Bonjour Fabrice, comment juges-tu le nouveau titre acquis par le PSG cette saison ?
Malgré ce que je peux lire, le titre a été acquis de belle façon. L’équipe était supérieure dans tous les domaines par rapport à ses concurrents. On l’oublie très souvent, mais le plus dur, quand on est hyper-favori, c’est de concrétiser. Ce n’est pas facile de prouver qu’on est les meilleurs et de gagner les matchs chaque week-end. J’ai particulièrement apprécié la bonne mise en place tactique de Laurent Blanc, ainsi que la bonne tenue des joueurs tout au long de la saison. Même s’il y a eu quelques matchs ratés sur la fin, le PSG a largement prouvé sa supériorité cette année.
Trouves-tu moins de charme à la victoire qu’en 1986 ?
C’est autre chose, le contexte est très différent. On est à trente ans d’intervalle, la société a évolué, l’environnement et les mentalités sont complètement différents. Si ce n’est l’ambition sportive, ce sont deux équipes qui n’ont rien à voir. Nous, c’était la surprise, on n’était pas du tout attendus, d’autant plus qu’il y avait eu beaucoup de changements au niveau de l’effectif à l’intersaison. Le PSG sortait d’une très mauvaise saison, Francis Borelli avait recruté près de 14 ou 15 joueurs pendant le mercato et Gérard Houllier venait d’arriver en tant qu’entraîneur. Aujourd’hui, au contraire, le projet du PSG est solide et se met en place petit à petit. Cela passe d’abord par des titres de champion de France pour s’affirmer au niveau national, et ensuite aller plus loin en Champions League dans les années qui viennent.
Tu te souviens de tes premiers pas au PSG ?
Je m’en souviens très bien. J’ai été recruté directement par le président Borelli. Pour l’anecdote, quand je suis arrivé au Camp des Loges, avec tous les nouveaux joueurs, Gérard Houllier ne m’a pas reconnu, il était un peu surpris. Certes, il me connaissait de nom, mais je pense qu’il n’avait jamais vu mon visage. Cela montre bien que les temps ont changé.
Il était comment, le jeune Gérard Houllier ?
C’était quelqu’un de très réceptif, qui regardait et parlait beaucoup avec tout le monde, vraiment proche de ses joueurs. Il venait de Lens, lui aussi avait à prouver qu’il était capable. Il a réussi à se montrer psychologiquement proche de nous et est parvenu à créer un climat hyper sain. Sa méthode est basée sur des entraînements dynamiques et beaucoup de discussion. Il nous a appris à repousser la défaite.
En 1985, le PSG avait fini 13e en championnat. Quels ont été les facteurs du redressement ?
Je pense que la raison de notre succès, c’est que tous ces nouveaux joueurs avaient quelque chose à prouver. Ils avaient faim. Quand on venait de province, jouer pour le PSG, ça représentait quelque chose. Tout le monde s’est remis en question, avec un entraîneur sans a priori, sans favoritisme avec les anciens, qui a su créer l’osmose dans le groupe. Et très vite, la mayonnaise a pris.
Si bien que vous enchaînez pendant six mois une incroyable série de 26 matchs sans défaite, qui vous donnent 10 points d’avance au classement…
Tout a commencé contre Bastia, à Reims, sur terrain neutre (4-0). C’était mon premier match officiel avec le PSG, nous avions beaucoup de pression, mais il faut avouer que le fait de ne pas jouer en Corse, surtout à l’époque, a été un avantage considérable. Ensuite, on a gagné au Parc lors de la 2e journée et derrière, c’est vrai, on enchaîne avec 26 matchs sans défaites. Mais bon, quand il y a la confiance dans une équipe, tout est plus facile : la préparation avait été bonne et la dynamique s’est installée. Et puis, il faut aussi dire qu’il y avait des joueurs de grande qualité : Rocheteau et Sušić en attaque, Luis au milieu, Bats dans les buts… Il y avait une envie commune d’aller de l’avant et de jouer un beau football, et nous avions les individualités pour faire la différence.
Tu t’entendais particulièrement bien avec Luis Fernandez, ton coéquipier du milieu…
Nous avions un lien très fort sur et en dehors du terrain, il m’a énormément conseillé et appris. Quand je suis arrivé au PSG, la concurrence était assez importante au milieu de terrain, notamment avec Jean-Claude Lemoult qui était là depuis longtemps, j’ai dû faire mes preuves. Pendant le stage de préparation en Hollande, je me suis rapproché de Luis qui m’a petit à petit pris sous son aile. C’est grâce à lui que j’ai pu hausser mon niveau de jeu et être en confiance pour jouer à Paris ; car il faut bien comprendre que ce n’est pas facile de s’imposer dans ce club comme le PSG quand on vient de l’extérieur, même si l’ambiance était encore assez familiale à l’époque.
Après chaque match, on se retrouvait dans une pizzeria avec nos femmes
T’entends quoi par familial ?
Entre joueurs, on était tout le temps ensemble. On arrivait 2h avant l’entraînement, chacun avait sa mission, les journaux ou les croissants. Avec Gérard ou les kinés, on parlait foot dans les vestiaires, on lisait les articles de journaux côte à côte, on mangeait le midi ensemble sans obligation, et après chaque match, on se retrouvait dans une pizzeria avec nos femmes. Toujours tous ensemble ; un véritable groupe soudé. Je ne pense pas que ça soit encore le cas aujourd’hui, ce sont des choses qui ne sont plus trop possibles, notre époque est révolue. Nous n’avions pas les mêmes centres d’intérêt, ni tous des contrats publicitaires ou obligations marketing, le contexte de vie a changé. L’argent ne prenait alors pas le dessus sur le côté affectif et sur l’envie de faire quelque chose.
Malgré tout, la fin de saison est plus difficile. Les Nantais reviennent à deux points avant la dernière journée.
Oui. La pression était palpable, comme dans toute compétition où on arrive au bout. Mais nous sommes toujours restés maîtres de notre destin, nous savions qu’il ne nous manquait pas grand-chose pour concrétiser. Pour le dernier match au Parc, contre Bastia, nous ne nous sommes pas trop stressés, nous sommes restés sûrs de nous. L’opération portes ouvertes lancée par Borelli était une façon de remercier tous les supporters qui nous avaient suivi. On savait que si on jouait à notre niveau, ça allait passer.
Et ça passe…
C’était le premier titre de Paris, et à l’époque, ça représentait beaucoup. C’était la concrétisation de beaucoup d’efforts pour le président, qui voulait asseoir un peu plus sa puissance, son image, son club. Les victoires en Coupe de France, c’est une chose, mais le championnat, ça veut dire que tu es le meilleur sur 38 matchs. Cela relève d’un travail de fond, c’était une fierté que d’amener Paris à ce niveau. Et puis, la fête au Parc, c’était incroyable. Il y a eu un feu d’artifices, un lâcher de ballons, une scène avec un chanteur. Ils ont fait les choses bien.
Ça représente quoi pour toi le Parc ?
Pour moi, le Parc, c’est le stade. Pour un joueur de foot ancien ou actuel, c’est une enceinte qui fait rêver, qui vibre, qui est magique. Aujourd’hui, ça a un peu changé à cause des débordements de supporters, c’est dommage, car nous à l’époque, on avait aussi Boulogne et Auteuil, mais avec du respect, il n’y avait pas de bagarres. Pour l’équipe adverse, c’était une pression extraordinaire, et nous-mêmes, en tant que joueurs, on avait des frissons. Il y a dans ce stade une ambiance que peu de clubs ont, si ce n’est Lens qui a un public du même acabit…
Malgré la joie et la symbolique du premier titre, on a l’impression que votre épopée est souvent mésestimée par rapport aux années Denisot ou celles de la période actuelle ?
C’est Canal + qui a tout changé. Nous, on était le club de la capitale, mais disons que quand Canal + est arrivé, ce n’était plus le même club médiatiquement. Mais il ne faut pas oublier que ce qui a été fait après, c’est avant tout grâce à tout ce que Francis Borelli a fait dans les années 80. Le PSG est un club qui a vécu avant cette ère-là et c’est dommage de ne pas s’en souvenir.
Tu trouves des ressemblances entre ton PSG et celui du Qatar ?
Comme je l’ai dit, pour moi, ce sont deux clubs complètement différents. Mais si je dois trouver un point commun, je dirais que nous étions tous les deux des équipes collectivement fortes avec des joueurs supérieurs à des postes clés. Aujourd’hui, de par ma position sur le terrain, je dois avouer que j’ai un faible pour Marco Verratti, Thiago Motta et Blaise Matuidi… Ce sont trois joueurs hyper importants qu’on voit peut-être un peu moins que d’autres… Surtout en ce qui concerne Blaise, qui a franchi un pallier et qui fait maintenant des différences cruciales. J’aime les joueurs à son image, qui ont l’esprit club qui se donnent pour l’équilibre d’équipe.
Penses-tu que la domination du PSG soit irrévocable dans les prochaines années ?
Je le pense sincèrement, à moins que Monaco n’investisse énormément. Mais même dans ce cas, leur gros handicap, c’est qu’ils n’ont pas de stade ni le public pour pouvoir être très forts pendant tout un championnat. Si le président Khelaifi continue de faire les efforts en vue de gagner la Ligue des champions, je ne vois pas comment quiconque pourra rivaliser dans les années à venir. Aujourd’hui, en France, il y a deux clubs et les autres vont continuer à être dans un autre championnat. Si un exploit occasionnel reste toujours possible, sur la totalité des matchs, aucun ne pourra rivaliser.
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