables. Aux côtés d’un Fabinho éteint, Moutinho a pris par la main un collectif qu’il faut encore et toujours reconstruire, pendant que Falcao truste déjà avec Cavani la plus haute marche du classement des buteurs. Le milieu portugais s’approche doucement des 200 matchs en rouge et blanc, le numéro 9 colombien a lui déjà fracturé le Hall of Fame des meilleures gâchettes de l’histoire de l’AS Monaco, avec un ratio de 0,70 but par match dont seule la légende Delio Onnis peut se targuer. Ils ne rapporteront jamais d’argent, ils ont déjà assez apporté comme ça. « On ne retient pas un homme contre son gré » , déclarait Rybolovlev à L’Équipe en mai dernier, laissant le choix à tous d’apprécier si l’herbe et les billets sont plus verts ailleurs. Preuve qu’il n’est plus un tigre en laisse, Falcao a dit non aux offres pharaoniques émanant de Chine et a prolongé jusqu’en 2020. Le choix de la raison. Et sans doute un peu du cœur, désormais.
Par Christophe Depincé