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Fabrice Lepaul, l’espoir cassé de l’AJ Auxerre
Victime d'un accident de voiture mortel ce samedi, Fabrice Lepaul est décédé à seulement 43 ans. Ancien grand espoir d'Auxerre et sélectionné chez les jeunes de l’équipe de France dans les années 1990, l'ex-ailier gauche a notamment été champion avec l'AJA avant de voir ses plans de carrière contrariés en raison d'un premier accident de la route. Déjà. Retour sur l'homme et son parcours.
« Terrible. Terrible, terrible, terrible… » Lorsqu’il est tombé sur la mauvaise nouvelle via Facebook, Pedro Kamata a pensé à une fake news. Il n’y a d’abord pas cru, puis s’est mieux renseigné en contactant des personnes de confiance. Jusqu’à se faire confirmer la mauvaise nouvelle, malheureusement : ce samedi 23 mai 2020, Fabrice Lepaul est décédé dans un accident de voiture en perdant le contrôle de son véhicule près de chez lui alors qu’il était seul et qu’il n’allait souffler ses 44 ans qu’en novembre prochain.
« Quand j’arrive au centre de formation d’Auxerre en 1993, c’est LE phénomène, rembobine son ancien partenaire. Entre nous, il y avait un lien. Parce qu’il évoluait à mon poste, nous faisions tous les deux partie de la lignée des ailiers gauches de l’AJA avec Pascal Vahirua et Bernard Diomède. C’était mon aîné, donc je l’ai beaucoup observé. Placement, débordement, un-contre-un, centre… Je l’ai vu évoluer, c’était une pépite. Celui qui devait s’installer sur le côté, et succéder à Diomède. »
Un gigantesque espoir dès ses seize ans, et puis…
En 1993 justement, Lepaul a seize ans. Un âge où les jeunes fanfaronnent sur leur mobylette, alors que lui dispute sa première rencontre professionnelle en D1. Guy Roux, qui a rapidement détecté le talent du garçon, le lance le 28 octobre en le faisant entrer contre Cannes pour pallier les absences de Franco Vignola et Diomède. « Cette première apparition… Une folie, de celle qui marque les esprits », témoigne Kamata, à propos de celui qui est élu homme du match. Lilian Laslandes, qui a été à ses côtés entre 1993 et 1997 dans l’Yonne, fait marcher sa mémoire encore plus précisément : « Dès qu’il est entré, il y a eu un coup franc et il a lancé à Corentin Martins : « C’est moi qui frappe ! »Le culot ! Il a tiré, il a marqué… Après, comme il était tout foufou, il s’est cramé au bout de 25 minutes et il a demandé à sortir ! » Dès lors, le gamin se range définitivement dans la catégorie des gros espoirs à suivre et récupère le statut de remplaçant officieux de Diomède.
L’AJ Auxerre pleure la disparition de l’un de ses anciens joueurs. Fabrice Lepaul, joueur de l’AJA de 1990 à 1998 puis de 2000 à 2002, est décédé à la suite d’un tragique accident de la route.Nous adressons toutes nos condoléances et notre soutien à la famille de Fabrice. pic.twitter.com/DlRyUqEmNK
— AJ Auxerre (@AJA) May 23, 2020
Couronné champion de France en 1996 (deux ans plus tôt, il l’était avec les moins de 17 ans) et appelé chez les juniors de l’équipe de France, le natif d’Épinal grandit à bonne allure… Jusqu’à un grave accident de la route qui a lieu à un croisement de routes départementales, en octobre 1997. Déjà. Un avertissement ? « Terriblement choquant, là aussi, se souvient le retraité. On nous disait qu’il avait fait des tonneaux, qu’il avait été éjecté du véhicule, qu’il avait frôlé la mort… Ça avait fait l’effet d’une bombe. » Selon LL, qui avait la même BMW M3 que la victime, cette dernière aurait un peu forcé sur l’accélérateur, aidée par la fièvre d’une soirée européenne et la musique du poste radio. « Il aimait l’extrême, et n’hésitait pas à se brûler pour connaitre la température. »
Cassé, terminé… mais pas oublié
Après un passage en service de réanimation à l’hôpital d’Auxerre dans le coma, Lepaul s’en tire finalement avec trois côtes cassées et trois mois d’arrêt. Mais avec cet épisode, rien ne sera plus comme avant. « À son retour, il avait visiblement un problème psychomoteur. Il continuait de taper la balle, mais on sentait bien qu’il n’était plus le même footballeur. Quelque chose s’était cassé dans son jeu, ce n’était plus fluide… remet Kamata. Il avait pourtant un sacré potentiel, assez pour réaliser une meilleure carrière que Djibril Cissé. » Même son de cloche du côté de Laslandes, qui avait « une relation spéciale sur le terrain » avec le protagoniste et qui jouait le rôle « de grand frère en dehors en l’aidant par exemple dans ses achats immobiliers » : « Ses réflexes n’étaient plus si efficaces, il avait du mal à appréhender la balle. Il la voyait arriver au loin, alors qu’elle était déjà sur lui. »
Cette mésaventure ne lui enlève cependant pas le sourire, malgré ses difficultés à retrouver son niveau et à faire la différence à nouveau. Kamata, encore : « Je l’ai toujours vu avec le smile, très blagueur et beaucoup dans la vanne. » « Ah, c’était un bon vivant, confirme le double L, qui tient à adresser ses condoléances à la famille et notamment à son ex-femme. On perd là quelqu’un qui croquait la vie à pleines dents chaque matin dès le réveil, et qui faisait tout à fond. Un passionné plein d’audace, vraiment. » Toujours chaud à l’idée de caresser le cuir, l’ailier offensif – qui a découvert la Ligue des champions avec l’AJA, le temps de trois rencontres – tente de se relancer à Saint-Étienne avec qui il remporte le titre de D2 1998-1999 et à Cannes. Las, le bonhomme doit se résoudre à l’évidence en revenant dans son club formateur : le foot pro, ça n’est plus pour lui. Tant pis, les souvenirs resteront. Surtout pour les supporters de longue date de l’Association de la jeunesse auxerroise, et pour son fils Esteban membre de la réserve de l’Olympique lyonnais.
Par Florian Cadu
Propos de PK et de LL recueillis par FC