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Falcao, du paradis à l’enfer
Considéré par beaucoup comme le buteur le plus convoité au monde à l'Atlético Madrid, Radamel Falcao est aujourd'hui remplaçant de luxe à Manchester United, le tout dans un anonymat pour le moins inquiétant. Mais comment le Tigre a-t-il pu perdre toute sa rage de vaincre en si peu de temps ?
« Mon Dieu ! Mon Dieu ! Mon Dieu !
Laissez-le-moi Encore un peu,
Mon amoureux. Six mois, trois mois, deux mois…
Laissez-le-moi Pour seulement
Un mois… »
Comme en témoignent ces paroles d’Édith Piaf, Marcel Cerdan était l’âme sœur de la Môme, mais un crash d’avion entre Paris et New-York est venu lui ôter son combattant préféré. Comme le Bombardier marocain, Radamel Falcao était, lui, le serial buteur de l’Atlético Madrid. Un style latino à faire passer Nuno Gomes pour un homme en avance sur son temps, une confiance à toute épreuve et, bien entendu, des statistiques complètement délirantes : 70 buts et 9 passes décisives en 90 matchs, toutes compétitions confondues. En guise de sommet, El Tigre se souviendra à jamais de cette fabuleuse soirée du 9 mai 2012. Pour la finale de la Ligue Europa contre l’Athletic Bilbao de Marcelo Bielsa, les hommes de Diego Simeone dominent les débats et rentrent à la pause avec un avantage de deux buts. Deux buts marqués par les griffes de Falcao. Après une victoire finale sans discussion (3-0), les Colchoneros célèbrent un nouveau titre continental, et remercient abondamment leur goleador aux cheveux longs. C’est bien simple, le dernier attaquant à avoir autant illuminé une finale de C3, c’était le Ronaldo de l’Inter et son double passement de jambes devant Marchegiani, contre la Lazio en 1998. Pour certains, le Tigre est le digne successeur du Phénomène, parce que le Tigre est un phénomène. Hélas…
Souviens-toi, l’Ertek dernier
Débarqué à l’Atlético Madrid pour environ 45 millions d’euros, l’Atlético avait frappé un grand coup sur le marché des transferts pour s’offrir un remplaçant de renom à Sergio Agüero, parti régaler les pelouses de Premier League. Déjà sur un excellent ratio but/match à Porto, Falcao dompte la Liga illico presto et devient le nouveau chouchou du Vicente-Calderón pendant trois saisons. Et comme toute belle histoire a une fin, l’idylle madrilène de Falcao s’est terminée avec des œufs de caviar. Son nouvel acquéreur, l’AS Monaco, profite des poches pleines de la 146e fortune mondiale Dmitry Rybolovlev pour recruter, à la fin du mois de mai 2013, le meilleur avant-centre du monde. Un joueur qui marque 29 buts en 29 matchs de Ligue Europa avec deux C3 dans son baluchon, ça ne se trouve pas partout mais a désormais un prix : 60 millions d’euros. Sous les couleurs de l’ASM, la machine à marquer démarre encore en trombe : sept buts en sept journées et une place de leader du championnat de France. Après le Portugal et l’Espagne, Falcao s’apprête à marcher sur l’Hexagone, c’est une évidence.
Dans un coin de sa tête cependant, Falcao pense à son grand défi lors de cette saison 2013/2014, peut-être même le plus gros challenge de sa carrière : faire briller la Colombie lors du Mondial brésilien au mois de juin suivant. Radamel sait que tout le pays – dont son sélectionneur José Pékerman – compte sur ses buts en pagaille, comme lors de cet épique match nul à Bogota contre le Chili en octobre (3-3). De sang-froid grâce à deux pénos en fin de match, le numéro 9 qualifiait les Cafeteros pour la cinquième Coupe du monde de leur histoire. Oui mais voilà, le guide de tout un peuple va déchanter dès janvier 2014. La raison ? Le tacle glissé d’un professeur d’histoire-géographie en banlieue lyonnaise, Soner Ertek. En Coupe de France, le défenseur de Chasselay fait chuter Falcao. Mains sur le visage et quolibets sortant de sa bouche, le buteur est évacué sur civière et inquiète la planète football. La victoire est anecdotique, la bombe médicale explose : le Tigre est victime d’une lésion du ligament croisé antérieur du genou gauche, susceptible d’occasionner six mois d’indisponibilité. Soit un retour aux affaires fin juillet, juste après la Coupe du monde. Dans le jargon, on appelle ça prendre une grosse claque.
« Je ne sais pas comment faire »
Motivé comme jamais pour déjouer les pronostics, le natif de Santa Marta sera, comme Bale ou Ibrahimović, l’un des grands absents du Mondial. Depuis cette tuile, Falcao est même devenu quelqu’un d’autre. Un homme au cœur tendre capable de pleurer en compagnie de ses fans, un homme peut-être trop gentil et flexible dans le vil marché du football. Un homme qui pensait devenir le leader de sa nation pour aller décrocher la Lune au Brésil. Mais non. La Lune, c’est son coéquipier James Rodríguez qui en aura bénéficié, signant dans la foulée avec le Real Madrid. Sous les directives de son agent, Jorge Mendes, Falcao dira au revoir à Louis-II pour partir en prêt à Manchester United, à défaut d’être transféré pour un refus de dernière minute… au Real Madrid. La suite, son ancien agent Silvano Espindola, celui qui l’avait fait grandir à River Plate, la raconte mieux que personne : « Nous avons parlé pendant vingt minutes jusqu’à ce qu’il atteigne le stade (d’Old Trafford, ndlr) et il m’a dit : « Je n’ai jamais vécu une telle situation, je ne sais pas comment faire. Cela est très bizarre pour moi ». Je vois qu’il n’est pas heureux. Nous parlons régulièrement et souvent, nous pleurons ensemble sur cette situation difficile. » En fin de saison, MU ne soulèvera sûrement pas l’option d’achat fixée à 55 millions d’euros par l’ASM. Son avenir s’écrira alors sur le Rocher, ou ailleurs. Dès lors, son salut passera par deux choses. D’une, le retour de la confiance, de son instinct propre à ses folles saisons espagnoles, et de deux, par son autre grande vocation : ses appels à Dieu. Si le Tout-Puissant le veut bien, Falcao redeviendra ce féroce félin avide de buts. Mon Dieu, mon Dieu, mon Dieu…
Par Antoine Donnarieix