- Billet d'humeur
- Ballon d'or 2012
Faisons comme Mourinho, boycottons le Ballon d’or
Il pèse 0,43 kg, fait tourner quelques têtes et couler pas mal de salive. Lui, c’est le Ballon d’Or. Objet tant désiré – paraît-il – mais dont on a aussi le droit de se foutre. Bravo quand même à toi Lionel.
On a toujours mieux à faire que de passer un lundi soir à Zurich (et pas que le lundi soir). José Mourinho l’a bien compris. Le Portugais a déjà sa lettre d’excuse pour zapper la cérémonie du Ballon d’Or. « Je n’y serai pas. Je dois travailler, j’ai un match important avec le Real Madrid en Coupe ce mercredi » . Que va rater José au fond ? Un concert de cette chèvre qu’on égorge de James Blunt comme l’an dernier, Sepp Blatter vous expliquant comment la FIFA contribue à rétablir la paix dans le monde et combattre le racisme, la mondialisation heureuse du football sapée par Armani ou Hugo Boss. Quoi d’autre ? Ah oui, Lionel Messi avec un quatrième Ballon d’Or dans les mains remerciant papa, maman, le Barça et ses coéquipiers.
De loin, on imagine déjà les débats de mardi matin. Messi est-il officiellement le plus grand avec Cruyff, Platini et Van Basten à une longueur derrière lui dorénavant ? Iniesta ne méritait-il pas de l’emporter, parce que tout le monde l’aime bien Iniesta et qu’il a l’air tellement sympa ? Cristiano aurait-il dû faire un effort pour ne pas tirer la tronche ? Des questions auxquelles on n’a aucune réponse et dont on n’a même pas envie de réfléchir. Douze mois sur douze, ce foutu Ballon d’or vampirise trop de discussions déjà. Tout doit être ramené à lui. Prenez l’exemple de Ronaldo en sélection. La question n’était même pas de dire si le Portugal allait réussir un grand Euro mais de voir si CR7 pourrait se replacer dans la course à son « précieux » , en cas de gros mois de juin. Idem pour l’Espagne. N’est-ce pas une injustice qu’un Casillas ne soit pas sacré au nom de la passe de trois de la Roja ? Faut-il récompenser la performance individuelle, le palmarès, une carrière irréprochable ?
Il n’y a pas de MVP au foot
Lionel Messi a un mérite : il tue tous ces débats dans l’œuf. Que l’Argentin en gagne cinq, six ou sept si ça lui chante. Il n’y aura rien à redire. Son talent et ses stats écrasent la concurrence. Après, c’est juste oublier un truc très con. Le football est un sport collectif. Désolé pour les portes ouvertes, mais le foot est légèrement plus subtil qu’un 200m brasse où c’est le premier qui touche qui gagne. Seul le rugby – qui n’est pas son cousin pour rien – présente une dimension collective plus importante que lui. En basket, il suffit d’enlever un LeBron James à Cleveland pour que les Cavs retournent faire la manche. Au handball, un gardien à plus de 40% d’arrêts et deux arrières en chaleur vous permettent de gagner n’importe quel match. Le Barça a gagné avant Messi et gagnera peut-être après. Les Bulls n’avaient jamais gagné avant Jordan et n’ont toujours pas gagné après.
Comme les Oscars ne sont pas tout le cinéma, le Ballon d’or ne représente qu’une frange du foot, la plus élitiste et mondialisée. Un football où l’on discute des mêmes idoles, des mêmes clubs et peu importe sa nationalité, son âge ou son fuseau horaire. Cristiano ou Léo ? Barça ou Real ? City ou United ? On peut aussi refuser de trancher, on peut aussi n’avoir rien à dire de la course au record de Messi ou de l’augmentation de Ronaldo. Comme on peut se contrefoutre de savoir si Jean Dujardin dans The Artist est meilleur que Brad Pitt dans The Tree of Life. On peut aussi revendiquer le génie supérieur d’un Robin van Persie, Manuel Neuer ou Julien Féret. Eh oui, pourquoi pas ? Le football est une affaire de subjectivité, de sensibilité, de mauvaise foi et de parti pris. Après, si vous avez envie de passer votre lundi soir devant une cérémonie organisée par un ancien directeur des relations publiques à l’office du tourisme valaisan, c’est votre choix.
Par Alexandre Pedro